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Maame, peut-être, avez-vous raison mais nous aussi, nous surtout, n’avons-nous pas le droit d’être éclairés sur les 49 milliards du PRODAC ? »[1]

Jeudi 4 Mai 2023

Le chroniqueur politique et social Mody Niang
Le chroniqueur politique et social Mody Niang
 
Devant la journaliste Aïssatou Diop Fall qui l’invitait souvent à son émission, Maame Mbaye Niang a porté de graves accusations sur Idrissa Seck. Je reproduis ici fidèlement les propos qu’il a tenus, avec cette assurance et ce courage qu’il donne toujours l’impression d’avoir. Les voici :
 
« Idrissa a oublié que c’est lui qui coupait les arbres de Thiès à 500.000 francs l’unité. Il a oublié que c’est à lui qu’Abdoulaye Wade avait donné quarante-six (46) milliards dont il a limité l’utilisation à la voie de contournement de Thiès – tu en es témoin. Il a oublié qu’il a dix-neuf comptes bancaires en France et c’est ici, à cette émission, que nous en avons déjà parlé et jusqu’ici il ne l’a pas nié. »
 
Et la journaliste de le relancer : « N’est-il pas étonnant qu’il n’ait pas jusqu’ici démenti ? » Comme très content de la question, Maame répond : « Il ne peut pas parce qu’il sait que nous avons rendu publics les numéros de compte des chèques et ceux par lesquels il avait payé. J’allais continuer quand notre kilifa (notre dirigeant, le président) nous a dit d’arrêter et d’aller travailler. Aujourd’hui, il a recommencé et nous allons en finir avec l’histoire. Il a menti. Il s’est livré à des actes de pillage (de deniers publics sûrement) et a fait preuve d’indignité pour accéder au pouvoir. Il a même tenté, après l’utilisation de l’argent, de sacrifier une vie humaine pour y arriver. »
 
Notre journaliste, surprise, de presque crier : « Bakanu nit, une vie humaine ! » Maame enchaîne : « J’y reviendrai, parce que moi, je suis sûr de ce que j’avance ; je n’accuse jamais gratuitement. J’affirme que c’est lui qui a volé l’argent des Sénégalais. Celui qui l’en a accusé est sur une autre liste, je reviendrai sur leurs relations. C’est lui, Idrissa Seck, qui avait dit qu’Abdoulaye Wade était son père et qu’il pouvait, à tout moment, l’égorger comme un mouton. Donc, il s’est renié puisque, aujourd’hui leurs chemins sont séparés et ils sont sur deux listes différentes. C’est encore lui, toujours lui, qui avait affirmé qu’il ne cheminerait plus avec Abdoulaye Wade ; aujourd’hui, ils sont ensemble. C’est lui qui avait reconnu détenir l’argent des Sénégalais et s’engageait à le restituer quand Abdoulaye Wade aura quitté le pouvoir et c’est ici, à votre radio, qu’il avait formellement pris cet engagement. Abdoulaye Wade a aujourd’hui quitté le pouvoir. A-t-il restitué l’argent qu’on l’accusait d’avoir volé, comme il s’y était engagé ? »
 
Et il poursuit : « Connais-tu une quelconque profession à Idrissa Seck ? » La journaliste répond qu’il est consultant. Et Maame de poser lui aussi une question : « Consultant en quoi ? » « En tout rek, en beaucoup de choses », répond la journaliste, pas tout à fait sûre d’elle. Maame, ne la laissant même pas respirer, lui lance : « Non, non, disons-nous la vérité ! Consultant, c’est trop facile. Quelle est la profession d’Idrissa Seck ? » « C’est un financier », répond certainement sans conviction notre journaliste. « Financier où, et de quelle école serait-il diplômé », reprend sèchement celui qui a juré, avec son mentor, leur coalition et un certain procureur, d’éliminer par tous les moyens Ousmane Sonko de la course vers l’élection présidentielle du 25 février 2024. La pauvre journaliste tente de répondre et il ne lui en laisse pas le temps et poursuit : «  Tu ne lui connais aucun autre métier que ministre du Commerce, directeur de cabinet, Premier ministre. » Et pourtant, continue-t-il sa charge sans complaisance, « depuis dix ans qu’il a quitté le pouvoir, Idrissa Seck loge à l’Hôtel Saint-James de Paris, un hôtel où la nuitée est à 1000 euros, soit 135.000 francs CFA, pour quelqu’un qui n’a aucun métier. » C’est lui qui précise bien 135.000.
 
