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Conférence des ambassadeurs de France: le discours d’Emmanuel Macron

Jeudi 31 Août 2017

Mesdames et Messieurs les Présidents,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs, les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,

Je suis heureux de vous accueillir aujourd’hui pour cette première conférence des Ambassadeurs depuis notre élection présidentielle. Celle-ci s’est inscrite sous le signe du changement profond. En disant cela, je ne parle pas seulement de mon élection. Je décris l’état d’esprit de nos concitoyens qui ont placé au deuxième tour deux candidats proposant de revoir radicalement la façon dont la France a été gouvernée ces 30 dernières années, ce désir de transformation né de la conscience aigüe qu’ont les Français que le monde autour de nous lui-même se transforme, et que rien n’est pire dans ce contexte que l’inaction.
Chez certains, la réponse passe par le repli, la fermeture, le renoncement à l’Histoire, une forme de retrait derrière des frontières qu’on espère hermétiques. Pour ma part, j’ai choisi la voie d’une France reprenant son rang parmi les Nations en Europe, répondant aux défis du monde actuel et faisant entendre clairement son point de vue.

C’est cette voie que les Français ont choisi avec l’exigence, sans doute l’impatience, qui sont de mise lorsqu’on a l’impression que les décisions doivent être prises rapidement. Ne nous y trompons pas, le monde a les yeux rivés sur la France. La transformation que nous avons engagée est une condition centrale – j’en ai la conviction – de la transformation de l’Europe tournée vers l’avenir et vers les peuples. Et la transformation de l’Europe autour d’une vision partagée est la condition d’un nouvel ordre mondial plus stable, apaisant les rivalités des puissances.

Vous êtes ainsi appelés à devenir les ambassadeurs de la transformation de la France, à porter à travers le monde le message d’une France plus forte, plus unie, plus ouverte, désireuse partout où elle le pourra de porter le flambeau de l’action multilatérale, du dialogue politique et de la résolution de crise. Cette transformation de la France que nous engageons à deux ambitions indissociables.

D’une part, celle de nous rendre plus forts, de restaurer notre capacité d’innover, de produire, de réduire le chômage en particulier des plus jeunes. Et d’autre part, celle de permettre à la France, au sein d’une Europe relancée, de tenir son rang dans un ordre mondial profondément bousculé.

Je ne vais pas aujourd’hui vous décrire le cours du monde. Vous le connaissez mieux que personne et je ne vous dresserai pas non plus le catalogue de situations régionales auxquelles la France est confrontée. Elles sont votre ordinaire et c’est vous qui nous éclairez sur elles. Ne guettez pas non plus dans ce discours le nom de tous les pays ou de toutes les régions sur lesquelles vous travaillez en pensant y chercher une reconnaissance. Chacun a sa pertinence dans une diplomatie qui se veut mondiale et globale.

Ce que je veux bien plutôt affirmer devant vous, ce sont les ambitions de la France dans ce monde tel qu’il va. Car nous traversons une période d’intense remise en cause des certitudes diplomatiques et de brouillage des lignes tels que le monde en connaît depuis vingt-cinq ou cinquante ans. C’est l’ordre de 1989 qui est aujourd’hui bouleversé. Un ordre fondé sur la mondialisation devenue ultralibérale et l’hyper puissance d’un seul Etat.

Nous avons aujourd’hui le devoir de refonder un ordre collectif, stable et juste, avec nos alliés et tous nos partenaires. Pour refonder cet ordre du monde, la diplomatie de la France doit s’articuler autour de trois axes forts : notre sécurité qui se conjugue avec la stabilité du monde ; notre indépendance qui impose de revisiter les termes de la souveraineté y compris européenne ; enfin notre influence qui va de pair avec la défense des biens communs universels.

La sécurité des Français est en effet la raison d’être de notre diplomatie. Nos concitoyens attendent bien entendu de l’Etat qu’il garantisse leur sécurité. Cette sécurité, c’est celle de leur famille, de leurs proches, mais c’est aussi – nous le voyons à l’émotion et aux élans de solidarité qui se manifestent lorsque survient un attentat encore ces dernières semaines en Espagne, dans plusieurs endroits en Europe et en Afrique – cette émotion de nos sociétés tout entières.

Cette exigence est profonde, elle est viscérale et nous devons y répondre sans faiblir. Les choix à faire entre sécurité et liberté nous impose certes une équation complexe au plan national. Mais nous avons fait nos choix, ils sont clairs, conformes à nos valeurs et à notre tradition républicaine et nous les assumerons dans le texte de loi qui sera voté à l’automne et nous permettra de sortir de deux ans d’état d’urgence.

Cette sécurité va de pair avec la stabilité qui est, elle, un enjeu géopolitique dont vous connaissez la complexité. Membre du Conseil de sécurité, puissance nucléaire, la France doit savoir exercer son rôle de contrepoids quand des déséquilibres apparaissent. Elle doit en particulier maintenir les liens avec les grandes puissances dont les intérêts stratégiques divergent, parfois peuvent entrer sur certains points en conflit. C’est le sens même du dialogue constant que j’entretiens avec le président américain Donald TRUMP comme nombre d’autres dirigeants.

Je veux une France porteuse de solutions et d’initiatives lorsque se profilent des crises nouvelles et une France capable aussi bien de se faire entendre au niveau mondial que d’intervenir auprès des organisations régionales, comme nous l’avons fait par exemple au Sahel. Assurer la sécurité de nos concitoyens fait de la lutte contre le terrorisme islamiste la première priorité de notre politique étrangère.

Oui, je parle bien d’un terrorisme islamiste et j’assume parfaitement l’emploi de cet adjectif. Car rien ne serait plus absurde que de nier le lien entre les actes terroristes que nous vivons et une lecture à la fois fondamentaliste et politique d’un certain islam.

L’angélisme n’est pas de mise à cet égard, pas davantage que ne l’est une peur de l’islam qui confond islamiste et islamique, et tend à embarquer dans le soupçon général les millions de musulmans qui vivent en Europe et n’ont aucun rapport avec ces doctrines fanatiques. Et je n’oublie pas ici les musulmans qui se dressent parfois au péril de leur vie contre cet obscurantisme assassin.

Deux grandes zones concentrent aujourd’hui nos efforts dans la lutte contre ce terrorisme : la Syrie et l’Irak d’un côté, la Libye et le Sahel de l’autre. Dès son extension en Syrie et en Irak, Daesh a commencé à planifier des attaques contre nos intérêts, contre nos vies, notre peuple.

Oui, Daesh est notre ennemi. Le retour de la paix et la stabilisation de l’Irak puis de la Syrie sont à cet égard une priorité vitale pour la France. C’est pourquoi nous devons contribuer à enclencher en Irak à certains égards, comme en Syrie surtout, une transition politique inclusive où les populations seront justement représentées et nous investir dans la reconstruction de ces deux pays.

En Syrie, nous devons terminer la guerre ; dans ces deux pays, nous devons gagner la paix. Pour la Syrie, c’est à cette fin que j’ai souhaité dès le mois de mai dernier que nous puissions changer de méthode. Le processus d’Astana nous avait mis à l’écart du règlement de ce conflit sur le plan de la désescalade militaire. En instaurant un dialogue exigeant avec les Turcs, les Iraniens et les Russes, nous avons pu faire avancer concrètement la situation.

D’abord en définissant un objectif et une priorité communs : vaincre les terroristes et reconstruire la stabilité de la Syrie ; ensuite, en fixant des lignes rouges. La première est la fin de l’utilisation des armes chimiques et nous avons, je dois le dire, depuis notre échange de Versailles obtenu avec les Russes des résultats concrets sur ce point. La seconde est celle des accès humanitaires dans les zones de conflit. Conscient des risques qui subsistent, en particulier sur ce dernier point, j’y resterai très attentif.

Enfin, nous avons pris l’initiative d’un groupe international de contact associant les principaux acteurs engagés en Syrie. Désormais accepté par nos interlocuteurs, ce groupe permettra de donner une nouvelle impulsion au processus piloté par les Nations Unies. Les efforts de Jean-Yves LE DRIAN en particulier permettront à ce groupe de devenir opérationnel lors de l’assemblée générale des Nations Unies en septembre.

Il va de soi que la reconstitution un jour d’un Etat de droit en Syrie à laquelle la France et l’Europe apporteront leur contribution devra s’accompagner de la justice pour les crimes commis, notamment par les dirigeants de ce pays.

