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CHRONIQUE - Les visées électorales des batailles feutrées au Parti socialiste : Une mise en perspective historique et politique

Mardi 18 Octobre 2016

Par Dr Maurice Soudieck DIONE (*)
 
La cohabitation des responsables − associés-rivaux − au sein du Parti socialiste est de plus en plus problématique, tiraillés par des différences et divergences d’options stratégiques, entre participation mutualiste au pouvoir, et (re)conquête socialiste du pouvoir. 
 
Dans une tension contradictoire, Khalifa Sall articule deux constantes. Il refuse d’engager une confrontation ouverte avec la direction du parti, tout en défiant ses décisions électorales : triomphe de la liste Taxawu Dakar aux locales du 29 juin 2014 au détriment de la coalition présidentielle ; échec dans l’appel à voter « Non » au référendum du 20 mars 2016, et victoire de And Taxawu Dakar pour l’élection des membres du Haut conseil des collectivités territoriales du 4 septembre 2016.
 
Dans la continuité de cette logique, l’hypothèse est fort plausible qu’il dirige une liste aux législatives de 2017, pour se porter candidat à l’élection présidentielle de 2019. Mais en toute vraisemblance, l’appareil du parti risque de ne pas le soutenir ! Alors pourquoi le maire de la capitale persiste-t-il à jouer dans le clair-obscur ? Quels sont les enjeux politiques de son exclusion ou démission du parti ?
 
Depuis le congrès sans (ou cent) débat(s) de 1996, les contradictions au sein du Parti socialiste semblent se ramener à une question : pour ou contre Ousmane Tanor Dieng ? D’où une dynamique insidieuse et pernicieuse d’évincement de ses adversaires, et de positionnement aux commandes de ses affidés, acolytes et hommes-liges ; perspective qui s’est renforcée avec la perte du pouvoir en 2000. Dès lors, les instances dirigeantes du parti sont essentiellement contrôlées par des hommes et femmes dévoués à Ousmane Tanor Dieng ; et beaucoup de frondeurs d’aujourd’hui ont été hier ses fidèles partisans, à l’ascension desquels il a contribué.
 
La volonté du Président Diouf à un moment de prendre du recul et de s’élever au-dessus de la mêlée, pour renforcer son autorité et arbitrer plus équitablement le jeu politique, a provoqué l’éclatement du Parti socialiste. Car au lieu d’organiser, de canaliser et de contenir la concurrence des différentes factions, dans un équilibre de la puissance, il a donné le pouvoir et tout le pouvoir au seul clan d’Ousmane Tanor Dieng, excluant de fait les autres entrepreneurs politiques, étouffés dans leurs admissibles ambitions. Djibo Leyti Kâ, animateur du mouvement du Renouveau démocratique quitte le parti en fédérant les dissidents et frustrés ; il réalise un score appréciable de 11 sièges de députés aux législatives du 24 mai 1998.
 
Dirigé par Ousmane Tanor Dieng, le Parti socialiste est grisé par sa victoire à ces mêmes joutes : 93 sièges sur 140, soit plus de la majorité des 3/5, favorisé en cela par le mode de scrutin. Le clan d’Ousmane Tanor Dieng prend encore plus de pouvoir, en obtenant le départ du Premier ministre Habib Thiam, remplacé par Mamadou Lamine Loum. Moustapha Niasse démissionne alors du gouvernement et entre en rébellion contre le PS, avant d’être exclu, après son appel du 16 juin 1999. À la présidentielle de 2000, il obtient 16,8% des voix, et apporte un soutien décisif à l’élection d’Abdoulaye Wade au second tour.
 
Il semble que dans l’affaire Khalifa Sall, la direction du PS évite de provoquer encore cette solidarité victimaire qui fait engranger de considérables dividendes électoraux aux hommes politiques frappés d’injustices. Khalifa Sall, de son côté, cherchera jusqu’au bout l’onction et la caution du PS pour bénéficier de ses réseaux et soutiens, car Dakar n’est pas le Sénégal.
 
Les instances partisanes régulières étant verrouillées au profit d’Ousmane Tanor Dieng, les mouvements périphériques qui montent au créneau pour soutenir Khalifa Sall ont-ils avec eux la légalité et la légitimité pour engager le parti ? Ont-ils les moyens humains, matériels, financiers et politiques de le retourner, doubler ou décontenancer au profit de Khalifa Sall ?
 
En attendant, le PS s’engage à avaliser plus démocratiquement son arrimage à la coalition présidentielle pour les législatives de 2017, en sollicitant l’avis des 138 coordinations, afin de se donner les capacités de pousser les dissidents à la sortie, sans avoir à payer le coût politique éventuellement prohibitif de leur exclusion ; même si l’option reste possible.

Quoi qu’il en soit, dans la perspective des prochaines législatives, Ousmane Tanor Dieng comme Khalifa Sall devront prendre leurs responsabilités, et à partir de là, se déterminer quant à savoir qui sera le candidat au PS ou le candidat du PS à la présidentielle de 2019 ?
 
(*) Docteur en Science politique
Enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis
 
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