"Mépris" et "paternalisme néocolonial": les propos du président Macron estimant notamment que les dirigeants africains avaient "oublié de dire merci" à Paris pour son intervention au Sahel ont continué mardi de faire polémique, en Afrique mais également en France.
Le président tchadien a exprimé son "indignation" et estimé qu'Emmanuel Macron "se trompe d'époque" au lendemain des propos de son homologue français qui a notamment regretté que les dirigeants africains aient "oublié de dire merci" à la France pour son intervention dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.
"Je voudrais exprimer mon indignation vis-à-vis des propos récemment tenus par le président Macron qui frisent le mépris envers l'Afrique et les Africains. Je crois qu'il se trompe d'époque" a dit Mahamat Idriss Déby Itno dans un discours prononcé lors d'une cérémonie de vœux au palais présidentiel et publié sur la page Facebook de la présidence tchadienne.
Mardi également, en France, le parti de gauche radicale La France insoumise (LFI) a dénoncé dans un communiqué des propos qui "relèvent d'un aveuglement qui confine à la folie" et révèlent "un paternalisme néocolonial tout bonnement intolérable".
La France a eu "raison" d'intervenir militairement au Sahel "contre le terrorisme depuis 2013", mais les dirigeants africains ont "oublié de nous dire merci", avait déclaré lundi Emmanuel Macron à Paris lors de la conférence des ambassadeurs et ambassadrices, estimant qu'"aucun d'entre eux" ne gèrerait un pays souverain sans cette intervention.
"Nous avons proposé aux chefs d'Etat africains de réorganiser notre présence. Comme on est très polis, on leur a laissé la primauté de l'annonce", avait déclaré M. Macron lundi en évoquant le retrait militaire français, généralement forcé, d'un certain nombre de pays africains ces dernières années.
"En ce qui concerne le Tchad, la décision de mettre fin à l'accord de coopération militaire avec la France est entièrement une décision souveraine du Tchad. Cela ne souffre d'aucune ambigüité" a rétorqué le président Déby.
Le gouvernement tchadien avait réagi dès lundi soir en exprimant sa "vive préoccupation" et dénonçant "une attitude méprisante à l'égard de l'Afrique et des Africains".
- "On l'a mauvaise" -
Les déclarations du président français ont également été condamnées lundi au Sénégal par le Premier ministre Ousmane Sonko qui a, lui aussi, contesté que le retrait annoncé des soldats français de son pays aurait donné lieu à des négociations entre Paris et Dakar.
A Paris, une source diplomatique s'est efforcé mardi de tempérer les propos de M. Macron.
"Le Tchad et le Sénégal n'étaient absolument pas visés par ces propos puisque ce qui a été annoncé par Dakar et N'Djamena était déjà acté on était d'accord sur la finalité -c'est juste le timing de ces annonces qui nous a surpris", a-t-elle déclaré à l'AFP.
"C'est une phrase sortie de son contexte mais si vous regardez son discours juste avant il parle des pertes humaines françaises au Sahel (58 morts en moins d’une décennie): il ciblait clairement les pays de l'AES (l'Alliance des États du Sahel, ndlr) et en particulier le Mali", a-t-elle souligné, ajoutant: "On l'a tous mauvaise avec le Mali quand on voit le dispositif, l'investissement humain et financier que cela a représenté pendant des années à la demande des autorités maliennes, et alors que l'on pensait bien faire".
"Alors oui le président a exprimé quelque chose de déceptif pour nous mais aussi pour les populations concernées, c’est tellement décevant; la leçon c’est qu'il faut une approche transactionnelle comme les autres (partenaires non africains) et arrêter d’être les dindons de la farce", a-t-elle conclu
Le mois dernier, le Sénégal et le Tchad ont annoncé le départ des militaires français de leur sol.
Le Tchad était le dernier point d'ancrage de la France au Sahel, où la France a compté jusqu'à plus de 5.000 militaires dans le cadre de l'opération antijihadiste Barkhane, stoppée fin novembre 2022.
Entre 2022 et 2023, quatre autres anciennes colonies françaises, le Niger, le Mali, la Centrafrique et le Burkina Faso, ont enjoint Paris à retirer son armée de leurs territoires, où elle était historiquement implantée, et se sont rapprochées de Moscou. [AFP]