La Libye et le Sahel sont l’autre foyer d’instabilité. La situation de la Libye en a fait un refuge pour les terroristes. J’ai décidé ainsi en juillet de réunir les deux principaux protagonistes de la crise : le Premier ministre Fayez SARRAJ d’un côté et le chef de l’armée nationale libyenne Khalifa HAFTAR de l’autre.

La rencontre de la Celle-Saint-Cloud le 5 juillet a permis de faire avancer la réconciliation entre Libyens sous l’égide des Nations Unies. Dans quelques jours à New York, nous veillerons à la bonne mise en œuvre de la feuille de route de la Celle-Saint-Cloud en soutien de l’action du nouveau représentant spécial des Nations Unies, monsieur Ghassan SALAME.
Cette réconciliation, qui n’est qu’un début et a vocation à être plus inclusive encore et rassembler d’autres dirigeants en Libye, était une étape indispensable au processus politique qui seul permettra d’y éradiquer les terroristes. Nous devons protéger aussi contre ce risque les voisins de la Libye, et tout particulièrement la Tunisie.

Ce sera l’objet d’un déplacement prochain du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. Parce que les réseaux sont mobiles, organisés, nous devons également éviter que s’établissent en Afrique, en particulier au sud des frontières de l’Algérie et de la Libye, les bases arrières devenues zones sanctuaires pour le terrorisme islamiste.

A ce titre, la décision de mon prédécesseur d’engager rapidement la France au Mali, plus largement au Sahel, a été l’honneur de notre pays et une bonne décision. Cela reste un impératif. Il appelle aussi à une réflexion sur l’avenir.

En me rendant à Gao, puis à Bamako, j’ai voulu soutenir l’effort collectif des pays de la région au sein du G5 Sahel, le combat militaire que nous menons dans cette région, en particulier au travers de la force Barkhane a en effet pour objectif la lutte contre le terrorisme. Et je souhaite à cet égard que dans les prochaines semaines les priorités puissent être réévaluées à l’aune de cet objectif prioritaire.

Mais notre présence militaire n’a de sens que dans le cadre d’un travail politique en profondeur, c’est pourquoi il faut faire plus sur la mise en œuvre de l’accord de paix d’Alger, tout particulièrement en ce qui concerne la situation interne au Mali.

Mais il faut aussi faire davantage sur le volet du développement, ce fut le sens de mon déplacement à Bamako, accompagné de la ministre des Armées et du ministre des Affaires étrangères, nous avons lancé une alliance pour le développement du Sahel avec nos principaux partenaires en juillet dernier. Je compte à ce titre sur vous pour mobiliser tous les soutiens possibles à notre démarche de sécurité et de développement en faveur du Sahel.

J’ai décidé avec Jean-Yves LE DRIAN la nomination à cette fin, d’un envoyé spécial sur le sujet. Là aussi si nous voulons une action efficace, nous devons avancer avec notre mission de sécurité et nos armées et cet engagement en matière de développement, indispensable pour stabiliser toute la région, parce que les terroristes se nourrissent de notre incapacité à la stabiliser et lui permettre un juste développement.

L’éradication du terrorisme islamiste passe aussi par l’assèchement de ses financements, c’est le lien des liens qui existent entre l’immigration et le terrorisme, les réseaux de trafics d’hommes, de drogues et d’armes sont à travers le Sahel intimement liés aujourd’hui aux réseaux terroristes. Leur démantèlement est donc une priorité absolue, c’est l’objet même de l’action que nous conduisons sur le terrain, de celle que nous conduisons avec l’ensemble des organisations régionales et de l’Union africaine. Au G7 comme au G20, des avancées ont été réalisées notamment avec le renforcement du Gafis sur lequel la France concentrera ses efforts.

Aujourd’hui, le terrorisme et son financement se sont nourris des crises régionales et des divisions, des divisions en Afrique, et des divisions du monde musulman. C’est en quelque sorte aussi ce que la crise du Golfe actuelle révèle au grand jour, c’est pourquoi dès le déclenchement de la crise entre le Qatar et ses voisins, j’ai tenu à placer la France dans un rôle d’appui à la médiation. Je ne mésestime aucun des intérêts qui sont en jeu dans la région.

Mais il est indispensable dans ce contexte que nous puissions parler à toutes les parties avec deux objectifs en tête, le premier, préserver la nécessaire stabilité de la région, sans quoi nous ajouterions une nouvelle crise aux crises existantes, le second, c’est d’obtenir la transparence sur toutes les formes de financement du terrorisme, car en la matière, il ne s’agit d’avoir aucune naïveté sur ce qui a pu être fait ou ce qui parfois est encore fait, en lien avec des mouvements terroristes que nous combattons sur certains théâtres d’opérations.

C’est ce travail que nous devons poursuivre dans les prochaines semaines et les prochains mois, et sur lequel nous nous engageons. L’un des non-dits de cette crise est la rivalité entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, et leurs alliés respectifs. Nous n’atteindrons notre objectif de lutte contre le terrorisme qu’à la condition de ne pas entrer dans ces grilles de lecture qui voudraient imposer un choix entre chiites et sunnites, et en quelque sorte, nous obliger à nous enfermer dans un camp.

D’autres grandes puissances ont fait ce choix ces derniers temps, j’ai la conviction que c’est une erreur. Et la force de notre diplomatie, c’est cette capacité, là aussi, à parler à tous pour construire les éléments d’une stabilité et lutter efficacement contre toutes les formes de financement du terrorisme. J’ai donc établi un dialogue étroit, autant avec la Jordanie, l’Egypte et les pays du Golfe, qu’avec l’Irak et l’Iran.

Dans cet esprit, je veux ici confirmer très nettement l’attachement de la France à l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, dont je souhaite le respect strict. Cet accord, je le dis en la présence de Laurent FABIUS, a été amélioré grâce à l’intervention de la France, et tout particulièrement la sienne, lorsqu’il était discuté. Il n’y a pas d’alternative au régime de non-prolifération nucléaire, et nous serons, à ce titre, d’une fermeté implacable sur son application.

Mais le cadre de cet accord est le bon, il peut être complété par un travail pour l’après 2025, par un travail indispensable sur l’utilisation de missiles balistiques, mais dans le contexte que nous vivons, l’accord de 2015 est ce qui nous permet d’établir une relation constructive et exigeante avec l’Iran.

Je porte également une grande attention à notre relation avec le Liban, pays traversé par les tensions et les contradictions de la région. J’accueillerai prochainement à Paris le Premier ministre, puis, le président libanais, en visite d’Etat. Ce pays fait face aujourd’hui à une situation critique, avec un grand courage, un grand sens des responsabilités, que la France doit soutenir, au nom de notre relation séculaire, mais aussi parce que ces problématiques nous concernent et nous engagent.

Au total, si nous voulons des résultats dans cette lutte contre le terrorisme et son financement, il faut maintenir des liens exigeants avec tous et avoir un agenda clair et des priorités établies, celles que je viens de rappeler. C’est pourquoi je souhaite réunir en début d’année prochaine à Paris une conférence de mobilisation contre le financement du terrorisme.

Il est un autre défi qui a à voir avec notre sécurité et la stabilité du monde, c’est celui de la crise migratoire. Cette crise naît en large partie des situations de déstabilisations régionales profondes que je viens d’évoquer, mais il y a bien d’autres facteurs, climatiques, diplomatiques, politiques, de développement. Pour nos concitoyens, elle incarne cette mondialisation qui revient au cœur de nos sociétés.

Là aussi, nous devons agir sans renier nos valeurs, accueillir les migrants est un devoir humain, c’est une question de dignité et de fidélité à ce que nous sommes, à ce en quoi nous croyons, et c’est un défi considérable pour tous les pays d’Europe, parce qu’ils sont fragilisés par l’augmentation des flux irréguliers depuis 2014, et parce que chacun est livré à ses défis propres.

Je tiens ici à souligner à nouveau la distinction entre les migrants économiques et les réfugiés, même si elle ne contredit aucunement la nécessité de protéger la vie de tous et de respecter la dignité de tous. Mais elle demeure une distinction omniprésente de nos droits nationaux et internationaux. Elle est donc opérante. Certes, ces derniers mois, la route des Balkans s’est progressivement fermée. Mais près de trois millions de réfugiés demeurent en Turquie, et l’axe balkanique reste actif avec la présence encore de réseaux de passeurs qui continuent à opérer. Porter assistance à ce titre à la Grèce demeure un devoir impérieux.

