La Russie a instauré samedi un régime spécial "d'opération antiterroriste" dans trois régions frontalières avec l'Ukraine, au cinquième jour d'une incursion armée ukrainienne dans celle de Koursk, qui fait courir des risques à une centrale nucléaire locale, selon l'agence nucléaire russe.
"Les actions de l'armée ukrainienne constituent une menace directe" pour la centrale nucléaire de Koursk, a indiqué Rosatom dans un communiqué cité par les agences de presse russes. "Il y a un réel danger de frappes et de provocations de la part de l'armée ukrainienne", ajoute le texte.
Le chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, avait déjà appelé dans un communiqué à "une retenue maximale afin d'éviter un accident nucléaire". La mission russe dit avoir informé l'AIEA que "des fragments et des restes, vraisemblablement des morceaux de roquettes interceptées", ont été retrouvés jeudi sur le site de la centrale.
L'offensive ukrainienne a commencé mardi matin lorsque des unités de l'armée de Kiev ont traversé la frontière et pénétré dans la région de Koursk, progressant de plusieurs dizaines de kilomètres selon des analystes indépendants.
Face à cette "tentative sans précédent de déstabiliser la situation", les autorités russes ont annoncé dans la nuit de vendredi à samedi l'instauration "du régime d'opération antiterroriste" dans les régions de Koursk, Belgorod et Briansk, frontalières de l'Ukraine.
Ce régime prévoit notamment des "restrictions de circulation pour les véhicules et les piétons sur les rues, les routes" et des restrictions d'utilisation des moyens de communication.
- Renforcement de troupes bélarusses -
Samedi, le ministère de la Défense russe a dit qu'il continuait à "repousser la tentative d'incursion frontalière des forces armées ukrainiennes" dans la région de Koursk, en utilisant l'aviation et à l'artillerie.
Le ministère a publié des images censées montrer des équipages de chars tirant sur des positions ukrainiennes dans la région, ainsi qu'une frappe aérienne nocturne. Il avait assuré vendredi y avoir déployé des unités supplémentaires.
Pour sa part, sur Telegram, le ministère de la Défense du Bélarus, pays allié de Moscou mais dont l'armée ne participe pas directement aux hostilités, a annoncé renforcer ses unités dans la région de Gomel (sud), frontalière de l'Ukraine, en y déployant des troupes et des missiles supplémentaires afin de "réagir à toute possible provocation".
Igor Koutsak, le maire de la ville russe de Koursk, la capitale régionale, a lui affirmé samedi sur Telegram que son administration avait reçu plus de 16.000 demandes d'aide de personnes ayant quitté les zones frontalières de la région.
Des trains supplémentaires vers la capitale Moscou ont été mis en place pour les personnes cherchant à fuir.
Selon les autorités russes, il y a eu cinq morts et 55 blessés parmi les civils.
- Revers inattendu -
Vendredi, l'armée russe a confirmé que les soldats de Kiev avaient atteint Soudja, une cité de 5.500 habitants à une dizaine de kilomètres de la frontière et où se trouve un nœud de transit pour le gaz fournissant toujours l'Europe -Hongrie, Slovaquie- via l'Ukraine.
La progression et les effectifs des forces ukrainiennes qui participent à l'incursion ne sont pas connus, les dirigeants ukrainiens s'abstenant pour l'instant de tout commentaire.
Dans son allocution quotidienne, vendredi soir, le président ukrainien Volodymyr Zelensky semble néanmoins avoir félicité ses troupes pour ce coup d'éclat.
Il les a remerciés d'avoir rempli "efficacement" le "fond d'échange" lors des trois derniers jours, un terme employé pour désigner les soldats russes capturés pouvant être ensuite échangés contre des prisonniers ukrainiens.
Dès le début de l'incursion, des experts militaires russes avaient rapporté que des soldats russes avaient été faits prisonniers.
Cette opération sans précédent est un revers inattendu pour les Russes, qui jusque-là avaient l'initiative et gagnaient inexorablement du terrain dans l'est ukrainien face aux soldats de Kiev.
Le tableau de cette incursion dressé par des experts militaires montre une progression rapide des formations ukrainiennes, alors que, dans d'autres parties du front, le conflit s'est transformé en guerre d'usure depuis fin 2022.
Les soldats russes, plus nombreux et mieux équipés, grignotent ces dernières semaines du terrain dans la région de Donetsk et pourraient conquérir des villes importantes si cette tendance se poursuivait, estiment des analystes.
La cité industrielle de Kostiantynivka, située à à peu près 13 kilomètres du front dans cette même région, a été endeuillée vendredi par une frappe en pleine journée sur un supermarché qui a fait au moins 14 morts et 43 blessés, selon le parquet.
Les troupes russes avaient elles-mêmes ouvert, mi-mai, un nouveau front en attaquant la région ukrainienne de Kharkiv (nord-est) où elles ont été bloquées par l'armée de Kiev dans la ville de Vovtchansk, toujours en proie aux combats.
Le parquet ukrainien a indiqué samedi que trois civils avaient été tués, pendant la nuit, lors de frappes russes dans la région de Kharkiv.
L'armée ukrainienne a toutefois rapporté samedi le plus faible nombre "d'engagements" contre les forces russes depuis le 10 juin. Des analystes ont émis l'hypothèse que l'incursion en Russie permette de soulager Kiev, en obligeant Moscou à retitrer des unités dans d'autres secteurs du front. [AFP]