Ce vendredi 27 décembre 2024, vous prononcerez votre déclaration de politique générale, c'est l'occasion pour moi de vous prier de bien vouloir noter que vos prédécesseurs ont constaté que le moteur a tourné dans le vide.
Permettez-moi cette métaphore.
Crack... crack… crack, comme un vélo à la chaîne rouillée n'a pas bougé. Pourtant, ils ont fourni des efforts de pédalage, mais en vain. Le vélo refuse d’avancer, ils risquent de tomber. Ils posent un pied à terre et se penchent vers la chaîne de transmission, qui a lâché, évidemment. La roue dentée de devant (attelée aux pédales) reçoit bien la force qui pédale. Elle tourne, tourne, mais la roue arrière ne reçoit aucune force devant lui permettre de propulser le vélo en avant.
J’aurais pu aussi prendre l’exemple de la voiture, mais celui du vélo est plus parlant. Les Français disent bien "pédaler dans la choucroute” ou "pédaler dans la semoule” pour parler de quelqu’un qui n’a aucune prise sur la réalité.
C’est ce qui nous arrive, Monsieur le Premier ministre, à nous Africains et particulièrement Sénégalais.
Depuis plus de cinquante ans, depuis que nous sommes “indépendants” donc, nous n’avons aucune prise sur notre réalité, nous ne pouvons pas nous nourrir, nous ne pouvons pas nous soigner, nous ne pouvons pas nous loger, notre système éducatif bat de l’aile, etc… mais surtout nous ne parlons pas notre langue et nous ignorons notre propre histoire, nous ne nous connaissons pas et nous sommes désorientés par rapport à notre histoire.
Comment expliquer le formidable bond économique et social de la Corée du Sud qui avait le même niveau de développement que le Sénégal au lendemain de notre accession à l’Indépendance et à qui, aujourd’hui, nous allons tendre la main pour nos besoins ?
Comment expliquer le niveau appréciable de développement du Vietnam ? Ce pays, après une longue colonisation (française) a connu trois agressions extérieures auxquelles, il a victorieusement résisté : japonaise lors de la deuxième guerre mondiale, française qui entendait récupérer sa colonie de 1945 à 1954 et enfin américaine de 1954 à 1975.
Le Vietnam est aujourd’hui le deuxième producteur mondial de café (Robusta surtout) et le pays progresse rapidement.
Comment expliquer que Cuba, qui a connu le plus long embargo du monde (depuis 1960) et qui a fait face, victorieusement, à de multiples tentatives de déstabilisation fomentées par son puissant voisin, dont la plus célèbre est celle de la Baie des cochons en 1962... Comment expliquer que ce pays, non seulement rejette la marchandisation de son économie (source de tous ses déboires), mais peut donner à sa population, un niveau de vie décent, un mode de vie désaliéné, une instruction gratuite, une médecine de première qualité et gratuite, un droit au logement ?
Tous ces pays ont réussi leurs prouesses en assumant leur histoire, en travaillant avec leur culture. J'ai cité ces pays, Monsieur le Premier ministre, pour vous dire que ceux qui vous ont précédé ont, comme le pensait Axelle Cabou, refusé le développement. Ils ont détruit les industries textiles telle que Sotiba Simpafric, les industries cotonnières du Cap Vert, la SODEFITEX, la SOTEXKA de Kaolack et Louga, les textiles de Thiès, l'usine BATA à Rufisque et le concessionnaire BERLIET qui transportait les populations lors du Festival mondial des arts nègres (FESMAN). Ils ont également détruit les lignes du chemin fer et ils ont procédé à la vente de la ferraille. Ils ont pillé les banques nationales USB (Union sénégalaise de banques), BNDS (Banque nationale pour le développement du Sénégal), BSK (Banque sénégalo-koweitienne) pour créer la SNR (Société Nationale de Recouvrement). Autant de décisions et d’actes qui ont entraîné la mort de l'industrie sénégalaise comme SAPROLAIT et SENLAIT et tant d'autres ont subi le même sort.
La politique agricole du Président Mamadou Dia avec l'ONCAD, la SODÉVA et les coopératives démontrait que le pays était sur la bonne voie pour une agriculture diversifiée qui, avec une bonne maîtrise de l'eau, pouvait créer des plus values et conduire à une véritable industrialisation.
Monsieur le Premier ministre, ce désastre vous permet de savoir que rien n’est impossible. Tout était là. A présent, il vous suffit juste de restaurer, d'innover pour rattraper ces pays qui n'auraient pas dû nous dépasser et, par conséquent, d’être dans la position du quémandeur d’aides.
Vous arrivez dans une période favorable au développement, vous disposez de matières premières, de ressources humaines de qualité et d'une jeunesse qui reprend vos mots d'ordre. Aussi, vous avez un pays pétrolier et gazier. Alors, sachez utiliser de manière judicieuse ces ressources en transformant les matières premières et la maîtrise de ce potentiel local pourra créer une grande banque pour le financement du secteur privé et, par là, créer de la richesse. Cette perspective est une aubaine pour le développement du Sénégal. Sachez qu'il est impensable de laisser 40% du système bancaire national entre les mains des Marocains. Une occasion se présente par la reprise de la SGS (Société générale Sénégal, ex SGBS) actuellement en ouverture de capital. Cependant, la mission doit être confiée à des experts sénégalais du Système bancaire qui ont fait leurs preuves et qui sont prêts à servir leur pays.
Réconciliez les Sénégalais et demandez-leur de se dévouer pour ce pays. Vous ne briserez donc pas le rêve de tout un peuple et la vieille école sera fière de cette relève générationelle que le monde entier suit de près.
Ministre Thierno Lo
Président APD