Le héros du film Hôtel Rwanda, Paul Rusesabagina, qui a sauvé en 1994 plus de 1200 personnes, a admis vendredi lors d’une audience devant un tribunal de Kigali avoir participé à la création d’un groupe rebelle, mais il a nié avoir été impliqué dans ses crimes.
Paul Rusesabagina a été rendu célèbre par le film hollywoodien sorti en 2004 qui raconte comment l’ancien directeur de l’hôtel des Mille Collines, à Kigali, un hutu modéré, a sauvé des milliers de vies au cours du génocide qui a tué 800’000 personnes, principalement des Tusti, au Rwanda.
En 2017, Paul Rusesabagina a fondé le Mouvement rwandais pour le changement démocratique (MRCD), un parti politique soupçonné d’avoir un bras armé, le Front de libération nationale (FLN), un groupe considéré comme terroriste par Kigali.
A plusieurs reprises, Paul Rusesabagina avait publiquement exprimé son soutien au FLN mais son éventuelle implication dans le mouvement, qui a revendiqué plusieurs attaques à Nyungwe, près de la frontière burundaise, demeurait floue.
Un bras armé, pas un groupe terroriste
«Nous avons formé le FLN comme un bras armé, pas comme un groupe terroriste comme le dit le procureur. Je ne nie pas que le FLN a commis des crimes, mais mon rôle était la diplomatie», a-t-il clarifié ce vendredi.
«L’accord que nous avons signé pour former le MRCD, comme une plateforme politique, incluait la formation d’un bras armé appelé le FLN. Mais mon rôle était de travailler pour cette plateforme politique et j’étais en charge de la diplomatie», a-t-il ajouté.
Depuis son arrestation le mois dernier, dans des circonstances à la fois rocambolesques et troubles, et après des années d’exil en Belgique et aux États-Unis, l’image de Paul Rusesabagina s’est opacifiée.
Paul Rusesabagina est désormais poursuivi pour terrorisme, meurtre, création et financement de rébellion, incendies volontaires, et complot visant à impliquer des enfants dans des groupes armés.
Vendredi, il comparaissait vêtu de l’uniforme rose des prisonniers, et d’un masque rose, pour faire appel du refus, la semaine dernière, de lui accorder une liberté sous caution.
Un héros qui divise
Lors d’une précédente audience, Paul Rusesabagina avait reconnu avoir envoyé 20’000 euros au commandant du FLN Callixte Nsabimana, alias Sankara, mais il avait démenti tout financement des activités du groupe, expliquant qu’il s’agissait d’un soutien financier personnel.
Callixte Nsabimana avait revendiqué sur les réseaux sociaux la responsabilité de plusieurs attaques, dont l’incendie d’un bus en 2018, qui avait fait deux morts et de nombreux blessés. Arrêté et poursuivi au Rwanda en 2019, il avait cependant essayé de se distancier des meurtres de civils devant le tribunal.
«Lorsque nous avons attaqué la région de Nyungwe, nous avions donné au FLN l’ordre précis que quelles que soient leurs opérations, il devait s’agir de détruire des ponts, de mener des embuscades sur des véhicules militaires, d’attaquer des bureaux du gouvernement ainsi que la police et des camps militaires. Nous ne nous attendions pas à ce qu’ils attaquent des civils», avait déclaré Callixte Nsabimana.
Les attaques avaient conduit de nombreux pays occidentaux à déconseiller à leurs ressortissants de voyager dans la région de Nyungwe, prisée des touristes pour ses gorilles des montagnes.
En 2018, dans une vidéo soutenant le FLN, Paul Rusesabagina avait déclaré: «Le moment est venu pour nous d’utiliser tous les moyens possibles pour amener le changement au Rwanda car tous les moyens politiques ont été tentés et ont échoué.»
Paul Rusesabagina a quitté le Rwanda en 1996 avec d’autres modérés qui considéraient que le pays offrait de moins en moins d’espace à l’opposition.
Après la sortie d’Hôtel Rwanda, sa notoriété internationale l’avait poussé à porter ses critiques contre le président Paul Kagame, qu’il accuse d’autoritarisme et d’alimenter un sentiment anti-hutu – un sujet très sensible.
Peu à peu, son image s’est détériorée dans son pays. Des détracteurs l’ont accusé d’avoir embelli ses exploits, et des survivants d’avoir profité de leur misère, tandis que ses partisans affirment que le régime s’est lui-même employé à ternir son image.
Sa famille estime que les charges retenues contre lui sont politiques. Elle pense également qu’il ne serait jamais retourné de lui-même au Rwanda.
Dans une interview au New York Times, réalisée dans sa cellule en présence de deux officiels rwandais, Paul Rusesabagina a dit qu’à Dubaï, il pensait embarquer dans un jet privé à destination du Burundi, et non du Rwanda.
Le tribunal se prononcera sur sa nouvelle demande de remise en liberté le 2 octobre. (AFP/NXP)