Des milliers d’habitants du Haut-Karabakh cherchent à fuir leur région mardi pour passer en Arménie où plus de 28 000 d’entre eux ont déjà trouvé refuge, une semaine après une offensive de l’Azerbaïdjan dans cette région sécessionniste du Caucase.
Selon les autorités arméniennes, quelque 28 120 réfugiés sont arrivés jusqu’à présent en Arménie en provenance du Haut-Karabakh.
L’Azerbaïdjan a ouvert dimanche la seule route menant de cette région à l’Arménie, quatre jours après la capitulation des séparatistes et un accord de cessez-le-feu qui place le Haut-Karabakh sous le contrôle de Bakou.
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a appelé l’Azerbaïdjan à respecter ses engagements de protéger les civils dans la province et à y permettre l’accès de l’aide humanitaire.
« Le secrétaire d’État s’est à nouveau entretenu avec le président Aliev aujourd’hui et a souligné l’urgence de mettre fin aux hostilités, d’assurer la protection inconditionnelle et la liberté de mouvement des civils, et de garantir un accès humanitaire sans entrave au Haut-Karabakh », a déclaré le porte-parole du département d’État, Matthew Miller.
La France, pour sa part, a appelé à « une action diplomatique internationale » face « à l’abandon de l’Arménie par la Russie ».
Paris a estimé que l’exode « massif » des Arméniens du Haut-Karabakh se déroule « sous l’œil complice de la Russie », qui avait déployé en 2020 une force de maintien de la paix dans cette région sécessionniste.
L’Union européenne a réclamé de l’Azerbaïdjan qu’il détaille sa « vision » quant à l’avenir des Arméniens vivant au Haut-Karabakh.
Dans un communiqué, l’UE souligne la « nécessité pour la transparence et pour un accès de l’aide humanitaire internationale et de responsables chargés de veiller au respect des droits humains, et d’obtenir davantage de détails sur la vision de Bakou concernant l’avenir des Arméniens du Haut-Karabakh en Azerbaïdjan ».
Dans le flot de réfugiés arméniens, l’Azerbaïdjan recherche de possibles auteurs de « crimes de guerre », a indiqué mardi de son côté une source gouvernementale azerbaïdjanaise à l’AFP.
« L’Azerbaïdjan a l’intention d’amnistier les combattants arméniens qui ont déposé les armes au Karabakh. Mais ceux qui ont commis des crimes de guerre pendant les guerres au Karabakh doivent nous être remis », a indiqué cette source.
Lundi soir, en plein exode, un dépôt de carburant a explosé dans l’enclave majoritairement peuplée d’Arméniens, faisant au moins 68 morts morts, 290 blessés et 105 personnes portées disparues, ont annoncé les autorités séparatistes.
Un flot ininterrompu de véhicules transportant des familles et leurs affaires empilées sur les toits se pressait mardi au dernier poste de contrôle azerbaïdjanais avant le territoire arménien, via le corridor de Latchine.
« Expulsés »
Certains passaient à pied. « Ils nous ont expulsés », a lancé un homme en passant devant les soldats azerbaïdjanais.
Lundi, le président azerbaïdjanais Ilham Aliev avait réaffirmé la promesse que les droits des Arméniens de l’enclave seraient « garantis ».
Le chef de l’État s’exprimait au côté de son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, acteur clef dans la région, quelques jours seulement après la victoire des soldats azerbaïdjanais contre les troupes de la « république » autoproclamée du Haut-Karabakh – rattaché en 1921 à l’Azerbaïdjan par le pouvoir soviétique.
L’Arménie et l’Azerbaïdjan sont deux anciennes républiques soviétiques qui se sont affrontées militairement au Haut-Karabakh de 1988 à 1994 (30 000 morts) et à l’automne 2020 (6500 morts). Le bilan de l’invasion éclair de la semaine dernière est de 200 morts, selon la partie arménienne.
L’Union européenne a réuni mardi à Bruxelles des hauts responsables diplomatiques français, allemand, azerbaïdjanais et arménien.
Selon le communiqué de l’UE, les discussions ont permis d’« intenses échanges entre les participants sur la pertinence d’une rencontre éventuelle des dirigeants » de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan, en marge d’un sommet européen informel des 27 à Grenade, dans le sud de l’Espagne le 5 octobre.
Ce sommet était prévu de longue date et n’a pas été annulé.
« Nulle part où aller »
L’Azerbaïdjan s’est engagé à permettre aux rebelles qui rendraient leurs armes d’aller en Arménie.
Beaucoup craignent que les Arméniens ne fuient massivement le Haut-Karabakh, au moment où les forces azerbaïdjanaises resserrent leur emprise.
Car outre l’angoisse qui règne parmi les quelque 120 000 habitants de la région, la situation humanitaire y demeure très tendue.
L’afflux en Arménie de réfugiés a entraîné d’immenses embouteillages sur l’unique route reliant la « capitale » de la région sécessionniste, Stepanakert, à ce pays.
Depuis dimanche soir, il a submergé la ville frontalière de Goris peuplée d’une vingtaine de milliers d’habitants, première étape pour la plupart des réfugiés.
Passé le poste de Kornidzor, tout de suite après la frontière, y sont amenés ceux qui n’ont « nulle part où aller », comme Valentina Asrian, dont le beau-frère a été tué dans les bombardements de la semaine dernière et qui tient son petit-fils emmailloté contre son corps.
« Nous avons vécu des jours terribles », a souligné Anabel Ghulasyan, 41 ans, du village de Rev, connu sous le nom de Shalva en azéri.
Devant le théâtre de Goris, des minibus blancs arrivent sans cesse. D’autres repartent, leurs coffres chargés de bagages, en direction d’Erevan et des grandes villes du pays.
La semaine dernière, le premier ministre arménien Nikol Pachinian a annoncé que son pays de 2,9 millions d’habitants se préparait à accueillir 40 000 réfugiés.
La Russie, qui voit le Caucase comme son pré carré et avait déployé il y a trois ans une force de maintien de la paix dans ce territoire après une brève offensive de l’Azerbaïdjan, a de son côté fermement rejeté lundi les critiques émises par M. Pachinian qui l’a accusée d’avoir abandonné son allié. [AFP]