La route de la Méditerranée centrale connaît depuis le début de l’été une diminution importante du nombre de migrants. Mais nous ne savons pas encore dire aujourd’hui si cette diminution sera durable. Cependant, ce sont près de 800.000 réfugiés et déplacés qui attendent aujourd’hui du côté libyen, c’est donc une menace réelle, liée à ce que je viens d’évoquer, avec laquelle nous avons à vivre. Et ce sont en particulier des ressortissants de nationalité ouest-africaine, qui relèvent peu du droit d’asile en général, qui se trouvent aujourd’hui dans la région.

L’Italie et la Libye attendent de nous une coopération renforcée, que nous devons leur accorder, et qui a produit ses premiers effets, en particulier avec le renforcement de l’action des gardes-côtes. Enfin, la route de la Méditerranée occidentale vers l’Espagne redevient une préoccupation. C’est dans ce contexte que la France a mis au point ces dernières semaines un plan global et cohérent pour appréhender, à partir des efforts déjà entrepris, l’ensemble du parcours migratoire, depuis les pays d’origine, jusqu’aux pays de destination.

C’est ce qui nous a conduits, hier à Paris, à adopter une déclaration conjointe, dans un format inédit, rassemblant, autour de la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Tchad, le Niger, la Libye et l’Union européenne, à travers des mesures très concrètes, un plus grand contrôle en amont de la Libye, de la possibilité sur des listes fermées, contrôlées par le HCR, d’identifier les populations les plus fragiles et les plus vulnérables ayant droit à l’asile, en envoyant des équipes européennes, en lien avec le HCR, nous serons à la fois plus humains et plus efficaces, mais en organisant le retour vers les pays d’origine, de milliers de migrants qui se retrouvent aujourd’hui au Niger ou au Tchad, nous répondrons aussi à un défi intra-régional africain.

Cette action prendra du temps, est difficile, mais avec les mesures concrètes, précises, qui ont été décidées, des financements clairs, je pense qu’elles constituent une réponse essentielle au défi qui est aujourd’hui le nôtre. Là aussi, c’est un travail humanitaire, sécuritaire et de développement.

Pour mettre en œuvre ce plan, j’ai décidé de nommer un ambassadeur chargé de coordonner l’ensemble des négociations liées aux migrations, et un groupe opérationnel, sous la supervision du ministre des Affaires étrangères, a été mis en place, qui fera des points d’étapes réguliers avec l’ensemble des parties prenantes et permettra de travailler en lien très étroit avec l’Union européenne et l’Union africaine sur ce sujet.

Car l’Afrique n’est pas seulement le continent des migrations et des crises, c’est un continent d’avenir, c’est aussi, à ce titre, que nous ne pouvons pas le laisser seul face à ses défis démographiques, climatiques, politiques, nos entreprises, nos étudiants, nos chercheurs, nos artistes doivent s’y intéresser. Je me rendrai prochainement à Ouagadougou pour porter ce message, à travers la sécurité, le développement, la diplomatie, les liens économiques et l’innovation, la stratégie que je veux mettre en œuvre consiste à créer un axe intégré entre l’Afrique, la Méditerranée et l’Europe.

Axe dont les pays du Maghreb sont évidemment nos partenaires privilégiés, comme j’ai voulu le montrer lors de ma visite au Maroc et dans les échanges réguliers avec l’Algérie, comme la Tunisie. Nous devons arrimer ensemble, enfin, les continents européens et africains, à travers la Méditerranée, le Maghreb restera pour cela une priorité centrale pour la France, dans tous les domaines de notre coopération, qu’elle soit économique, politique, mais également culturelle.

Les routes de la nécessité, qui déplacent tant d’Africains, qui font que, aujourd’hui, le désert en Afrique et la Méditerranée sont devenus les cimetières de millions d’Africains, laissés au dénuement et à la manipulation de ces réseaux de trafiquants que j’évoquais tout à l’heure, ces routes de la nécessité doivent devenir des chemins de la liberté, unissant l’Europe, la Méditerranée et l’Afrique.

Car c’est en Afrique que se joue largement l’avenir du monde. La France ne saurait être ce pays postcolonial hésitant entre un magistère politique affaibli et une repentance malsaine, les pays d’Afrique seront nos grands partenaires. Et nous devons continuer à apprendre d’eux, comme ils peuvent apprendre de nous. Pour nourrir cet échange, je mettrai en place dans les prochaines semaines un Conseil présidentiel pour l’Afrique ; structure inédite, tournée vers les attentes de nos jeunesses.

Ce Conseil transformera la gouvernance de la politique africaine en réunissant auprès de moi un groupe de personnalités engagées et issues de la société civile, l’Afrique l’illustre parfaitement, une politique étrangère désireuse de rétablir la sécurité doit activer trois grands leviers, presque concomitamment, ces leviers sont ce que j’appelle en quelque sorte les trois D, Défense, Développement et Diplomatie.

Le Sahel est un excellent exemple de cette combinaison des leviers d’action, mais cela vaut partout. La Défense d’abord, j’ai commencé à l’évoquer, et nous pouvons et nous devons être fiers de nos armées, auxquelles j’ai réservé l’un de mes premiers déplacements à l’étranger, en rendant visite à nos forces à Gao.

Mon ambition est que, en qualité, en capacité de déploiement, en réactivité, nos armées s’affirment, y compris dans la nouvelle dimension cyber, parmi les toutes premières au monde, la première en Europe, qui protège la France, mais aussi notre continent.

C’est la raison pour laquelle j’ai affirmé l’engagement de porter l’effort de défense de notre pays à 2 % du produit intérieur brut, en 2025, avec, dès 2018, une augmentation de plus d’un milliard et demi d’euros. Mais notre sécurité ne se réduit pas à l’action de nos armées, quelles que soient leur valeur, nos opérations militaires ne seront pleinement efficaces que si elles s’inscrivent dans une approche globale, et je tiens à ce que l’apport de l’outil diplomatique et sa contribution aux cinq grandes fonctions stratégiques de notre Livre Blanc de 2013 soient bien pris en compte par l’exercice en cours de revue stratégique et de défense de sécurité nationale que supervise madame la ministre des Armées.

En matière de développement, j’ai fixé l’objectif d’investir 0,55 % de notre revenu national pour l’aide publique au développement de la France d’ici à 2022. Ce qui représente un effort considérable dans le contexte budgétaire pour les cinq années à venir. Cet effort doit aussi s’accompagner d’un changement de méthode, d’une part, comme l’Agence Française Développement le fait désormais, en travaillant en étroite symbiose avec tous les autres acteurs français concernés, qu’il s’agisse de nos armées, de nos collectivités territoriales, du secteur privé ou des organisations non-gouvernementales, d’autre part, en atteignant plus efficacement et plus directement les bénéficiaires de l’aide dans nos pays partenaires.

Je souhaite par ailleurs que la composante bilatérale de notre aide au développement retrouve, dans les années qui viennent, une part plus importante. L’Education sera la priorité, car il faut donner une alternative au fondamentalisme et à l’obscurantisme, le rôle des femmes, la lutte contre les dérèglements du climat et l’accès à une énergie décarbonée, l’éradication des pandémies, dont le VIH Sida, qui continue de constituer une grave menace sur le continent africain, malgré les grands progrès réalisés, constitueront les autres priorités de ce partenariat renouvelé.

L’outil diplomatique enfin, il a connu ces dernières années une érosion constante de ses crédits, malgré votre mobilisation à tous et à toutes, et en rendant, et en préservant toute sa force à l’outil diplomatique par une innovation et un engagement constant.

Je veillerai personnellement à ce que vous ayez les moyens de remplir vos missions, et je sais que le Premier ministre est très vigilant à ce point : Assurer la sécurité de nos personnels, qui demeure une priorité absolue, faire fonctionner, tout en l’adaptant en permanence, l’un des rares réseaux diplomatiques universels qui existe dans le monde, régler nos contributions aux organisations internationales et financer nos programmes de rayonnement culturel, d’aide humanitaire ou de coopération au développement. Pour cela, l’année 2018 sera une année de stabilisation budgétaire.

Si la sécurité s’impose comme une priorité c’est parce qu’elle est le socle du deuxième axe que j’assigne à notre diplomatie, celui de l’indépendance. Par ce terme je n’entends nullement un splendide isolement, je tire simplement les leçons de ce monde multipolaire et instable, où nous devons, chaque jour, manœuvrer par nous-mêmes selon nos intérêts.