« Il a des amis, des amis qui l’aident », a tenté d’expliquer Aïssatou Diop Fall. Maame Mbaye l’arrête net et lui lance encore « Disons-nous la vérité, n’essayons pas de nous tromper les uns les autres ! C’est cet homme qui dit aujourd’hui que nous sommes des corrompus. Celui-là qui nous accuse aujourd’hui de corruption, avait une femme qui lui était très proche et qui est morte d’une banale maladie en deux jours. » Aïssatou veut dire un mot et il la coupe : « Écoute-moi ! Je suis sûr de ce que je dis. S’il  se hasarde à démentir rek, je rends publiques les preuves. Á la mort de cette dame, son argent est allé rejoindre celui d’Idrissa en Amérique : quatorze millions de dollars. Cet individu a-t-il droit à la parole ? »
 
Notre journaliste, naturellement ébahie, lui dit : « Mame Mbaye, li nga wax rëy na di ! » En français : « Mame Mbaye, ce que tu as dit est gravissime. » Maame, ne lui laissant même pas le temps de revenir de sa surprise, en ajoute aux poils du mouton : « Je l’assume. S’il ose démentir, dès après-demain, je rends public le transfert d’argent, le code de transfert. » « Waaw, d’où détiens-tu les preuves de toutes ces gravités que tu révèles au grand jour ? », se demande tout naturellement notre Aïssatou Diop Fall nationale.« Qu’il démente ! », répond-il sèchement et de poursuivre : « Il ne peut pas être au quotidien dans des actes, des pratiques que ni Dieu ni son Prophète (PSL) n’agréent, et qui ne sont donc pas conformes à la religion ni, par ailleurs à la loi, et continuer de dénigrer les gens ! Il a fait se volatiliser quarante-six milliards à Thiès et celui qui lui demandait d’en rendre compte est là : il s’appelle Abdoulaye Wade. Celui-là peut-il continuer de nous traiter d’incompétents ? Cet individu-là, que va-t-il proposer aux Sénégalais s’il est élu député ? Idrissa n’est pas un exemple pour les jeunes ? Tu ne peux quand même pas prétendre diriger un pays alors que tu es malhonnête . . . . . »
 
Et c’est exactement là que la vidéo a été arrêtée. Je rappelle que je n’ai rien inventé. J’ai rapporté exactement, mot pour mot, les graves accusations de Mame Mbaye Niang contre Idrissa Seck. Je rappelle qu’au début de l’émission, il confortait ses accusations en précisant qu’un autre avant lui s’y était publiquement employé. Il pensait probablement à Samuel Sarr. En effet, ce dernier, dans une interview au quotidien Libération du 25 juin 2016, réagissait vigoureusement, suite à la position d’Idrissa Seck par rapport à la grâce accordée alors à Karim Wade. Il s’exprimait en ces termes sans équivoque : «J’ai entendu Idrissa SECK s’en prendre violemment à cette mesure qu’il a qualifiée de deal international. Permettez-moi de lui répondre et écrivez exactement ce que je vais vous dire. Idrissa SECK est un affabulateur international. Il ment. Il parle de deal, c’est lui le dealer. C’est lui aussi le voleur. Il a volé 74 milliards de FCFA dans un compte qu’il a manipulé avant de le clôturer. Je pèse bien mes mots». Et très en verve, celui qui se considérait comme un wadiste invétéré, son ancien conseiller financier, ajoutait pour confondre encore plus celui qui se proclame aujourd’hui, contre toute attente, chef de l’opposition et déclare sa candidature à la prochaine présidentielle : « Il a volé 74 milliards de F CFA avant de fermer le compte bancaire. Il sait très bien que je sais et il sait très bien pourquoi il a été viré de son poste de Premier ministre. S’il est devenu fou, frustré de ne pas être le 4ème président du Sénégal, nous sommes plus fous que lui. »
 
