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Le Burkina dépose la marque Faso Dan Fani, le «pagne tissé de la patrie»

Lundi 27 Mai 2019

Expression par excellence du savoir-faire traditionnel burkinabè, le Faso Dan Fani, fierté nationale, est sur le point de devenir une marque déposée. Le processus de labellisation de ce pagne tissé avec des fils de coton, engagé depuis 2018 par les autorités burkinabè pour le valoriser et le prémunir contre la contrefaçon, est arrivé à son terme.


«Le Faso Dan Fani est une marque du Burkina Faso, personne ne pourra l’arracher. Il existe de la cotonnade partout, mais le Faso Dan Fani est burkinabè et restera burkinabè pour valoriser le travail de nos braves tisseuses», a fièrement soutenu le 30 avril 2019 Harouna Kaboré, ministre de l’Artisanat, lors d’une cérémonie à Ouagadougou, au cours de laquelle le logo de la marque a été dévoilé.

Le ministère du Commerce et de l’Artisanat a amorcé en 2018 un projet de labellisation de quatre produits nationaux: le Faso Dan Fani, le chapeau de Saponé (commune à une trentaine de km au sud de Ouagadougou), le beurre de karité, ainsi que les cuirs et peaux tannés de Kaya (ville à 100 km au nord-est de Ouagadougou).
 
La protection du Faso Dan Fani, a précisé le ministère, est effectuée tant au niveau régional, auprès de l’Organisation Africaine de la propriété Intellectuelle (OAPI), qu’international. Au Burkina, des quatre produits en cours de labellisation, le Faso Dan Fani, bénéficie d’une attention particulière. Et pour cause, puisqu’il est celui qui incarne le mieux la quintessence du savoir-faire traditionnel burkinabè.
 
Le tissage du coton est une pratique multiséculaire au Burkina. Longtemps premier producteur africain, le pays qui a vu sa production régulièrement baisser ces dernières années, pour s’établir à près de 450.000 tonnes sur la campagne 2018-2019, occupe actuellement la quatrième place derrière le Bénin, le Mali et la Côte d’Ivoire. L’or blanc (production de coton) qui contribue à plus de 4% du PIB, fait vivre pas moins de quatre millions de Burkinabè. Si le Faso Dan Fani est une fierté burkinabè, la confection de ce produit 100% artisanal ne fait pas intervenir que des ingrédients 100% burkinabè. C’est le cas notamment de la teinture que les tisseuses burkinabè font souvent venir du Mali.
 
C’est dans les années 1980, à partir de l’accession au pouvoir de Thomas Sankara, que débute véritablement la valorisation du Faso Dan Fani, qui s’inscrit dans un programme national de promotion des produits locaux. Le président révolutionnaire va faire du port du pagne tissé un acte patriotique et l’expression de l’aspiration au développement d’un pays qui compte parmi les plus pauvres au monde: le Faso Dan Fani est imposé par décret aux fonctionnaires comme tenue officielle au Burkina, mais aussi à l’extérieur.
 
«Faisons en sorte également que le marché africain soit le marché des Africains: produire en Afrique, transformer en Afrique et consommer en Afrique. Produisons ce dont nous avons besoin et consommons ce que nous produisons au lieu d’importer. Le Burkina Faso est venu vous exposer ici la cotonnade produite au Burkina Faso, tissée au Burkina Faso, cousue au Burkina Faso, pour habiller les Burkinabè. Ma délégation et moi-même nous sommes habillés par nos tisserands, nos paysans. Il n’y a pas un seul fil qui vienne de l’Europe ou de l’Amérique», avait déclaré le 29 juillet 1987 Thomas Sankara lors d’un discours prononcé à la 25e Conférence au sommet des pays membres de l’OUA, l’actuelle Union Africaine.
 
Après l’assassinat de Thomas Sankara le 15 octobre 1987, son successeur, Blaise Compaoré, met fin à l’obligation du port du Faso Dan Fani, qui continue toutefois de bénéficier d’une vitrine internationale intéressante au Salon International de l’Artisanat de Ouagadougou (SIAO).
 
En novembre 2017, l’ex-Premier Paul Kaba Thiéba va signer un arrêté qui remet au goût du jour le port du Faso Dan Fani lors de cérémonies officielles conduites par le Président, le Premier ministre ou les ministres.
 
«Dans le cadre de la promotion de l’identité culturelle, le port du Faso Dan Fani par les autorités politiques est encouragé lors des cérémonies officielles ou des manifestations d’envergure nationale», dispose l’article 1 de l’arrêté.
 
De même, l’arrêté ajoute que «les commandes publiques des structures de l’État à l’occasion des cérémonies officielles ou des manifestations d’envergure nationale donnant lieu à l’utilisation de tissus, portent prioritairement sur le Faso Dan Fani».  
 
La qualité du matériau et sa finition font du Faso Dan Fani un produit qui parvient à s’exporter dans la sous-région ouest-africaine et dans le monde, selon Nadège Balima, une commerçante burkinabè interrogée à Abidjan.
 
«L’artisanat burkinabè peut se permettre de rêver plus grand grâce au Faso Dan Fani», soutient la jeune femme au micro de Sputnik.
 
Installée en Côte d'Ivoire depuis un an et demi, cette commerçante vend en ligne du pagne tissé qu’elle importe, en partenariat avec des artisans du Burkina.
 
«Cette labellisation est importante pour notre culture. Surtout que le produit est de plus en plus populaire, ça nous assure qu’il reste le nôtre et que n’importe qui ne puisse pas en faire. Comme son nom l’indique, Faso Dan Fani signifie le pagne tissé de la patrie. Et cette patrie, c’est le Burkina. Une fois que ce n’est plus produit au Burkina, ce n’est plus du Faso Dan Fani», insiste Nadège Balima.
 
Le succès du Faso Dan Fani ne manque pas d’attirer les convoitises. Le produit est notamment victime de contrefaçons de la part d’entreprises chinoises. Interrogé par Sputnik, Hamidou Bamogo, vendeur du pagne patriotique depuis plus d’une décennie au grand marché de Ouagadougou, explique qu’il lui est «même parfois difficile de faire la distinction entre l’original et la copie», tant la contrefaçon est de plus en plus élaborée.
 
Le 15 avril 2019, le ministère du Commerce et de l’Artisanat est intervenu pour démentir une information relayée sur les réseaux sociaux selon laquelle une firme chinoise avait introduit auprès de l’OAPI une demande de protection du label Faso Dan Fani.
 
«La labellisation va nous permettre de pouvoir authentifier le véritable Faso Dan Fani et éviter ainsi les copies qui font tomber la valeur du pagne et, ce faisant, casse le marché», renchérit Nadège Balima. (Sputnik)
 
 
 
 
 
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