Pour cela il nous faut être mobiles, autonomes, capables de nouer des alliances et de jouer pleinement le jeu multilatéral, à la fois nous inscrire dans la tradition des alliances existantes et, de manière opportuniste, construire des alliances de circonstances qui nous permettent d’être plus efficaces.

La France ne saura faire valoir ses priorités qu’à travers une indépendance sans arrogance, mais assumée. Cela exige d’abord que nous soyons pleinement présents et actifs dans les instances multilatérales, au premier rang desquels, bien évidemment, l’ONU.
Ce n’est pas un hasard si le secrétaire général des Nations Unies a été mon premier visiteur international à Paris. Je n’oublie pas que notre pays appartient à tous les cercles importants de ces institutions et a l’honneur d’en accueillir plusieurs sur son sol, l’OCDE, l’Organisation Internationale de la Francophonie, le Conseil de l’Europe, l’UNESCO, dont les missions sont fondamentales à mes yeux, et à la direction de laquelle je soutiens la candidate française.

C’est pourquoi, aussi, je souhaite que nous puissions mettre en place des nouveaux formats multilatéraux lorsque c’est nécessaire, comme nous le faisons pour la Syrie. La crise, avec la Corée du Nord, doit aussi faire l’objet d’un traitement collectif. Alors que les dirigeants de Pyongyang viennent une nouvelle fois de faire la preuve de leur irresponsabilité, je souligne ici la solidarité de la France avec le Japon. Nous continuerons à appeler à mettre en œuvre des politiques intransigeantes à l’égard de la Corée du Nord, alors que croît une menace balistique et nucléaire qui concerne aussi l’Europe. En contact avec les autres membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies la France se tient prête à prendre toute nouvelle initiative utile pour empêcher l’escalade, ramener Pyongyang à la table des négociations et mettre en œuvre, de manière rigoureuse, la résolution adoptée le 5 août.

Le multilatéralisme c’est aussi cette capacité à organiser de grands projets qui le structurent, et je le dis avec beaucoup de gravité, si nous ne sommes pas au rendez-vous du multilatéralisme, d’autres grandes puissances se saisiront de ces instruments. Et elles ont déjà commencé à le faire, la Chine au premier rang d’entre elles, avec des engagements importants, j’y reviendrai en particulier sur le climat, qui sont des gages donnés, mais aussi avec des valeurs, des intérêts, qui ne sont parfois pas les nôtres. Nous devons donc prendre en compte ces initiatives, mais savoir faire revivre et donner une consistance, une cohérence, aux formes actuelles du multilatéralisme où nous avons une place essentielle.

La Chine, je le disais, a pris des initiatives, ces dernières années, importantes, la nouvelle route de la soie est l’exemple même d’un grand projet géopolitique mené par la Chine, qu’il nous faut prendre en compte du point de vue de nos intérêts européens.

Durant ces dernières années un travail diplomatique important a été conduit, pour justement reconstruire un partenariat solide, s’appuyant sur une tradition historique, avec la Chine, je souhaite poursuivre ce travail et construire, avec la Chine, aux côtés de laquelle nous siégeons au Conseil de sécurité, une relation solide en temps, qu’elle contribuera à la stabilité des équilibres internationaux, mais en ne laissant aucune ambiguïté planer sur ses équilibres, et les valeurs qui les sous-tendent.

J’accorde également une grande importance, évidemment, à nos partenariats avec le Japon, mais aussi l’Inde, où je me rendrai avant la fin de l’année, notamment dans le cadre de l’Alliance solaire internationale, pour laquelle Madame Ségolène ROYAL a accepté de prendre responsabilités, qui permettra de coordonner ce travail et de rassembler, également, l’ensemble des partenaires et des forces que nous pourrons utilement mobiliser.

Enfin, alors que le secrétaire général des Nations Unies entame une visite importe au Proche-Orient, il est fondamental que la France continue à peser sur la question israélo-palestinienne. Nous poursuivrons nos efforts avec l’ONU pour une solution à deux Etats, Israël et Palestine, vivant côte à côte en sécurité dans des frontières reconnues par la communauté internationale, avec Jérusalem comme capitale des deux Etats. Je souhaite me rendre, à cet égard, au printemps prochain, au Proche-Orient, en visite au Liban, en Jordanie, en Israël et dans les Territoires palestiniens.

Vous le voyez bien, l’indépendance, dont il est ici question, n’est pas celle des souverainistes se réfugiant derrière des frontières qu’ils espèrent hermétiques, c’est celle qui permet de faire entendre à la France sa voix, de faire valoir ses intérêts sur la scène internationale, celle qui permet d’influencer le cours du monde au lieu d’en être l’otage. Celle, enfin, qui permet de n’être pas l’obligée des hyper puissances, mais leur interlocuteur, c’est pourquoi le multilatéralisme est, à mes yeux, un des instruments de notre indépendance. Cette indépendance, c’est une souveraineté ouverte sur le monde, et cette souveraineté exige, cependant, d’être portée collectivement, quand les enjeux excèdent le cadre national.
Pour la France, le lieu où construire les outils de notre puissance et apporter la juste réponse aux défis qui se présentent, le lieu de notre souveraineté aujourd’hui c’est l’Europe.

J’ai porté l’ambition européenne pendant la campagne présidentielle, avec beaucoup de convictions et malgré tous les cassandres qui pensaient que défendre l’Europe était une idée révolue, ou destinée essentiellement à perdre. J’ai entrepris de lui donner corps dès mon entrée en fonction en me rendant à Berlin et en faisant de cette alliance, de ce socle, entre la France et l’Allemagne, non la réponse à tous les problèmes, mais la condition de possibilités de commencer à les régler pour ensuite convaincre l’ensemble de nos partenaires.

J’y ai présenté, avec la chancelière, un agenda de protection, de nature justement à réconcilier les Européens avec la construction de l’Europe, parce que cet agenda c’est le cœur-même d’une souveraineté européenne. Ce que nos concitoyens attendent de l’Europe, c’est qu’elle les protège, du cours du monde, c’est cela la légitimité du Léviathan, et nous l’avions oublié, ce n’est pas que l’Europe vienne s’immiscer dans chaque détail de la vie quotidienne, et par défaut, qu’une conduite politique devienne précisément bureaucratique. Non. Cet agenda de protection, que nous mettons en œuvre depuis 4 mois maintenant, se tient en quatre axes.

La protection des travailleurs, qui s’articule avec les réformes que nous conduisons dans nos pays, et à ce titre la révision des règles du travail détaché. La réforme du droit d’asile et la coopération européenne en matière migratoire, indispensable pour nous protéger collectivement face aux risques que j’évoquais tout à l’heure. La définition d’une politique commerciale et d’instruments de contrôle des investissements stratégiques dans un esprit de réciprocité, parce que l’Europe doit devenir pleinement une puissance économique qui sait se protéger face aux dumpings ou aux comportements irrespectueux du droit international, comme les Etats-Unis le font et comme nous avions un peu oublié de le faire.

Enfin, le développement de l’Europe de la défense, idée dont nous parlons depuis tant et tant d’années, mais qui, sous l’impulsion de la Commission européenne, et soutenue par le couple franco-allemand, a eu des avancées concrètes au dernier Conseil européen avec la mise en place d’un fonds, d’une coopération structurée permanente, à laquelle nous avons commencé à donner corps dès le sommet et le Conseil des ministres franco-allemands qui s’en est suivi le 13 juillet dernier.

Sur chacun de ces sujets nous avons obtenu des premiers résultats, ils sont la condition justement de cette crédibilité et d’une réconciliation entre nombre de nos concitoyens et l’idée européenne.

Après les prochaines élections allemandes, dans quelques semaines donc, je proposerai de nouvelles avancées pour une relance de notre Europe. Non pas, je vous rassure, des changements de traités déjà ficelés, non pas des obsessions institutionnelles, mais de manière concrète une dizaine de sujets sur lesquels nous pouvons redonner à la fois une ambition à l’Europe et une envie d’Europe à nos concitoyens. Parce que, aujourd’hui c’est une refondation qu’il nous faut engager, car notre conviction européenne nous oblige, elle nous oblige à ne pas laisser l’Europe s’enliser dans la routine ou dans les querelles technocratiques. Elle nous oblige à ne pas laisser l’exigence de changement et le besoin de protection aux nationalistes de tous bords. Elle nous oblige à honorer la promesse initiale, qui a recousu notre continent après-guerre, la paix, la prospérité, la liberté. Elle nous oblige, en un mot, à faire mouvement pour éviter le délitement.

