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Lettre ouverte à Coumba Gawlo SECK

Mercredi 13 Septembre 2017

Autant l’avouer d’emblée, je suis amoureux. Je suis, depuis de nombreuses années, amoureux, d’une femme sénégalaise. Elle est belle, elle chante divinement bien, elle mène très adroitement sa vie publique en protégeant sa vie privée, et bien sûr, je la soupçonnais d’être très intelligente. Hier, j’ai pu constater que non seulement cette femme était intelligente, mais qu’elle portait en elle, l’espoir de tout un peuple, parce qu’elle avait un but, et faisait preuve d’une foi  inébranlable.
 
Aussi, qu’elle ne fut pas ma surprise, hier, en regardant mon émission préférée sur SENTV, « L’ESSENTIEL » à 18h45, émission elle-même présentée par une autre femme qui a toute mon admiration, journaliste très professionnelle, (…) de voir LA femme. J’ai nommé Madame Coumba Gawlo SECK (…).
 
Tiens, me disais-je, Coumba Gawlo a sorti un nouveau disque, une nouvelle chanson. J’avais tout faux. Madame était venue, en toute simplicité, profitant de l’aura dont elle bénéficie ici, au Sénégal, en tant que chanteuse au succès fou, pousser un cri d’alarme, attirer l’attention de tous les Sénégalais et Sénégalaises sur un drame qui est en train de se produire en Birmanie, pays dirigé par une junte militaire cynique et sans scrupule, ou la corruption, le déni des droits de l’hommes - et de la femme - règnent en maître ; en gros, une dictature pure et dure dont le seul but est d’exterminer tout ce qui ne leur convient pas, et tout ce qui gène leurs différentes actions de corruption massive.
 
Madame, permettez-moi de vous dire simplement que je vous admire. Admirer votre beauté, c’est facile et vous l’entendez plusieurs fois par jour. Admirer votre talent, il suffit d’assister à vos concerts pour se rendre compte de l’attachement de vos fans. Mais hier soir, sans le vouloir car ce n’était pas votre but, vous n’aviez rien à gagner et beaucoup à perdre dans votre intervention.
 
Avec des mots simples mais précis, percutants, vous êtes venue dire que, en Birmanie, pays dont certainement 80% des Sénégalais ne savent pas où cela se trouve, moi-même confessant avoir du mal à situer ce pays sur une mappemonde ; en Birmanie, par la volonté d’un fou sanguinaire, on était tranquillement en train d’exterminer, c'est-à-dire de tuer, jusqu’au dernier, des hommes et des femmes dont le seul crime, le seul délit, était d’être musulman, et de vivre leur foi entre eux.
 
Représentent-ils un danger pour le pays ? Bien sur que non, ils ne demandent qu’à vivre, à étudier, à exercer un métier, tranquillement, dans leur pays, sans chercher à représenter  une force politique qui pourrait constituer un danger quelconque pour les bouchers sanguinaires qui dirigent ce pays. Non, cette minorité n’a qu’un but, vivre normalement sa foi, dans leur religion, l’islam, qui n’est en rien extrémiste.
 
J’ai aimé vos propos, Madame , j’ai aimé votre façon d’expliquer clairement les choses, j’ai aimé la manière dont vous avez « recadré » poliment mais fermement l’imam présent, en lui précisant si besoin était que l’on ne répond pas à la violence par la violence, qu’une vie humaine est une vie humaine, et que personne n’a droit de mort sur personne. Puisse votre cri d’alarme être entendu. Je le souhaite, mais malheureusement, j’en doute. Et pourtant, comme il faut  toujours trouver la petite lueur d’espoir, souvent grosse comme une tête d’épingle, dans toute situation négative, sans le savoir, je pense que vous allez représenter un immense espoir pour tous les Africains qui en sont dépourvus à ce jour.
 
Le rôle que vous avez tenu, Madame, hier, est noble et admirable. Mais avant vous, à votre place, il était du devoir d’un des responsables politiques de venir expliquer ce qui se passe, venir dire que, en tant que Président de la République d’un pays démocratique, après ce que l’Afrique avait vécu dans l’horreur, avec l’esclavage, la colonisation, il n’était pas acceptable, il n’était pas supportable, qu’une minorité musulmane (mais cela change-t-il quelque chose, ce pourrait être une minorité catholique ou copte) fasse l’objet d’une extermination, d’une « épuration ethnique ».
 
J’aurai apprécié que le Président de la République lui-même en personne vienne tenir vos propos et s’engage à ameuter tous les pays d’Afrique, et d’Israël, fils et filles de ceux qui ont connu la déportation et l’extermination, que tous ceux qui ont un poids dans ce monde de fous dans lequel nous vivons aujourd’hui viennent nous expliquer que « PLUS JAMAIS CA » avait un sens, et que la responsabilité des politiques  était  de tout faire pour empêcher cela. J’aurai  applaudi des deux mains, si, à votre place, ou à vos côtés, une star « interplanétaire » de la chanson dont je suis également fan, proche, très proche du pouvoir, était venu tenir les mêmes propos. Mais tous ces gens là ne sont pas venus. Pas le temps, certainement, et puis,  politiquement parlant, est-ce que cela représente réellement un intérêt pour eux?
 
