Près de 3.000 réfugiés du Nagorny Karabakh sont jusqu'à présent entrés en Arménie, tandis qu'à quelques centaines de kilomètres de là le président turc Recep Tayyip Erdogan, dont le pays joue un rôle majeur dans cette partie du Caucase, rencontre lundi son homologue azerbaïdjanais Ilham Aliev.
"Le 25 septembre à 6 heures du matin, 2.906 personnes déplacées de force sont entrées en Arménie à partir du Nagorny Karabakh", a annoncé le gouvernement arménien dans un communiqué, soulignant que, "tout au long de la nuit, le flux des personnes déplacées de force s'est poursuivi".
- "Des jours horribles" -
Dans la ville de Goris, plus à l'ouest, le centre humanitaire installé dans les locaux du théâtre municipal ne désemplit pas depuis dimanche soir, a constaté un journaliste de l'AFP.
Toute la nuit, des réfugiés ont afflué pour se faire enregistrer, trouver une solution d'hébergement ou un transport vers d'autres régions d'Arménie.
Anabel Ghoulassian, 41 ans, originaire du village de Rev (Chalva en azeri), vient d'arriver en minibus à Goris avec cinq de ses sept enfants - les deux autres sont à Erevan, la capitale arménienne - et son mari.
Au début des combats, la semaine dernière, ils sont tous allés cherché protection dans la base russe de l'aéroport de Stepanakert, la "capitale" du Nagorny Karabakh. Mais ils s'en sont fait expulser après la première nuit et ont ensuite vécu dans un bâtiment abandonné sans toit.
"C'étaient des jours horribles, on était simplement assis les uns à côté des autres. Riches ou pauvres, tous au même endroit", a-t-elle raconté.
"La situation était vraiment terrible, alors on a appelé le chef de l'administration de notre village et demandé si on pouvait partir. Il a dit +oui mais si les Turcs (nom donné aux Azéris par la population locale) vous massacrent, on ne sera pas responsables+".
- "Nulle part où aller" -
Valentina Asrian, 54 ans, qui habitait dans la localité de Vank, s'est présentée avec ses petits-enfants, dont le dernier-né qu'elle tient chaudement dans ses bras. "Qui aurait pu croire que les Turcs entreraient dans ce village arménien historique. C'est incroyable", lance-t-elle.
"Maintenant les Turcs sont là-bas, ils logent au Titanic (un hôtel construit par un homme d'affaires local). Ils ont bombardé le village, il y a eu des blessés, le mari de ma sœur a été tué. On était dans les abris, les sous-sols de nos maisons en fait, et on a été amenés à l'aéroport le jour suivant".
Valentina dit que des cars ont été fournis pour évacuer en priorité les gens - comme elle - qui ont perdu leur maison. "Je n'ai pas de proches ici, nulle part où aller". Elle sera logée par l'Etat arménien dans un hôtel de Goris.
Les autorités du Nagorny Karabakh ont annoncé dimanche que les civils laissés sans logement en raison des dernières violences seraient transférés en Arménie avec l'aide des soldats de maintien de la paix russes, présents sur place depuis la précédente guerre de l'automne 2020 (une autre beaucoup plus meurtrière avait eu lieu de 1988 à 1994).
L'Azerbaïdjan s'est pour sa part engagé à permettre aux rebelles qui rendraient leurs armes d'aller en Arménie.
Beaucoup craignent que la population locale ne fuie massivement, au moment où les forces azerbaïdjanaises resserrent leur emprise.
Car outre l'angoisse qui règne parmi les quelque 120.000 habitants du Nagorny Karabakh, la situation humanitaire y demeure très tendue.
Encerclée par les troupes azerbaïdjanaises, sa "capitale", Stepanakert, est privée d'électricité et de carburant et sa population manque de nourriture et de médicaments, selon un correspondant de l'AFP.
- Rencontre Erdogan-Aliev -
C'est dans ce contexte que les présidents turc Erdogan et azerbaïdjanais Aliev ont prévu de se voir lundi et d'inaugurer un nouveau gazoduc et un complexe militaire azerbaïdjanais au Nakhitchevan, une petite bande de terre nichée entre l'Arménie et l'Iran et rattachée à l'Azerbaïdjan depuis 1923 mais sans continuité territoriale avec le reste de ce pays.
Cette démonstration de force turque contraste avec le retrait apparent de la Russie de la région.
Confronté à des manifestations depuis mardi, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a à cet égard adressé dimanche à la télévision un reproche implicite à Moscou pour son manque de soutien après la victoire en moins de 24 heures mercredi des militaires azerbaïdjanais contre les troupes du Nagorny Karabakh.
Malgré la situation tendue liée à la énième crise que traverse ce territoire, la réunion prévue de longue date en Espagne entre MM. Aliev et Pachinian aura toutefois bien lieu le 5 octobre, ont annoncé les autorités arméniennes. Seront aussi présents le chef de l'Etat français Emmanuel Macron, le chancelier allemand Olaf Scholz et le président du Conseil européen Charles Michel. [AFP]