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Déclaration de patrimoine : une loi informelle

Mercredi 3 Février 2021

La présidente de l'Ofnac et le chef de l'Etat au cours de la remise d'un rapport annuel.
La présidente de l'Ofnac et le chef de l'Etat au cours de la remise d'un rapport annuel.
Idrissa Seck, nommé président du Conseil économique, social et environnemental (Cese) le 1er novembre dernier, a remis à l’Ofnac (Office national de lutte contre la fraude et la corruption) la liste de ses biens. Le chef du parti Rewmi satisfait ainsi formellement aux exigences de la loi 2014-17 du 2 avril 2014 relative à la déclaration de patrimoine à quelques jours seulement de la fin du délai de 3 mois imparti aux autorités qui y sont assujetties. Quant à la sincérité des éléments remis à l’Ofnac, c’est une autre histoire !
 
Mais deux jours plus tard, c’est tout ou partie des biens présumés de l’ancien premier ministre qui est publié sur les réseaux sociaux et dans la presse écrite. Se sentant suspecté d’être l’auteur de la fuite, Seynabou Ndiaye Diakhaté, la présidente de l’office, fait publier un communiqué pour se disculper et protéger ainsi ses «agents assermentés».

https://www.impact.sn/L-OFNAC-dement-avoir-rendu-publique-la-declaration-de-patrimoine-d-Idrissa-seck_a24634.html
 
En toile de fond de cette affaire, on cherche encore les procédures et les moyens qui auraient été mis en place pour que les autorités assujetties se conforment à une déclaration de patrimoine ayant du sens, dans le fond et dans la forme. Les biens déclarés par des autorités et reçus par l’Ofnac sont-ils traçables et identifiables afin que leur origine licite ou criminelle soit précisément déterminée ? Les tripatouillages et manipulations concernant ces biens déclarés sont-ils contrôlables par les services de l’Etat ? L’Ofnac a-t-il les moyens de vérifier la sincérité des déclarants ? Il semble difficile de répondre à ces questions par l’affirmative.
 
D’autant moins que, à ce sujet, le lien ombilical de sujétion qui lie l’Ofnac à la présidence de la république reste un moyen puissant de peser sur les orientations et décisions de l’organe. Le limogeage brutal de Nafi Ngom Keïta qui avait entamé des investigations sur l’affaire Petrotim est encore frais dans tous les mémoires. Tant que la politique dite de bonne gouvernance sera mesurée à l’aune des incidences qu’elle pourrait provoquer sur la bonne santé du président de la république et de ses réseaux d’amitié ou familiaux, on en restera à ce stade primesautier de gestion bananière des biens publics : des coupables mais jamais de responsables.

La vraie réalité qui entoure cette loi voulue par Macky Sall en 2013 est qu’elle est totalement absurde. Son caractère inopérant a déjà été révélé par l’épisode abracadabrantesque d’un conseil des ministres de juillet 2020 où il donna gentiment à ses ministres - déjà hors-la-loi - un délai supplémentaire pour être en règle avec la loi. Entre la rhétorique formelle sur la « gestion sobre et vertueuse » du bien public qui satisfait les institutions internationales et les pratiques essentielles qui affaiblissent la gouvernance, le chef de l’Etat n’a absolument rien apporté d’original en la matière. En cela, il reste ce politicien professionnel au coude posé sur les dossiers potentiellement judiciaires qui menacent ses parents, ses amis et tous ceux dont la mise en cause par la justice serait, à ses yeux, dangereuse pour la stabilité du Sénégal !
 
La divulgation du patrimoine revendiqué par Idrissa Seck est une excellente initiative pour le pays et pour tour tous ceux qui oeuvrent pour une reddition des comptes crédible et profitable à la bonne gouvernance dans notre pays. Qu’elle ait été fuitée par Idrissa Seck lui-même, par une gorge profonde à l’Ofnac ou par une autorité agissant sous le couvert du pouvoir, cette divulgation est d’une certaine manière un acte citoyen qui casse l’opacité et l’entente cordiale dans lesquelles se vautrent les politiciens dans les temps d’accumulation de leurs biens au détriment de l’intérêt général.
 
D’où l’espoir que les patrimoines des autres ministres bénéficiaires des décrets du 1er novembre dernier (Oumar Sarr, Yankhoba Diattara, etc.) soient également portés à la connaissance des citoyens. Il est temps que le monopole politicien d’Etat sur cette question s’arrête ! Car, rien n’interdit de soupçonner que la loi sur la déclaration de patrimoine et l’absence criarde de moyens d’investigations poussées qui frappe les services de l’Ofnac concourent finalement à blanchir des biens frauduleusement acquis.
 
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