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La politique pour les nuls: lettre ouverte au Président de la République Française

Samedi 23 Mars 2019

Monsieur le Président de la République,
 
Vous qui aimez les titres, ça va vous plaire, je suis Normalien et agrégé de philosophie.
J’ai exercé des fonctions en cabinet ministériel au moment où vous étiez secrétaire général adjoint de l’Elysée puis Ministre de l’Economie.
 
Je ne me sens pas plus bête qu’un autre ni moins cultivé. Et « en même temps », je soutiens les Gilets Jaunes dont je me définirais, si j’étais prétentieux, un compagnon de route.
 
Leur cause est juste. Je savais, comme tout le monde, qu’il y avait un problème avec tous vos cadeaux fiscaux. J’ai découvert très récemment, dans Le Président des ultra-riches de Michel et Monique Pinçon-Charlot de quelle façon ahurissante, à coup de milliards, vous transfériez l’argent public vers les très grandes fortunes qui vous ont soutenu. Ça m’a choqué, comme disent les jeunes. Tout le monde devrait lire ce livre remarquable – à commencer par vous…
 
Je soutiens les Gilets Jaunes surtout parce qu’ils veulent mettre la démocratie en cohérence avec elle-même. Chez nous, le pouvoir n’appartient réellement qu’à vous seul. Un jour peut-être vous prendrez conscience du problème. Les samedis sanglants, les rapports d’Amnesty et les remontrances de l’ONU n’y suffisent pas—vous qui balayez d’un revers de main le référendum d’initiative citoyenne, pourtant le meilleur antidote contre la violence, à laquelle il substituerait le débat.
 
Moi aussi je m’estime cohérent en les soutenant contre tout ce qui peut diviser une Nation qui m’a permis de faire de belles études et d’avoir une carrière intéressante.
 
Donc j’en ai marre d’être régulièrement traité de débile par vous et vos porte-parole simplement parce que je suis du côté de la justice et de la cohérence. Rétablissez l’ISF, mettez en place le référendum d’initiative citoyenne et les samedis retrouveront leur tranquillité.
 
Mais si je vous écris aujourd’hui, c’est à cause d'une phrase que vous avez prononcée lors de votre rendez-vous avec des Intellectuels le 18 mars 2019 : « Je crois en des formes d’organisation du collectif. […] Je pense que les intellectuels ont cette responsabilité, car ils ont une autorité dans la société, qui est académique : ils savent plus de choses, et ils ont lu plus de livres».
 
Je trouve ça incroyable, à l’heure où des milliers de personnes qui n’ont pas cette autorité, se réunissent, organisent des discussions et des actions partout, sur les ronds-points ou dans le cadre de votre Grand Débat, d’appeler les « intellectuels » à organiser le collectif. Pardon pour eux, mais on ne les a pas attendus, et heureusement, vu le peu d’entrain qu’ils mettent à soutenir un mouvement qui a pour défaut principal à leurs yeux, semble-t-il, de ne pas placer des élites à sa tête.
 
Je trouve ça incroyable d’imaginer qu’il faille avoir lu des tonnes de livres pour pouvoir participer directement à la démocratie, ce à quoi nos concitoyennes et concitoyens aspirent.
 
Des livres, j’en ai lu plein. J’en ai même écrit. Pourtant je ne me sens supérieur à personne quand il s’agit de politique.
 
Car voilà bien le problème, Monsieur le Président de la République : vous ne savez pas ce qu’est la politique.
Vous faire élire, ça oui ! Bravo !
 
Mais la politique au sens noble, celle que réclament nos concitoyennes et concitoyens, c’est autre chose que l’art de séduire celles et ceux qui iront voter. Ce n’est pas non plus la science. C’est, précisément, ce qui échappe à la science. En démocratie, ce devrait être l’art d’énoncer et de résoudre collectivement les problèmes qui nous concernent tous.
 
Quel Intellectuel nous dira si tel impôt est juste ? Combien doit gagner un grand patron ? Une infirmière ? Si l’on doit installer ici un centre commercial qui créera de l’emploi mais abîmera la faune et la flore ? Quelle éducation nous voulons ? Ce que nous sommes prêts à faire collectivement pour lutter contre le réchauffement climatique (au lieu de mesures pesant uniquement sur une partie de la population et qui du coup ne passent pas, vous en savez quelque chose) ? Quelle culture voulons-nous ? Que voulons-nous voir sur les chaînes de télévision publique ?
 
