Afin de mieux contrôler les flux financiers en Afrique subsaharienne où le niveau de bancarisation est très faible, et la pénétration du mobile banking fulgurante, la Banque Mondiale a financé le module d’inclusion financière du projet « A l’écoute du Sénégal », une enquête menée par l’agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd). Dans le rapport définitif 2016 de cette enquête, il ressort que les Sénégalais se sont fait une religion dans leurs relations avec les institutions financières avec qui ils évitent très souvent de faire des affaires...
Par El Hadji Cheikh Anta SECK
Dans le cadre du projet « A l’écoute du Sénégal » intégralement financé par la Banque Mondiale, l’agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd) a produit une série d’enquête modulaire mensuelle dont celle intitulée « Inclusion financière ».
Suite aux lenteurs constatées dans le cadre de la bancarisation des populations d’Afrique subsaharienne avec seulement un taux de 24% enregistrées dans une institution financière, des recherches ont exposé plusieurs facteurs conjugués. C’est ainsi que la crainte de ne pas disposer d’assez d’argent pour ouvrir un compte, le taux élevé des frais de tenue de compte ou même la conjoncture économique et sociale, ont favorisé la montée en puissance du mobile banking.
C’est dans ce sens que, pour appréhender ce phénomène, du 19 juillet au 08 août 2016, le module « inclusion financière » a été entamé et a concerné une population de 1337 ménages sur 1500 prévus, soit un taux de 89,10%.
Il ressort de cette étude que les populations sont plus enclines à ouvrir un compte dans une institution d’opérateur téléphonique. Au total, ils sont 13,4% à avoir un compte dans le cadre du mobile banking. Et ce taux varie selon le lieu de résidence : 22,7% dans la zone urbaine dakaroise, 15,2% dans les zones urbaines des régions de l’intérieur et 7,4% dans les zones rurales.
Du côté des institutions de microfinances, c’est un taux de 12,1% qui y est enregistré avec une forte attraction à Dakar. Sur le territoire national, le cumul des taux de bancarisation enregistré dans les institutions de microfinance est de 20,6%.
Les banques classiques, elles, occupent la troisième place de cette étude avec un taux de 8,4%. Et dans le détail, c’est toujours Dakar qui est en tête avec 11,9%, 10,7 pour les autres villes et 5,4 dans le monde rural.
« Nous notons aussi que le taux d’inclusion financière des personnes âgées de 18 ans et plus disposant d’un compte au niveau d’une banque, d’une institution de microfinance, de la poste ou dans une entreprise de téléphonie mobile, est de 29,4%.En excluant ceux ayant un compte au sein des banques classiques, le taux d’inclusion serait estimé à 20,5% » a renseigné le rapport.
Motivations des souscripteurs
L’enquête s’est également penchée sur les raisons avancées par les uns et les autres pour justifier leur choix d’avoir un compte dans une institution donnée. A cet égard, trois types de justificatifs ont été avancés.
Dans un premier temps, ce sont des motivations professionnelles qui sont avancées. Ils sont 6 personnes sur un total de 10 soit un pourcentage de 59,6% à avoir défendu ce choix au plan national. « C’est en milieu urbain que cette pratique est plus rencontrée avec 66,2% pour Dakar urbain, 68,6% dans les autres villes urbaines et 44,9% de personnes qui réalisent une transaction à l’aide de leur compte », a informé l’Ansd.
Ensuite, les bénéficiaires évoquent l’aspect professionnel pour un taux de 16,9%. Bizarrement c’est dans les milieux ruraux que cette motivation est plus courue. « Cette situation est plus observée en milieu rural 25,9%, qu’en milieu urbain, 15,4% dans les autres villes urbaines et 10,5% à Dakar urbain », a révélé le rapport.
Enfin, du côté des bénéficiaires alliant l’aspect professionnel et l’aspect personnel et qui représentent un taux de 23,5%, la proportion est de 23,3% à Dakar urbain, 16,0% dans les autres villes et 23,5% en milieu rural.
Le manque d’argent : la raison principale de la non souscription
D’un autre côté, les enquêteurs ont essayé d’en savoir un peu plus sur les raisons défendues par les autres, plus précisément ceux qui n’ont pas ouvert de compte dans une institution financière, quelle qu’elle soit.
« Interrogées sur les causes de la non disposition d’un compte dans une institution financière, 9 personnes enquêtées sur 10 (91%) ont déclaré le «manque d’argent» comme principale cause de non utilisation de services financiers, notamment en milieu rural (93,3%) et dans les autres zones urbaines (90,5%) sans compter ceux qui ont évoqué les frais de tenue de compte assez élevés au niveau des institutions financières (3,3%) », indique le rapport.
Les procédés d’épargne et d’emprunt des populations
Selon le rapport, les populations sont confrontées à des difficultés pour épargner de l’argent. Même si certaines d’entre elles usent de cela pour parer éventuellement aux imprévus ou effectuer des dépenses ultérieures, il ressort que la thésaurisation est le procédé le plus utilisé par les populations.
«En effet, 34,5% et 29,9% des personnes enquêtées ont respectivement déclarées avoir épargné de l’argent dans «un club d’épargne informel (tontine, cagnotte, etc.)» et «à la maison» au cours des 12 mois précédent l’enquête. L’épargne dans une institution financière demeure relativement faible, même si à Dakar urbain une personne sur cinq (21,7%) a épargné dans une « institution financière (banque, une banque mutualiste, coopérative).»
S’agissant des détails sur les motifs d’épargne, plus de la moitié des personnes enquêtées (54,6%) ont déclaré avoir épargné pour de futures dépenses en éducation, mariage, achat important, intrants agricoles et vieillesse sur la même période. Pour 66,1%, c’est ce même motif qui prévaut pour se prémunir de situation d’urgence ou de période de difficulté financière.
D’autre part, la sollicitation des institutions financières pour emprunter de l’argent reste très faible. « Les personnes ayant déclaré avoir emprunté de l’argent dans une banque, une mutuelle ou une coopérative sont estimées à 3,2%, celles qui sollicitent les institutions de microfinance à 6,1% et celles qui s’adressent à des entreprises de téléphonie à 0,7%.
C’est davantage entre membres d’une même famille, entre amis ou entre collègues que l’emprunt est plus fréquent avec un taux de 46,6%. L’autre méthode consiste à se rapprocher du magasin ou de la boutique du coin pour emprunter ou bien acheter à crédit avec un mode de paiement par moratoire.
« L’argent emprunté va servir principalement pour l’achat de la nourriture (58,9%), pour une urgence (35,6%) et pour une raison de santé (17,9%). L’emprunt de l’argent pour monter une affaire est déclaré par 1 ménage sur 10, et ce quel que soit le milieu de résidence », a signalé le rapport. A Dakar, par contre, il est fréquent de contracter un emprunt pour payer des frais de scolarité, soit 11,2%, ou pour acheter du crédit téléphonique, soit 12,1%. (El Hadji Cheikh Anta SECK)