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NDIAGA SYLLA (EXPERT ELECTORAL) - «La refonte du fichier s’impose»

Mardi 6 Septembre 2016

NDIAGA SYLLA (EXPERT ELECTORAL) - «La refonte du fichier s’impose»
Pour cet ancien responsable de l’Alliance Jëf-Jël membre de la société civile, il existe plusieurs arguments techniques qui militent en faveur d’une refonte pure et simple du fichier électoral si l’on veut booster le taux de participations aux législatives de 2017 et à la présidentielle de 2019.
 
Peut-on parler de la pertinence d’une refonte du fichier électoral ?
Plus de dix années après la refonte totale du fichier électoral instituée par la loi 2004-32 du 25 août 2004,  le Gouvernement du Sénégal projette d’opérer une refonte partielle dans la perspective de fusionner la carte nationale d’identité (CNI) avec la carte d’électeur (CE). Certes cette initiative qui découle de l’application de la directive de la CEDEAO relative à l’institution d’une carte d’identité biométrique à puce CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) est motivée par un besoin de renforcer la sécurité des personnes et des biens dans cet espace communautaire. Mais elle devrait aussi permettre la simplification de notre processus électoral dont les procédures sont jugées trop lourdes par nombre d’acteurs et d’observateurs. Ainsi les concertations engagées au sein de la Commission Technique de Revue du Code électoral (CTRCE) sous l’égide du Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Publique devraient-elles être le passage incontournable pour résoudre l’équation que pose la nécessité de moderniser le système électoral et l’impératif de respecter le calendrier républicain. Le fichier électoral constitue la base de données qui reflète toutes les listes électorales. En tant que substrat du processus électoral, il doit être fiable (crédible) et viable (durable).
 
Ce fichier est-il fiable ?
Pour rappel, le fichier électoral actuel a été constitué en 2005-2006. Il contient près de cinq (5) millions d’électeurs et a été édifié sur la base de la biométrie et du croisement avec le fichier des cartes nationales d’identité. En dépit des contestations qui ont émaillé le fichier durant la période électorale de 2007, sa fiabilité a été finalement attestée par la Mission d’Audit du Fichier électoral (MAFE) réalisé avec le concours de l’Union européenne (UE), de l’Ambassade des États-Unis d’Amérique et de l’Ambassade de la République d’Allemagne en 2010-2011. Toutefois,  sa viabilité est remise en question suite à de nombreux aléas. Nonobstant la révision ordinaire opérée annuellement et la révision exceptionnelle prévue en année électorale, la viabilité du fichier électoral est toujours mise à rude épreuve à cause de la persistance du stock mort.
 
Faut-il radier autant de personnes sous le prétexte qu’il existe un stock mort ?
Il importe de s’accorder sur le stock mort qui, en l’espèce, peut être défini comme étant la quantité d’électeurs subsistant dans le fichier électoral alors qu’ils ne devraient pas y être. Il s’agit des électeurs décédés, des personnes déchues de leurs droits civiques et politiques ainsi que des mineurs indûment inscrits sur les listes électorales. D’autres électeurs figurent légalement dans le fichier électoral et ne sont pas en situation d’accomplir leur vote. On peut classer, dans cette catégorie, les personnes déplacées, les malades ou certains détenus, les électeurs ayant perdu leurs cartes d’identité ou d’électeur. Ces derniers représentent ce que je qualifie de «stock dormant».  Le fichier électoral, constitué il y a dix ans et n’ayant pas fait l’objet de refonte partielle, comporte une part considérable de personnes décédées représentant en moyenne 5,7 ‰ par année (30 000/an).
 
N’existe-t-il pas des contraintes majeures ?
Les contraintes liées à la gestion de l’état civil, en particulier, la non déclaration des décès en milieu rural ainsi que l’absence d’interface entre la Direction de l’Automatisation des Fichiers (DAF) et les centres d’état civil, rendent inopérante les procédures de radiation des électeurs décédés. Il est rare d’atteindre 200 demandes de radiation au cours des révisions ordinaires successives des listes électorales. Sous ce rapport, l’on pourrait bien admettre les projections faites par la Mission d’Audit du Fichier électoral (MAFE), à partir des enquêtes de terrain, qu’en 2015/2016 au moment où la majorité des cartes d’électeur établies lors de la refonte ne seront plus valables, le fichier comptera environ 300 000 défunts.
 
En vérité, est-ce qu’une refonte du fichier s’impose ?
Le stock mort et le stock dormant seraient estimés à prés de deux (2) millions d’électeurs inscrits si on y ajoute les 183.386 électeurs dûment inscrits sur les listes électorales depuis 2015 et qui n’ont pu accomplir leur vote lors du référendum du fait que leurs cartes d’électeur n’ont pas été délivrées à temps. Ce chiffre comporte : les personnes déplacées sans modifier leur inscription, 1,8% /an (990 000), les cartes non retirées après les élections locales (303 342), les décès, 30 000 inscrits/an (300 000), les électeurs ayant perdu leur carte, 5% environ (285 454). Ce qui représente au total 2 062 182 électeurs. Retenons que la DAF a pu identifier 55 000 cartes d’électeurs décédés. Admettons même que 100 000 électeurs soient radiés. Il resterait : 2 062 182 –100 000 = 1 962 182 électeurs. Ainsi 5 709 090 (électeurs officiels) –1 962 182 (stock-mort) = 3 747 908 (Fichier Réel). Faisons le rapport suivant les résultats définitifs du dernier référendum: 2 184 311 (votants) X 100 /3 747 908 (fichier réel)  = 58,28% (taux réel de participation). Ce raisonnement m’avait amené au lendemain du référendum à la conclusion qu’il serait difficile avec l’actuel fichier électoral d’atteindre 50% de taux de participation lors de la prochaine élection présidentielle, encore moins aux législatives. Par conséquent, la refonte du fichier s’impose!

 
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