Devant des accusations graves, très graves de part et d’autre, et portant sur des deniers publics, le procureur de la République n’a pas levé le plus petit doigt, du moins pas à ma connaissance. Tous les deux, Maame comme Samuel, parlent du magot, du « butin » qui oppose le « père » et le « fils » depuis les années 2004-2005 et qui a fait l’objet de ce fameux « Protocole de Reubeusse », dont personne ne peut douter aujourd’hui de l’existence. Personne, y compris en particulier nos magistrats et hauts gradés de nos forces dites de défense et de sécurité. Dans ma contribution «‘’Protocole de Reubeusse’’ : nous sommes tous coupables », publiée à WalfQuotidien des 10 et 11 janvier 2020 et à un nombre indéterminé de sites, j’ai développé des arguments que personne ne peut contester, souvent en citant des témoins privilégiés, à commencer par le président Abdoulaye Wade. J’invite mes compatriotes qui voudraient en avoir le cœur à s’y reporter. Ce « Protocole de Reubeusse », l’un des plus gros scandales qui ont jalonné la gouvernance meurtrie des Wade, laisse malheureusement indifférents bien des Sénégalaises et des Sénégalais et, en particulier nos magistrats. Oui nos magistrats ou, du moins, certains d’entre eux.
 
Pour revenir à nos deux accusateurs Maame et Samuel, ils accusent trop facilement et s’oublient. Le premier poursuit avec grand bruit sa plainte-bidon contre Ousmane Sonko, comme pour nous faire oublier les 49 milliards du Prodac. Le Prodac a été créé quand même en 2014, par décret 2014-498 du 10 avril 2014 et doté, disait-on alors, d’un budget de 29 milliards. Dans un livre crucifiant Maame Mbaye Niang mais qui l’a laissé curieusement silencieux comme une carpe, Birahim Seck du Forum civil porte le budget à 36 milliards. Le petit enseignant que je suis va plus loin, en le portant à 49 milliards, en me fondant sur le message à la Nation du 31 décembre 2015 du président-politicien. Il y annonçait notamment : « Parallèlement, la mise en œuvre du Programme des Domaines agricoles communautaires (PRODAC) se poursuit. Les DAC de Séfa, Itato, Keur Samba Kane et Keur Momar Sarr, mobilisent déjà 177 Groupements de producteurs ; 2.555 hectares sont mis en valeur et plus de 7000 emplois créés. Pour 2016, 20 milliards additionnels seront investis dans le PRODAC pour pérenniser ses activités toute l’année ». Un budget additionnel, selon la compréhension du petit enseignant, c’est un budget qui s’ajoute au budget initial.
 
Un budget de quarante-neuf (49) milliards, pour créer en cinq ans 300.000 emplois, grâce à « la création de pôles de compétitivités économiques et d’aménagements structurants permettant la mise en valeur de grands domaines allant de 1000 à 5000 hectares ». Nous sommes en 2023, donc neuf ans après, et on ne nous parle que des quatre DAC cités dans le message du président-politicien. Des DAC qui ne le seraient en réalité que de nom. Monsieur Thierno Alassane Sall en a visité un et nous l’a décrit, dans sa page Facebook, je crois, dans sa triste réalité. Les autres ne se portent certainement pas mieux.
 
