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« L’article 80, on s’en plaint quand on est opposant, on l’oublie quand on arrive au pouvoir »

Vendredi 10 Février 2017

« L’article 80, on s’en plaint quand on est opposant, on l’oublie quand on arrive au pouvoir »
Par Mazid Ndiaye (coordonnateur du Réseau africain pour le développement intégré, Radi)
 
«C’est difficile de donner un niveau, parce que pour avoir une vue globale de l’ensemble du pays, ce n’est pas facile. Mais en tant que société civile, nous devons veiller à ce que les mécanismes par lesquels les gens s’expriment, gèrent leurs ressources, soient libres. Et nous, en tant que société civile, intervenir lorsqu’ils sont mis en cause.
 
Le Sénégal a un statut dans lequel la majorité des règles qui respectent les personnes humaines ont été déjà validées. Mais lorsque l’Etat les remet en cause, nous intervenons. Il se trouve que depuis plusieurs années et malgré les deux alternances, tous les opposants ont voulu que l’on enlève l’article 80 du Code pénal. Comme vous le savez, cet article permet de condamner quelqu’un sur la base d’une simple rumeur.
 
Tout ce qui peut être considéré comme troubles ou pouvant entrainer un trouble à l’ordre public peut nous emmener en prison. C’est un point faible de notre arsenal juridique. Cela concerne essentiellement les politiques. Depuis Senghor, tous les hommes politiques qui sont allés ne prison ont été victimes de cet article. Tout le monde s’en plaint lorsque nous sommes dans l’opposition, mais une fois au pouvoir, on oublie l’article 80.
 
L’autre problème qui concerne les libertés est de savoir que les partis politiques se sont battus pour la démocratie pendant plusieurs années. Le résultat actuel n’est pas un cadeau de qui que ce soit. Certains ont perdu la vue, d’autres leur travail et d’autres ont vécu dans la misère pour atteindre ce niveau de démocratie.
 
Mais c’était pour que les gens soient respectés par le pouvoir en place. Là où nous n’arrivons à progresser, c’est dans la perpétuation du dialogue. Quand on est dans l’opposition on le réclame, et une fois au pouvoir, on met tout de côté. Ils oublient que l’on a tout à gagner en dialoguant. Pourtant, s’il y a dialogue, les personnes s’écoutent et se font confiance. Mais ce n’est pas le cas ; l’on finit par voir des problèmes dans toutes les décisions et l’on devient défiant. Au bout du compte, certains se rebellent.
 
Pourtant au Sénégal, il y a un pouvoir légal qui a gagné avec 65% des suffrages. En face, nous avons aussi une opposition qui, surtout ces derniers temps, est d’un niveau très relevé avec des gens compétents et convaincus. Donc, ils sont des gens de conviction que l’on doit respecter et écouter. Bien sûr, il y a des gens qui cherchent toujours à avoir quelque chose, mais le tronc commun de l’opposition est composé de personnalités crédibles.
 
Donc, le dialogue est dans les deux camps. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Exemple avec ce code électoral non consensuel. Il faut arriver à convaincre lorsque l’on décide d’enlever un seul article. Là, on a changé le Code sans consensus et tout est remis en cause. Il faut recréer des consensus et savoir là où l’on va.
 
Niveau de la démocratie : Aujourd’hui, on est en train de juger un député parce qu’il a été agressé et il a frappé avec une balle. Pire, on ne peut même pas prouver que c’est sa balle qui a tué la personne et on veut le mettre en prison. C’est cela la démocratie ? Non ! On est tout simplement en train de cibler quelqu’un qu’on veut éliminer de la scène politique. J’ignore les véritables raisons, mais ce n’est pas démocratique de faire de telles pratiques. Il faut bien prouver que c’est lui. Si le tribunal condamne quelqu’un sans jamais prouver qu’il est coupable, on n’est plus dans la démocratie.
  
Il faut savoir que dans la démocratie, tout le monde a les mêmes droits et chacun peut prétendre à ce que l’autre veut. Mais quand il y a des camps qui ne s’écoutent pas et qui, pour atteindre leur but, considèrent que la fin justifie les moyens, on se retrouve dans une jungle. Et là, c’est la force qui prime. La force faible fera tout pour grossir et tenter de devenir une grosse force pour que le jour de l’affrontement, les dégâts soient gros de tous les côtés. Malheureusement, tous les côtés vont perdre. Alors, revenons sur terre.»
 
 
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