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Le complotisme électoral, profondément enraciné dans la campagne américaine

Lundi 4 Mars 2024

Lors des primaires américaines mardi, Joanna Francescut aura des agents de sécurité pour surveiller la porte arrière de son bureau de vote. La faute aux vives tensions qui entourent désormais les élections dans cette région campagnarde du nord de la Californie.

 

Il y a deux ans, des hommes en colère ont fait irruption dans ce bâtiment du comté de Shasta, pour contester les résultats d'un scrutin local. Une conséquence du complotisme qui imprègne cette région, où les élus veulent se débarrasser des machines chargées de compter les voix.

 

"C'est une attaque contre le processus" électoral, s'alarme cette fonctionnaire, en poste depuis 16 ans. "C'est dur parfois et c'est décourageant."

 

Historiquement conservateur, ce coin rural est devenu le miroir des forces qui fracturent l'Amérique, depuis que Donald Trump martèle à tort que l'élection de 2020 lui a été volée.

 

Sondage après sondage, la majorité des électeurs républicains du pays continuent de considérer Joe Biden comme un président illégitime.

 

Dans le comté de Shasta, Donald Trump l'a largement battu, avec 65% des voix.

 

Mais l'an dernier, les nouveaux élus républicains ont quand même voté pour arrêter d'utiliser les machines de l'entreprise Dominion, visées par de nombreuses théories du complot.

 

Partisans du mensonge trumpiste, ils ont également invité des complotistes venus de tout le pays à dérouler leurs thèses lors de réunions publiques.

 

Les habitants de Redding, le chef-lieu du comté, vivent ainsi dans une atmosphère de suspicion généralisée. Beaucoup croient dur comme fer à des "manipulations informatiques" et décrivent les appareils comme des "boîtes noires", capables d'être "piratées" en secret.

 

"Donald Trump a gagné malgré la triche contre lui dans le comté de Shasta", croit savoir Laura Hobbs, mère au foyer.

 

- Défiance -

 

Ici, la cinquantaine de tribunaux américains ayant conclu à l'absence de fraude électorale en 2020 n'a pas d'importance. Pas plus que la procédure intentée par le fabricant de machines Dominion afin de laver son honneur, qui a forcé la chaîne Fox News à lui verser 787,5 millions de dollars pour s'éviter un embarrassant procès en diffamation.

 

Les élus veulent absolument en finir avec les machines et compter toutes les voix à la main. Un projet rejeté par l'Etat californien, qui a adopté une loi excluant le décompte manuel des scrutins avec plus de 1.000 électeurs.

 

Le doute s'enracine un peu partout aux Etats-Unis: un comté rural d'Arizona a récemment aussi tenté d'abandonner ses machines électorales.

 

Cette défiance désole Mme Francescut: son équipe compte déjà manuellement une petite partie des bulletins à chaque élection, pour vérifier que les appareils fonctionnent correctement, conformément à la loi.

 

"C'est essentiel de faire les deux", rappelle-t-elle à l'AFP. "On ne peut pas compter uniquement sur les machines, ni sur le comptage manuel."

 

Après cette passe d'armes, le comté de Shasta a été forcé d'acheter de nouvelles machines, produites par une autre entreprise.

 

Les républicains locaux dénoncent un "excès de pouvoir" de l'Etat californien et envisagent d'autres recours.
 

"Ce n'est que le début", prévient Patrick Jones, figure centrale de la majorité locale. "Nous ne nous arrêterons pas tant que nous n'aurons pas des élections intègres."

 

- Crainte de violences -

 

A Redding, de nombreux habitants s'attendent à voir Donald Trump écraser sa rivale Nikki Haley mardi.

 

Mais plus que l'élection nationale, c'est le scrutin local qui déchaîne les passions. Avec une question: les trumpistes anti-machines vont-ils se maintenir au pouvoir ?

 

M. Jones menace déjà de refuser le verdict des urnes si l'équipe n'est pas réélue - comme Donald Trump lorsqu'il était en fin de mandat à la Maison Blanche.

 

"La triche continue. (...) Je ne pourrai pas certifier des résultats frauduleux", assène cet armurier, qui porte en permanence un pistolet sanglé à la cheville.

 

Dans son ranch, Mary Rickert a du mal à reconnaître cette région où elle élève ses vaches depuis cinq décennies.

 

A 71 ans, elle est l'une des rares élues républicaines à s'être opposée au projet d'abandon des machines. Une position qui lui vaut l'opprobre des trumpistes.

 

"S'ils ne conservent pas leur poste, (...) il va y avoir beaucoup de remous", craint-elle, consciente que le comté abrite une milice locale, et est l'un des endroits qui délivre le plus de permis de ports d'armes en Californie. "Nous pourrions même avoir besoin de la Garde Nationale."

 

Après avoir voté deux fois pour Trump, cette catholique jure qu'on ne l'y reprendra plus. Tout comme une frange non négligeable de l'électorat républicain aux Etats-Unis, dont les choix auront un impact décisif sur la présidentielle en novembre.

 

"Nous allons être un parti très fracturé à l'avenir et je ne pense pas que nous serons très efficaces", regrette-t-elle. [AFP]

 
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