La France fera ainsi des propositions pour renforcer l’Union économique et monétaire, renforcer la convergence de nos politiques sociales et fiscales, permettre une meilleure identification de l’Union européenne aux idées qui comptent pour la jeunesse, notamment en matière culturelle, mais aussi pour approfondir l’Europe de la défense, renforcer la politique migratoire européenne, avoir une véritable Europe du climat et de l’énergie. Ce sont tous les défis qui sont les nôtres aujourd’hui dans le pays, et sur lesquels, au quotidien, le gouvernement se bat, mais notre Europe, comme elle a su le faire lorsque des programmes comme Erasmus ont été créés, doit retrouver le sel de son ambition, c’est-à-dire des réponses concrètes aux préoccupations de nos concitoyens, pour l’enseignement supérieur, pour la culture pour le climat, pour notre sécurité collective. Ce sera le sens des propositions que je ferai à nos partenaires dans les prochaines semaines.

Dans le domaine du numérique, qui fait évidemment partie de cette ambition, protéger nos données, réguler les géants de l’Internet, soutenir les champions mondiaux, ne peut se faire qu’à l’échelle européenne et fera partie de cette initiative, mais sur ce sujet je souhaite que, dès la fin septembre, au sommet de Tallinn, nous puissions franchir une étape importante.
Le travail de refondation que nous entendons proposer doit reposer sur la confiance, le débat, il doit faire appel à tous, et en particulier à la jeunesse d’Europe. Je crois que le référendum français de 2005, qui ensuite nous a fait tant hésiter sur tout nouveau mouvement sur l’Europe, et ce qui vient de se passer en Grande-Bretagne, montre que le temps d’une refondation de l’Europe dans les cercles fermés, ou quelques cénacles autorisés, est terminé.

Cette refondation ne se fera qu’à travers un débat démocratique organisé dont nos sociétés ont besoin. Les peuples européens ont besoin de se réapproprier l’idée européenne. C’est pourquoi nous lancerons dans les prochains mois, en France, et dans les autres pays volontaires, des conventions démocratiques pour mieux associer nos concitoyens à la réflexion sur l’avenir de l’Europe.

Dans les mois qui viennent, nous aurons à négocier la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, mon message est simple : je préfère construire l’avenir que solder le passé. Notre ambition n’est pas de gérer mais de transformer, et ce Brexit est arrivé parce que, pendant des années, nous n’avons plus osé proposer, nous n’avons même plus osé nous réunir dans le simple format de la zone euro, pour ne pas chagriner, qui les Britanniques, qui les Polonais. Quels remerciements avons-nous à la clé ? Allons ! Le Brexit ne doit pas capter toute notre énergie, et l’Europe a trop souffert d’être devenue un syndic de gestion de crise, mais le Brexit doit nous amener à deux réflexions essentielles : quand l’Europe n’est qu’un marché, elle finit par être rejetée, c’est pour cela que nous devons rebâtir une Union ambitieuse et protectrice. Surtout, cette situation inédite doit nous obliger à être plus innovants, nous devons penser une Europe à plusieurs formats, aller plus loin avec tous ceux qui souhaitent avancer, sans être entravé par les Etats qui désirent, et c’est leur droit, avancer moins vite ou moins loin. Nous devons sortir d’un cadre contraint où il faudrait avancer demain à 27, ou rien, à 19 ou rien. Ce n’est pas vrai, nous avons toujours avancé avec une avant-garde de désir que suivaient quelques autres. Nous avons construit une statique de l’ennui, elle crée quoi ? Du désagrément. Nous devons là aussi retrouver cette ambition initiale.

Nous devons également avoir le courage de revenir sur les dispositifs qui ont rendu parfois l’Europe inexplicable ou insupportable aux Européens eux-mêmes, aller dans le sens d’une simplification administrative radicale, et de plus de subsidiarité, et le Brexit ne doit pas nous faire perdre de vue ce débat, commencé sous l’impulsion britannique, à ce sujet. Et mon engagement pour la révision de la directive sur les travailleurs détachés s’inscrit pleinement dans cette ambition, celle que j’ai portée il y a quelques jours dans les pays de l’Est de l’Europe. Ce combat remet en cause les consensus apparents, je l’assume pleinement, parce que ce sont souvent des consensus paresseux, qui ont pu prévaloir ces 20 dernières années.

Certes, il serait plus simple de se satisfaire des eaux dormantes et de laisser prospérer ceux qui, de l’intérieur, sapent le projet européen, d’accepter les critiques de certains Etats nous disant que nous sommes fermés, que nous ne nous réformons pas, que notre marché du travail n’est pas efficace, accepter tacitement que plusieurs acteurs économiques en France utilisent d’ailleurs ce qu’ils dénoncent ouvertement sur les chantiers qu’ils ont à conduire et laisser certains pays ouvrir ces voies d’eau en Europe et ne respecter aucune règle de la solidarité collective. Mais ce n’est cela aimer l’Europe, ce n’est d’ailleurs pas cela qui a conduit à créer l’Europe. Le marché unique ce n’est pas des marchés simplement ouverts les uns avec les autres, c’est un principe de convergence, c’est une volonté d’aller dans une même direction, d’avoir une ambition commune, d’être capable de discuter sur nos standards communs, pas d’aller chercher le moins-disant social, le moins-disant fiscal, le moins-disant en termes de protection, parce que nous connaissons à peu près, à ce sujet, la fin de l’histoire.

Si nous décidons que l’Europe est notre avenir commun, nous devons à nos concitoyens des compromis ambitieux, des remises en cause régulières, car pas plus en Europe qu’ailleurs les situations ne sont figées.

Ce que nos peuples attendent de cette Europe plus lisible, de cette Europe qui doit mieux les protéger, c’est qu’elle sache s’imposer dans une mondialisation ressentie comme de plus en plus brutale, certainement pas en se refermant, mais en faisant respecter les règles qui assurent la loyauté des échanges, la réciprocité de l’ouverture commerciale.
Qu’il s’agisse des grandes plates-formes de l’Internet, des puissances commerciales et financières, l’Europe est la bonne instance si elle est mise en situation de jouer son rôle, si elle dispose des instruments nécessaires, si elle bénéficie de la confiance des Etats membres, en un mot, si elle acquiert une véritable souveraineté au nom de nos pays et face au reste du monde.

Mais permettez-moi, à ce stade, de dissiper un doute que vous pourriez concevoir. Si les axes que j’assigne à notre politique étrangère sont la sécurité et l’indépendance, ce n’est pas dans le but de faire de la France un petit pays frileux et jaloux de sa tranquillité, tout au contraire, c’est pour mettre ces principes et ces lignes de force au service de ce qui est plus grand que nous, c’est pour en faire les fondements d’une influence accrue, articulée autour de nos valeurs et de nos idéaux, cet ensemble pour donner à nouveau sa voix à cet universalisme qui nous constitue si profondément.

En effet, lorsque nous regardons le monde autour de nous, une évidence nous frappe, l’Europe est un des derniers havres où les idéaux des Lumières que sont la démocratie élective et représentative, le respect de la personne humaine, la tolérance religieuse et la liberté d’expression, la croyance au progrès, sont encore largement partagés, et nourrissent encore un horizon collectif. Ces idéaux, je les appelle nos biens communs. La France doit en être l’infatigable avocat, parce que c’est le cœur de sa vocation, et parce que c’est ainsi que la France est solidaire avec le monde.

Notre premier bien commun c’est notre planète. La France a contribué fortement à cet engagement en accueillant en 2015 la COP21 qui a permis d’aboutir à l’Accord de Paris sur le climat, exemple d’un nouveau multilatéralisme ouvert aux acteurs non-étatiques et fondé sur la science. C’est une réussite française, c’est celle de la diplomatie française, dont je tiens, ici, à vous féliciter, elle a été portée par mon prédécesseur, et c’est votre succès comme le sien. Je ferai tout pour préserver cet accord et assurer sa meilleure mise en œuvre possible. C’est le sens de l’initiative en réponse à la décision américaine que j’ai prise le 1er juin dernier, c’est aussi le sens du sommet que j’ai décidé d’organiser le 12 décembre prochain, à la date anniversaire de cette COP21, avec la Banque mondiale, en particulier, et tous nos partenaires qui souhaiteront y être associés, 2 ans après la signature de l’Accord de Paris, pour pouvoir faire un point d’étape sur les avancées et pouvoir mobiliser les financements indispensables.