Waaw, ne sommes-nous pas fondés à nous poser des questions, notamment celles-ci : où sont passés nos 49 milliards ? Combien de DAC ont-ils été réellement créés et, parmi ceux-ci, combien fonctionnent-ils normalement aujourd’hui ? Aujourd’hui, combien d’emplois ont-ils été créés ?  Que reste-t-il des 49 milliards ? Maame Mbaye Niang, pas seulement toi, Monsieur le président-politicien, messieurs les hauts responsables des forces dites de défense et de sécurité, messieurs les magistrats du Siège comme du Parquet, du moins certains d’entre vous, la réponse à ces questions ne nous importe-t-il vraiment plus que ces deux plaintes-bidons qui planent au-dessus de la tête du pauvre Ousmane Sonko ? Des dossiers infiniment plus graves, qui mettent gravement en cause des dizaines d’hommes et de femmes gravitant autour du président-politicien ne sont-ils pas en train de dormir depuis de longues années et tranquillement là où tout le monde sait ? Là où tout le monde sait, c’est-à-dire sur la table du président-politicien comme sur celles du procureur de la République et de quelques-uns de ses collègues du siège ?
 
Nous n’oublions pas le second accusateur, Samuel Sarr, dont le nom est cité dans nombre de scandales, aussi graves les uns que les autres, notamment quand il était Directeur général de la Senelec, puis ministre de l’Énergie du temps du vieux président-politicien. Je m’arrête seulement un peu sur le Rapport public sur l’État de la gouvernance et de la Reddition des Comptes de juillet 2013 de l’Inspection générale d’État (IGE). Si vous lisez les cinq pages (116-220), vous êtes indignés par les actes de brigandage que l’IGE a mis en évidence dans ses investigations. Ainsi, en agrégeant les différents manques à gagner, pertes et autres surcoûts, le rapport de l’IGE estime le préjudice globalement subi par la Société africaine de Raffinage (SAR), pour la seule importation OLINDA[[2]]url:#_ftn2 , « au moins à neuf milliards sept-cent-quatre-vingt-seize millions sept cent soixante-neuf mille soixante-dix-sept (9 796 769 077) francs CFA ». Il relève aussi « la forte présomption de collusion d’intérêts avec le fournisseur APL au préjudice de la SAR, avec la complicité de l’ancien Ministre de l’Energie et de l’ancien Directeur général de la (Société) ». Et, pour ces forfaits cumulés, « l’IGE (proposait) l’ouverture d’une information judiciaire à l’encontre de l’ancien Ministre de l’Énergie et de l’ancien Directeur général de la SAR ». Ce mis en cause vaque aujourd’hui tranquillement à ses occupations et est à la tête, ou est en tout cas des principaux responsables d’une grosse entreprise à plusieurs centaines de milliards
 
Voilà où nous en sommes avec ce Sénégal du président-politicien. Aujourd’hui, si telle était leur volonté, les Maame Mbaye Niang, Samuel Sarr, Abdoulaye Baldé, Oumar Sarr, Cheikh Oumar Ane, Ciré Dia, Abdoulaye Diouf Sarr, Mamour Diallo, Mansour Faye et de nombreux autres pourraient être candidats sans problème, à la prochaine élection présidentielle. Le président-politicien le serait, le sera probablement, malgré toutes les évidences qui s’y opposent. Pendant ce temps, pour les beaux yeux (prétextes) d’un Maame Mbaye Niang ou de cette jeune dame ou demoiselle, le pauvre Ousmane Sonko risque d’être purement et simplement éliminé de la course. Ce serait vraiment facile, trop facile, injuste, très injuste et, partant, carrément insoutenable pour les centaines de milliers, voire les millions d’hommes et femmes qui croient fermement en lui et en son projet. Si insoutenable qu’ils ne laisseront sûrement pas faire, et ils seront dans leur bon droit.
 
Dakar, le 3 mai 2023
Mody Niang
 
 
 
 
[[1]]url:#_ftnref1 Peut-être, a-t-il raison sur les accusations gravissimes contre Idrissa Seck qu’il développe devant Aïssatou Diop Fall et non par rapport à sa plainte-bidon.
[[2]]url:#_ftnref2 Cargaison à bord de laquelle le pétrole était importé du Nigéria auprès du fournisseur privilégié sur tous les autres – et pour cause –, Arcadia Petroleum Limited (APL).
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