Les livres et les Intellectuels nous aident à répondre à toutes ces questions. Mais ce n’est pas parce qu’on a beaucoup lu qu’on est plus apte à décider pour les autres de ce qui est mieux pour eux. Encore une fois, idéalement, la démocratie suppose que nous traitions tous, directement, des questions qui nous touchent tous. Elle est l’opposé de cette monarchie élective que vous cherchez à nous imposer—au risque du chaos, je ne plaisante pas.
 
Monsieur le Président de la République,
 
Dans votre livre Révolution, vous parlez de votre grand-mère, qui, enfant, vous a fait beaucoup lire. La mienne m’a avant tout donné beaucoup d’amour et un peu du bon sens qu'elle possédait énormément. Je ne l’estime pas moins légitime que la vôtre à participer à la démocratie. Ni moins que vous ou moi.
 
Vous lisiez Gide, Char, Eluard, Tournier. Lire de grands textes, je trouve pour ma part que cela rend humble. Des livres, je veux bien croire que vous en ayez lu beaucoup. Ma question est : qu’en avez-vous compris ?
 
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président de la République, l'expression de ma très haute considération.
 
Matthieu Niango, membre du mouvement A Nous la Démocratie !  
(Club de Mediapart)
 
 
 
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1.Posté par Me François JURAIN le 08/04/2019 07:34
Permettez moi de rajouter ceci à votre lettre ouverte:
MONSIEUR LE PRESIDENT,
Vous êtes jeunes (tout juste quarante ans), vus en tirez gloire: sachez que tous les vieux d'aujourd'hui étyaient les jeunes d'hier. Mais votre jeunesse vous permet elle d'avoir la moindre opinion sur les soldats de ntre armée, vous qui n'avez jamais fait votre service militaire?
Votre jeunesse vous permet elle de comprendre le moindre problème qui se pose à la retraite et aux retraités?
Permettez moi de vous narer une petite anecdote:
Comme vous, j'ai eu quarante ans, il y a déjà longtemps (j'en ai 74 aujourd'hui). Comme vous, j'ai appartenu à ce qu'il est convenu "l'élite", titre pompeux qui n'autorise en rien à se croire supérieur à qui que ce soit, mais au contraire vous oblige à partager ce que vous avez eu la chance de recevoir.
A la différence de vous, j'étais et j'ai toujours été profession libérale, appartenant à cette classe dite "moyenne". Nous étions, et c'est vrai assailli de cotisations diverses, qui grevaient lourdement l'équilibre financier de nos cabinets.
Et comme vous, j'avais cette idée que je croyais lumineuse, clamant haut et fort que la retraite, ce devrait être la même (petite) somme pour tout le monde, riche ou pauvre, et à chacun de se constituer un capital.
Après 46 ans de travail, j'ai pris ma retraite: heureusement que mes (énormes) cotisations étaient obligatoires, et que à ce jour, j'ai la chance de pouvoir disposer de confortables retraites, sans quoi, et bien, soit je serai à la rue, soit je serai à la charge de la société. J'en ai tiré deux conclusions: la première, c'est que à quarante ans, je pronais une immense connerie; la deuxième, c'est qu'il est impossible de traiter un sujet aussi important que la retraite, si l'on est pas confronté à ce problème.
Je suis certain que vous ferez preuve de la même humilité que moi à reconnaitre que à quarante ans, nous n'avons pas encore et de loin l'expérience suffisante de la vie, pour pouvoir avoir des idées "tranchées", vous, le "premier de la classe".
Et je suis également certain que, après bientôt trois années d'exercie, vous en tirerai la conclusion que l'on ne peut pas gouverner un pays, fusse t il la FRANCE à quarante ans.
Je suis donc convaincu que vous allez prendre la décision, si vous êtes honnête , ce dont je ne me permettrai pas de douter un seul instant, que fort du constat de votre inexpérience, vous allez vous retirer, gardant ainsi toutes les chances de revenir pour un deuxième mandat dans une dizaine d'années, une fois que l'expérience de la vie, combien importante, viendra compléter, voir suppléer vos connaissances livresques. Le peuple tout entier vous dira alors un grand merci.
La présidence de la république n'est pas un concours de l'ENA, cela suppose, bien sur de l'instruction -vous en avez beaucoup- du bon sens, vous en avez surement, mais il n'a pas encore eu vraiment l'occasion de se révéler - et surtout, surtout, une solide expérience de la vie: là, vous n'en avez aucune, ce dont on ne peut vous reprocher.
Veuillez agréer, MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE, l'expression de mes sentiments les plus choisis.
Me François JURAIN

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