Je plaiderai est également à l’ONU fin septembre pour l’élaboration et l’adoption d’un pacte mondial pour l’environnement, sous l’égide du président du Conseil constitutionnel il a fait l’objet d’un travail d’un groupe d’experts internationaux et permet des avancées réelles.
Nous devrons prendre des initiatives majeures dans les prochains mois à cet égard, non seulement en termes de droit mais également en faveur de la biodiversité et des nombreux sujets que le ministre d’Etat Nicolas HULOT a présentés au début de l’été dans le cadre du plan pour le climat qu’il porte, et avec une cohérence indispensable entre notre agenda national, européen et international.

C’est cette cohérence qui conduira le ministre à porter dans les temps à venir des engagements très clairs où la France se mettra en conformité avec ces engagements pour là aussi préserver sa capacité à impulser cette dynamique internationale.
Il est important de développer à ce sujet un dialogue étroit avec des partenaires qui ont décidé de mener en la matière une action ambitieuse. Je pense tout particulièrement à la Chine, partenaire indispensable compte tenu des décisions récentes des Etats-Unis, et à l’Inde où nous nous rendrons en fin d’année.

Confrontés aux ravages du réchauffement climatique et à des pollutions massives, beaucoup de pays ont adopté des politiques innovantes et attendent de nous un soutien sans faille. Notre volonté commune, notre capacité d’innovation, nos coopérations scientifiques et économiques peuvent réellement changer le cours des choses.

Le deuxième bien commun est la paix, celle qui permet de choisir sa vie, de construire sa trajectoire, de fonder une famille, de rêver tous les rêves possibles. Ah ! On peut paraître extraordinairement naïf ou on paraissait peut-être extraordinairement naïf il y a quelques années à dire ces mots, mais l’Histoire s’est rappelée à nous. Nous avions oublié que 70 ans de paix sur le continent européen était une aberration de notre Histoire collective. C’est pourtant ce que notre Europe a permis de faire advenir.

Mais la menace est à nos portes et la guerre est sur notre continent. En Syrie certes, en Europe, et voilà pourquoi nous ne saurions ménager nos efforts pour maintenir là aussi le dialogue avec la Russie ni limiter nos exigences pour résoudre la crise avec l’Ukraine et tous les conflits gelés sur notre continent.

La France et l’Allemagne continueront ensemble à déployer tous leurs efforts pour la mise en œuvre des accords de Minsk dans le format dit Normandie, alors que tant d’hommes meurent encore aujourd’hui dans le Donbass. J’appelle toutes les forces en présence à respecter le cessez-le-feu décidé la semaine dernière. Il en va de notre sécurité, mais il en va aussi de l’idée même que nous nous faisons de l’Europe de la paix. L’OTAN garde dans ces situations toute son utilité. Le sommet organisé en 2018 sera, à ce titre, l’occasion de réfléchir aux moyens de donner un nouveau souffle à cette institution.

Notre troisième bien commun, ce sont la justice et les libertés. C’est le socle vivant des droits fondamentaux pour lesquels des millions de femmes et d’hommes se sont battus et se battent encore chaque jour. Cet héritage en constante évolution, sans cesse remis en cause par les dictateurs, les criminels et les trafiquants de tout genre doit être le ferment de notre action collective. Notre diplomatie devra continuer de défendre activement les libertés fondamentales : la place des femmes, les libertés de la presse, le respect des droits civils et politiques partout dans le monde.

Les droits de l’homme ne sont pas seulement des valeurs occidentales. Ce sont des principes universels, des normes juridiques librement adoptés par tous les pays du monde que nous devons sans cesse expliquer, défendre, améliorer. Je me rendrai à ce titre au Conseil de l’Europe et à la Cour européenne des droits de l’homme début novembre.
Je souhaite que la tradition juridique française que plusieurs d’entre vous dans cette salle portent puisse être non seulement pleinement reconnue - ce qui est largement déjà le cas - mais conduire à influencer tous nos partenaires qui, parfois, prennent d’autres voies où pourraient s’égarer face à cette certaine menace.

Je souhaite aussi rendre un hommage particulier aux organisations internationales telles que l’OIM et le HCR, le Comité international de la Croix Rouge dont le président est à juste titre l’invité d’honneur de notre conférence, mais aussi aux nombreuses organisations non gouvernementales qui, dans les contextes les plus dangereux, font reculer les violences contre les civils et font vivre notre humanité.

C’est pourquoi le dialogue avec tous, que je considère comme essentiel à notre diplomatie, ne saurait se priver de rappeler ces éléments fondamentaux. Nos échanges diplomatiques et économiques avec la Russie, la Turquie ou la Chine ne sauraient justifier qu’on recouvre d’un voile pudique la question des droits de l’homme car alors, c’est nous-mêmes que nous trahissons. Il faut savoir respecter nos interlocuteurs, leurs propres histoires, leur propre évolution, sans faire l’économie d’un tel dialogue.

Parce que c’est cela ce qui nous a construit aussi, parce que c’est cela notre dignité, parce que c’est l’une des raisons pour lesquelles nous combattons avec tant de détermination ce terrorisme que j’évoquais tout à l’heure. Et nos concitoyens ont cette exigence. Ils ne comprennent pas les complaisances dont fait l’objet, de la part de certains, le régime qui se met en place au Venezuela.

Qu’il me soit permis de dire à ce sujet combien est préoccupante. La crise actuelle du Venezuela. Une dictature tente de se survivre au prix d’une détresse humanitaire sans précédent de radicalisation idéologique inquiétante, alors même que les ressources de ce pays restent considérables. Je souhaite réfléchir, avec les gouvernements d’Amérique latine et d’Europe, à la manière d’éviter de nouvelles escalades y compris régionales.

De même, il est de mon devoir de parler sans ambages pour soutenir la Commission européenne quand elle estime que les autorités d’un Etat membre mettent en œuvre une politique contraire aux principes fondamentaux de l’Union, veulent promouvoir des réformes de leur justice incompatibles avec les principes de l’Union. Et je m’étonne parfois que celles et ceux qui, dans notre pays, prétendent défendre ces mêmes droits ou ces mêmes intérêts s’indignent du fait qu’on puisse dire la vérité à un Etat membre ou soutenir la Commission dans ses démarches.

Enfin, notre bien commun c’est la culture. Ce sont ces biens culturels que partout, lorsque la démocratie est menacée, lorsque la guerre est là, partout ces biens culturels sont mis en danger. L’alliance portée par mon prédécesseur accompagné par plusieurs d’entre vous, qui vise précisément à protéger dans tous ces théâtres d’opération les biens culturels, sera poursuivie et j’y engagerai notre force diplomatique, notre action. C’est là aussi la cohérence de l’action que nous menons dans le pays pour le développement de l’accès à la culture comme une des voix d’émancipation de la défense de notre modèle de civilisation face au terrorisme. C’est ce combat que nous devons mener partout à l’international où ces biens culturels sont menacés, parce qu’ils font partie de nos biens communs.

La solidarité universaliste que la France déploie dans la défense des biens communs de l’humanité repose sur une condition : que la France elle-même offre au monde un modèle désirable. C’est pourquoi il n’est pas d’influence sans attractivité. La première source d’attractivité est sans aucun doute l’économie. On peut avoir le discours que je viens de tenir ; si à côté de cela on se satisfait d’une économie faible ou tout se tente, on n’est pas cohérent, tout simplement. On ne se donne pas les moyens de réussir.

Si on ne cherche pas à relever tous les défis nationaux pour être à la hauteur de cela, avoir une éducation, une université à la hauteur de ce défi, une force économique qui permette d’y répondre, on n’est pas cohérent. En effet, cette source d’attractivité qu’est notre économie, nous devons continuer à la développer parce que c’est un attribut de la puissance et parce que c’est une priorité de l’action diplomatique.

Je veux ici confirmer ce qui avait été décidé il y a plusieurs années. La diplomatie économique est une priorité de votre réseau et je souhaite la confirmer, et c’est un souhait du ministre Jean-Yves LE DRIAN que j’appuie. Elle commence par un effort accru pour aider nos PME à s’installer sur les marchés des pays où vous représentez la France.