Où sont les politiques Français (ou autres), qui n’hésitaient pas à faire le voyage pour se faire photographier avec le prix Nobel de la paix, assignée en résidence en Birmanie, toujours par les mêmes bouchers sanguinaires, et qui manifestement sont passés au stade supérieur si l’on s’en tient aux dernières déclarations de cette dernière, qui manifestement l’ont été sous la contrainte et la torture ? Oui Monsieur Juppé, vous étiez bien content de vous faire photographier avec elle, quand cela vous servait dans le cadre de la dernière élection présidentielle : avez-vous oublié de ne serait-ce que « renvoyer l’ascenseur ? » Vous ne faites plus de politique, d’accord, mais les morts, eux, continuent de mourir sous les coups, les injustices et la folie meurtrière…
 
Mais malheureusement, Madame, quelles que soient les forces que vous déployez, je doute que votre talent et votre charme puissent faire quelque chose pour cette malheureuse communauté, et leur sort semble bien compromis. Parce que votre principal ennemie, Madame, porte un nom : elle s’appelle L’INDIFFERENCE. Sauf que, et vous l’avez justement rappelé dans votre intervention, votre cri s’adresse également à toutes les minorités, quelles qu’elles soient : RDC, Burkina Faso, Cameroun,  Congo… Tiens, là, ça se rapproche, et plus on se rapproche, moins on est indifférent ; une frontière, c’est vite passé…
 
Les dictateurs Africains ont du souci à se faire : Togo, en ce moment. Les peuples, quand ils n’ont plus rien à perdre, se révoltent. C’est l’éternel recommencement de l’histoire, depuis que le monde est monde, et tant que le monde sera monde. Jules César l’avait bien compris : « qu’on leur donne du pain, du vin, et des jeux »…
 
Dommage que la chaine de solidarité qui existe entre les chefs d’Etats pour garantir à tout dictateur évincé du pouvoir sous la pression d’un peuple en révolte, l’impunité et une vie dorée leur permettant de jouir tranquillement des fortunes amassées au fil du temps sur le dos de leur peuple, ne soit pas mise au service d’une bonne cause, de la bonne cause, à savoir le bien-être de tout un peuple.
 
Mais par votre intervention, hier, Madame, vous avez montré la voie. Vous avez par des mots simples et justes, prouvé que les politiques de n’importe quel  bord qu’ils soient, n’étaient pas à la hauteur des grandes causes. Vous avez redonné confiance et espoir à tout un peuple, tous les peuples, à tous ceux qui attendent, qui espèrent. Le résultat n’est certainement pas celui que vous attendiez, mais sans le savoir, il dépasse, et de bien loin et pour longtemps le simple et triste sort de la communauté birmane, victime de ces infamies. En cela, Madame, je vous dis merci. J’ai confiance. Je sais que plus le temps passera, vous serez toujours aussi belle, que votre talent n’ira qu’en grandissant, et surtout, surtout, que vous serez toujours là pour défendre les grandes causes de ce pays où nous sommes si bien et que nous aimons tant.
 
Les combats à venir sont nombreux : lutte contre la polygamie, contre l’excision, les mariages forcés, redonner à la femme toute sa place et sa dignité, toutes leur chance aux filles de ce pays,  au sein de la société sénégalaise, porter à la magistrature suprême un Homme d’Etat et non un homme politique. Le chantier est colossal, puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de faire rentrer (enfin) tout un peuple, le peuple sénégalais, dans le 21e siècle, non pas avec des trains, des autoroutes ou des aéroports, mais en transformant l’esprit et la conscience de tout un peuple,   en lui redonnant l’espoir et l’accès à une vie quotidienne meilleure.
 
Tout cela passe par une politique sociale cohérente à laquelle aucun gouvernement ne pourra échapper, tout cela nécessite beaucoup d’explication, de travail, de consensus, au delà même de tout clivage politique. En un mot, ramener la politique à son sens noble, sacré, et étymologique : les choses de la vie. Les choses qui concernent la vie de tout être humain, de tout un peuple, qui a le droit, après avoir attendu 60 ans sans rien voir venir, de vivre dans son siècle, avec son siècle. Surtout que le Peuple sénégalais, sans être dépourvu d’ambition, n’est vraiment pas très exigeant.
 
Sans le savoir, Madame, et sans le vouloir car je vous sais étrangère à la politique politicienne, vous avez, par votre intervention d’hier, ouvert une voie. Fasse le ciel que vous continuiez.
 
Les femmes sénégalaises attendent beaucoup de vous. Je sais que leur espoir ne sera pas déçu.
Merci pour elles.
 
Me François JURAIN
 
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