Prabowo Subianto, ex-général de 73 ans, a prêté serment dimanche, devenant le huitième président de l'Indonésie avec pour ambition d'affermir le rôle de la plus grande économie d'Asie du Sud-Est sur la scène internationale.
L'ex-ministre de la Défense qui succède à Joko Widodo, surnommé "Jokowi", au pouvoir depuis 2014, l'avait très largement emporté dès le premier tour de l'élection présidentielle en février dernier face à deux autres candidats, malgré des accusations d'atteintes aux droits humains sous l'ère Suharto.
"Je jure que je remplirai les fonctions de président de la République d'Indonésie le mieux possible et le plus équitablement possible, que je respecterai la Constitution", a déclaré Prabowo devant le Parlement.
Applaudi par les parlementaires qui ont scandé son nom à plusieurs reprises, Prabowo, dans une tenue traditionnelle bleue, a prononcé un discours de près d'une heure.
"Nous dirigerons le gouvernement indonésien (...) en donnant la priorité aux intérêts de tous les Indonésiens, y compris ceux qui n'ont pas voté pour nous", a-t-il promis.
- "Démocratie pacifique" -
Prabowo s'est engagé à présider une "démocratie pacifique", à s'en tenir à une politique de "bon voisinage" et a déclaré qu'il y avait encore trop de corruption "à tous les niveaux", avant de terminer son discours par des cris de "Merdeka! (liberté, ndlr)".
Après une première visite en Chine à la suite de son élection, il s'est rendu en Russie, en Arabie saoudite et en Australie où il signé un nouvel accord de sécurité.
Le président chinois Xi Jinping a félicité dimanche son homologue indonésien pour son investiture, saluant une "nouvelle étape pour la construction d'un avenir commun" et affirmant vouloir maintenir une "communication stratégique étroite" avec le nouveau président.
Plusieurs dirigeants et responsables étrangers ont assisté à la cérémonie d'investiture, dont le ministre britannique des Affaires étrangères David Lammy et le vice-président chinois Han Zheng.
Prabowo a ensuite paradé sur les grandes artères de Jakarta, serrant les mains de milliers d'Indonésiens, debout depuis le toit ouvert d'une voiture. Il a ensuite été accueilli au palais présidentiel Merdeka par le président sortant.
La sécurité a été renforcée à Jakarta avec environ 100.000 policiers et militaires mobilisés pour l'occasion.
Pour assurer son élection à sa troisième tentative, ses détracteurs lui reprochent d'avoir bénéficié d'un fort soutien de Jokowi, accusé d'avoir mis les ressources de l'Etat au service du candidat et de son colistier Gibran, qui n'est autre que le fils aîné du président sortant, âgé de 37 ans.
- Disparus -
Alors que ses partisans saluent son accession à la magistrature suprême, des ONG et d'anciens chefs militaires accusent Prabowo, alors à la tête d'une unité de forces spéciales, d'avoir ordonné l'enlèvement de militants pro-démocratie sous le régime du dictateur Suharto, à la fin des années 1990.
Selon la Commission des disparus et des victimes de violences (Kontras), 23 militants ont été enlevés entre 1997 et 1998.
Neuf ont été retrouvés vivants, un a été retrouvé mort et 13 sont toujours portés disparus.
Démis de ses fonctions militaires en 1998 en raison de ces disparitions, Prabowo a toujours rejeté ces accusations et n'a jamais été inculpé.
Longtemps privé de visa par les États-Unis et par l'Australie pour ces allégations de violation des droits humains, il a connu un retour en grâce en tant que ministre de la Défense et a effectué de nombreuses visites à l'étranger dans ces fonctions, y compris à Washington et Canberra.
L'ex-général a également été accusé d'implication dans des crimes de l'armée au Timor oriental alors que le pays était sous occupation indonésienne.
"Des inquiétudes subsistent concernant ce que l'ascension de Prabowo pourrait signifier pour la démocratie et les droits de l'homme", a déclaré Parker Novak, chercheur à l'Atlantic Council.
Durant la campagne électorale, son équipe a remodelé son image pour en faire un "grand-père sympa", grâce à une très forte présence sur les réseaux sociaux.
La décision de choisir Gibran comme colistier s'est également révélée populaire, mais a aussi suscité la controverse. Il a en effet fallu une modification de la loi électorale par une commission présidée par le propre beau-frère de Jokowi pour abaisser l'âge des candidats et permettre ainsi à Gibran de se présenter.
Si Jokowi laisse un pays qui connaît une croissance stable autour de 5%, Prabowo se veut encore plus ambitieux avec un objectif élevé de 8% de croissance.
Mais son principal défi concernera la politique étrangère, selon les experts.
"Il devra gérer des tensions inévitables entre les relations économiques étendues de son pays avec la Chine et les relations de sécurité croissantes avec les États-Unis et l'Australie", selon M. Novak. [AFP]