J’en appelle à vous pour les accompagner et pour développer le réseau des volontaires internationaux, outil remarquable pour l’insertion professionnelle et l’ouverture internationale des jeunes Français dont il faut élargir le vivier. Vous devez contribuer aussi à attirer de nouveaux investissements en France, créateurs d’emplois et de valeurs. Le Brexit, à cet égard, est une opportunité. Les stratégies industrielles et financières adoptées par les grands fonds souverains sont également une réalité fortement inscrite dans le paysage de cette diplomatie économique.

Je vous demande de prendre des initiatives pour attirer des nouveaux talents vers notre pays en utilisant les programmes, par exemple le programme French Tech Ticket, en proposant de nouveaux mécanismes incitatifs, en adaptant nos dispositifs de délivrance de visas et en s’appuyant sur nos priorités, en particulier la lutte contre le réchauffement climatique, l’excellence universitaire que nous devons déployer et que nous voulons déployer.

Le Premier ministre et moi avons fait le choix de confier la responsabilité de ces politiques au ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. Il le fait en lien avec ses collègues dans leur domaine de compétences. La mesure de notre réussite sera l’augmentation du nombre d’entreprises exportatrices et la pérennisation de leurs flux d’exportation.

Nous faisons à cet égard moins bien que l’Allemagne et que l’Italie. Ce sera aussi la mission des nouveaux dirigeants de Business France de mettre en œuvre ces orientations. Le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères est également responsable de la marque France à l’étranger. C’est une dimension majeure de votre travail. Mobiliser l’ensemble de vos services pour améliorer l’image de la France auprès des prescripteurs d’opinion est un élément important de cette attractivité. Je salue le très fort engagement du gouvernement dans ce contexte d’attractivité économique en faveur d’un secteur essentiel en ce domaine qu’est le secteur touristique.

Le Premier ministre a fixé la feuille de route et les priorités d’action lors du conseil interministériel du 26 juillet. Le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères réunira à nouveau ses collègues et l’ensemble des acteurs concernés le 10 octobre prochain avec un objectif clair : accueillir cent millions de touristes d’ici 2020. L’action doit être en la matière déterminée. La levée de l’état d’urgence nous permettra d’accélérer notre efficacité, mais c’est une mobilisation de tous et de toutes parce qu’elle rend tangibles les retours de notre action diplomatique pour le quotidien de nos concitoyens. Ce sont des emplois créés, c’est de l’activité déployée partout sur notre territoire.

Je compte donc beaucoup sur les échanges que permet cette semaine pour établir une nouvelle feuille de route pour notre diplomatie économique. A l’issue de cette conférence, votre ministre remettra au Premier ministre cette feuille de route, composante essentielle du redressement de notre pays. Je sais pouvoir compter sur votre implication personnelle dans ce travail.

Un autre aspect essentiel de notre attractivité, c’est la diplomatie étudiante. La France accueille 300 000 étudiants étrangers chaque année dans nos universités et grandes écoles ; ce n’est pas assez. Ce nombre est stable alors que la mobilité étudiante dans le monde a augmenté de 25 % depuis cinq ans. Les Etats-Unis continuent d’attirer de plus en plus d’étudiants, le Royaume-Uni aussi mais pas la France qui a été doublée l’année dernière par l’Australie.

Cela requiert de notre part une stratégie plus résolue pour constituer en France de grandes universités visibles à l’international. Ce sera le défi dès le secondaire du ministre de l’Education nationale et de la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’innovation, de construire ces éléments de réussite. Ce qui est bon pour la France, les jeunes et les étudiants français, est bon pour son attractivité internationale et c’est l’étape indispensable que le gouvernement est en train de relever.

Mais notre stratégie d’accueil doit aussi être plus offensive et plus intégrée. De la réforme des universités à la demande de visa dans les espaces Campus France que vous animez, de l’accueil simplifié en France à la signature de nouveaux accords de coopération universitaire dans vos pays de résidence, tous les efforts doivent aller dans le même sens.

Les pays de l’espace francophone doivent envoyer davantage d’étudiants en France, en particulier au niveau master et doctorat comme sait le faire par exemple l’Amérique latine. Je souhaite que nous nous appuyons davantage sur le réseau des lycées français à l’étranger et que nous puissions créer davantage de bourses d’attractivité pour les meilleurs étudiants, et que nous en devenions leaders en Europe sur le marché justement du numérique diplômant.

Cette diplomatie de l’attractivité, elle doit aussi pouvoir s’appuyer - et je sais que vous le faites déjà - sur les Français de l’étranger. Les Français de l’étranger ont cette chance de pouvoir chaque jour comparer leur patrie à leur pays d’accueil. Ils aperçoivent nos faiblesses mais souvent voient mieux que d’autres les forces que nous n’exploitons pas assez.
Ils ont cette volonté de s’engager davantage encore dans le redressement de la France, dans son attractivité, dans les liens économiques, culturels, éducatifs, linguistiques que nous pouvons développer dans chacun de ces pays. Je connais leurs préoccupations s’agissant, par exemple, de la scolarisation de leurs enfants. Les crédits de l’AEFE seront préservés à partir de 2018. Je sais, Monsieur le ministre, que vous y êtes particulièrement attaché.

Ils sont également préoccupés par leur sécurité à laquelle nous consacrons des moyens accrus. Il nous appartient aussi de faire que l’expatriation ne soit pas un chemin semé d’embûches, mais une expérience qui permette de s’épanouir. A ce titre, la numérisation des démarches administratives est un chantier qu’il convient d’accélérer. Je me rendrai sur tous ces sujets début octobre devant l’Assemblée des Français de l’étranger pour marquer cet engagement.

Parmi les facteurs d’attractivité, je souhaite que la langue française retrouve sa place. Elle doit faire l’objet de toute votre attention diplomatique. Nous nous abritons derrière de grands chiffres, derrière les 300 millions de locuteurs francophones dans le monde, notamment grâce à l’Afrique, avec des projections très optimistes pour 2050.

Mais cela ne doit pas cacher des réalités beaucoup plus contrastées, voire préoccupantes, là aussi, ne soyons plus défensifs. Notre francophonie est une chance formidable, elle est portée sur tous les continents, elle est portée par la France au premier chef, et l’emprise de la France sur tous les continents, grâce à sa présence ultramarine, et je veux, dans ce cadre, entre autres, que nos territoires d’outre-mer soient un élément de notre rayonnement et de notre développement.

Mais elle est portée par toutes les communautés francophones qui, sur tous les continents, sont détentrices de cette vitalité, la promotion de la langue française doit donc passer par un dispositif que nous avons à réorganiser et à développer, notre dispositif audiovisuel, France Médias Monde et TV5 Monde, par les Alliances françaises, et même si je sais ou je crois savoir que cela a déjà été dit souvent, je souhaite mener à bien le rapprochement entre l’Institut français et la Fondation Alliance Française, par les outils numériques, par la Francophonie économique, en lien avec le secteur privé, par l’introduction des méthodes actives d’apprentissage, dans les systèmes éducatifs de nos partenaires.

Elle doit se démultiplier par l’action culturelle, par le cinéma, la pratique artistique et la lecture, notamment vers le jeune public, il est, à ce titre, important cette année que la France soit l’invitée d’honneur du Salon du livre, de la Foire du livre, pardon, de Francfort, à laquelle je me rendrai ; mais ce sont ce genre d’initiatives que nous devons continuer à développer. La francophonie, ce n’est pas un sujet de distraction qui viendrait s’ajouter au reste. C’est au cœur du combat que nous avons à livrer sur tous les continents, celui de la défense de nos valeurs, celui de notre objectif de développement, de la défense des biens communs, que j’évoquais tout à l’heure.

Et chacun d’entre vous le sait, lorsqu’il croise un responsable économique ou politique étranger, qui a appris le français dans un de nos lycées, qui a fait l’objet d’un de nos échanges universitaires, économiques ou culturels, il y a quelque chose qui nous relie, il y a, à ce moment-là, un fil, même ténu, qu’on peut tirer dans les pires circonstances et qui permet de redresser une situation, qui permet de ramener au sens commun, à la sécurité, à la stabilité, tout se tient, et ceux qui pensent qu’on pourrait négliger la francophonie comme un accessoire se trompent, nous en avons hérité, donc nous pensons que nous pouvons l’oublier, nous devons la développer plus encore, parce qu’elle est un outil de cette attractivité et de cette influence, et de notre capacité à porter partout notre message ; c’est pourquoi, je réunirai en début d’année prochaine des intellectuels, universitaires, artistes, entreprises, engagés pour renforcer la place de notre langue dans le monde.

Nos objectifs doivent être ambitieux et je présenterai en 2018, dès le premier semestre, un plan d’ensemble pour la promotion de la langue française et du plurilinguisme dans le monde, en lien avec l’Organisation Internationale de la Francophonie et ses pays membres, c’est grâce à cette force collective que, précisément, aussi, nous pouvons attirer des événements mondiaux, comme, je l’espère, l’Exposition universelle, ou réussir dans un autre domaine fondamental pour la France, celui du sport, comme nous le verrons dans quelques jours, pour la candidature de la France aux Jeux olympiques de 2024, parce que c’est là aussi un élément de notre attractivité, de notre crédibilité, de notre force, de cette fierté française qui aide à rayonner et à porter l’ensemble de nos valeurs et de nos priorités.
Je veux à ce titre, non pas féliciter, car il serait trop tôt, l’équipe qui ira défendre les couleurs de la France à Lima, dans quelques jours, mais d’ores et déjà, vous remercier de vous être tant investi autour de cet enjeu.

Enfin, la France ne sera attractive que si elle pèse sur les règles qui prévalent au plan international, je souhaite qu’elle s’engage plus résolument dans les instances qui les conçoivent et les édictent, et plus largement, qu’elle redevienne un lieu où l’on pense le monde. Qu’est-ce que je veux dire par-là, il y a des changements multiples sur le plan économique, industriel, technologique, qui vont profondément impacter nos vies, nos capacités à innover, à produire, et qui vont impacter au quotidien le rapport au secret et aux libertés individuelles.

Le numérique va profondément les bousculer, il commence déjà, ces changements technologiques vont profondément changer notre capacité à innover, à produire, et derrière tout cela, ce sont de nouveaux standards qui vont se construire, des acteurs dominants de ce monde numérique et de l’intelligence artificielle, qui est en train d’émerger, se constituent, ces géants sont principalement américains.

Nous avons des champions français, européens à constituer, et ce sera l’une des priorités de la politique du gouvernement, mais cela doit aussi passer par une capacité, que nous avons parfois plus négligées que certains de nos voisins européens, je pense en particulier aux Allemands, à définir les standards, les normes, qui réguleront ces espaces, si nous voulons réussir dans le véhicule autonome, nous devons au niveau européen en définir les normes, et le faire au moins en franco-allemand, si nous voulons être les leaders, ce qui doit être fait, de l’intelligence artificielle, nous devons, là aussi, en définir les grandes règles, et tous ces changements porteront des bouleversements profonds qui toucheront la bioéthique, les libertés individuelles et nos droits fondamentaux.

Nous devons les penser, en lien avec nos principaux partenaires, parce que c’est le rôle de la France de créer le cadre de régulation multilatérale de ce monde qui advient pour pouvoir aussi y porter ses propres intérêts, et de le faire de manière européenne pour ne pas subir la régulation de fait, qui est la loi du plus fort, que nous subissons aujourd’hui.

Sur tous ces sujets, je souhaite que la France s’engage profondément, ce qui implique votre travail au quotidien, la mobilisation de l’ensemble des acteurs économiques, sociaux qui sont compétents sur ces sujets, des milieux académiques, scientifiques indispensables, des meilleurs juristes pour que nous puissions être l’un des lieux où l’on pense ses règles du monde de demain, c’est-à-dire ces équilibres, où l’on permettra que cette mondialisation qui, de toute façon, est là, ne soit pas exempte de toute règle, parce qu’elle devient alors la propriété de quelques-uns, et parce qu’elle devient alors l’ennemie de nos propres intérêts.
C’est toute cette nouvelle responsabilité qui est la nôtre et qui doit nous conduire à définir philosophiquement et juridiquement les règles de ce nouveau monde, le livrer seulement à l’intérieur de nos frontières à une réflexion juridique serait insuffisant, c’est au niveau européen et international que nous devons mener ce combat, en éclaireurs.
Et dans cette société de la connaissance, qui fleurit sous nos yeux, notre pays devra redevenir un centre de l’expertise internationale et du débat sur l’ordre mondial. C’est pourquoi je souhaite que la France lance un cycle de conférences internationales annuelles diplomatiques et juridiques, consacrées à l’organisation de notre monde, la première se tiendra à Paris à l’été 2018.

Mesdames et messieurs, les mutations profondes que nous voyons partout à l’œuvre constituent bien un défi considérable, une responsabilité immense pour notre pays, un défi parce qu’il s’agit de mettre la France en situation de ressaisir son destin dans la marche du monde, d’assumer l’ambition d’être une grande puissance qui pèse et qui compte dans un monde multilatéral, et pour cela, de reconquérir les leviers de la puissance, que sont la santé économique, la compétitivité, la capacité à éduquer, innover influencer.

C’est l’enjeu des transformations que nous voulons mener, mais une responsabilité aussi, parce qu’il revient à la France, dans ce nouveau jeu mondial, de définir un nouvel humanisme au cœur des mutations, qui affectent l’idée même que l’on se fait de l’humain. Au-delà de la sécurité, au-delà de la souveraineté, la France a besoin de faire entendre son identité, elle a besoin de savoir qui elle est et qui elle veut devenir, elle a besoin de diversité, d’humilité et de fierté, car la France, si elle en a la volonté et s’en donne les moyens, conservera toujours une voix originale dans le concert des nations, une voix d’expérience et d’espérance, aspirant à un ordre multilatéral de progrès et de justice, soucieuse de toutes les crises, attentive à tous les enjeux globaux, environnementaux, numériques, de développement.

En ce sens, nous sommes une puissance grande par ses ambitions, grande par ses idéaux, grande par ses espérances, et nous devons pleinement l’assumer, et c’est le cœur de votre mission. Pour cela, la diplomatie française doit être globale, conjuguant économie, défense, éducation, culture, environnement, c’est la clef de son rayonnement.
Et je remercie Jean-Yves LE DRIAN de mettre son expérience, sa détermination, son goût des résultats concrets au service de cette administration unique, avec à ses côtés, Nathalie LOISEAU et Jean-Baptiste LEMOYNE, ainsi que votre nouveau secrétaire général, Maurice GOURDAULT-MONTAGNE.

Pour moi, qui ai commencé à vous rencontrer, l’important est ici de saluer, pour conclure, votre dévouement et celui de vos équipes, votre courage aussi, alors que vous êtes exposé de plus en plus souvent à des situations dangereuses, et je veux ici dire un mot tout particulier pour le personnel de notre poste à Kaboul, qui a subi le 31 mai dernier un attentat d’une ampleur inégalée.

Face au danger, dans toutes les zones de crise, vous préservez la voix et les intérêts de la France, et veillez à la protection des Français. Je veux, à ce titre, remercier aussi très chaleureusement les agents du Centre de crise et tous ceux qui contribuent à l’assistance aux Français en difficulté, y compris désormais les victimes d’attentats sur le sol national.

Je connais les sacrifices consentis, la charge que peut représenter l’instabilité de la vie diplomatique sur chacun d’entre vous et sur vos familles. Je vous remercie du fond du cœur, à ce titre, pour la contribution que tous les agents du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères apportent, avec leur sens de l’Etat, leur disponibilité, leur connaissance du monde, à la sécurité et à la protection des Français, au rayonnement de la France.

Je vous engage à vous mobiliser par vos propositions, vos initiatives, vos actions, pour porter ensemble et pour concrétiser cet espoir d’une France qui retrouve confiance dans son avenir, et qui saura aussi répondre à l’attente dont elle est l’objet, dans le monde, mais aussi dans notre société ; ensemble, nous allons précisément répondre à cette attente.

A nous, ensemble, de tracer un nouveau modèle de civilisation où les inégalités et les insécurités seront contenues, où la justice sera défendue et la planète protégée, où la culture, la création, la mémoire seront respectées. Ce projet, c’est cela notre identité. Quand tant d’autres se perdent à vouloir chercher une identité fantasmée, dans un passé qui n’a jamais été et ne serait que national, vous portez l’identité française, parce qu’elle ne s’est toujours construite qu’à l’aune de ses combats, que sur ses terrains d’avant-garde, que dans ses moments les plus difficiles.

Nous pouvons faire en sorte que l’avenir appartienne au dialogue et non à la guerre, à la coopération et non à la discorde, à la prospérité partagée et non aux crises, c’est tout le sens de notre politique, et c’est celui – je le sais – de votre vocation. Je vous remercie.
 
 
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