Emmanuel Macron et Ali Bongo à Libreville le 2 mars 2023
"L'âge de la Françafrique est révolu" et la France est désormais un "interlocuteur neutre" sur le continent, a déclaré jeudi Emmanuel Macron au Gabon où il participe à un sommet sur la protection des forêts tropicales, au commencement d'une tournée de quatre jours dans la région.
Lors de cette première étape d'une tournée de quatre jours en Afrique centrale, le président français a illustré, dans le cadre verdoyant de l'ambassade de France au Gabon, sa nouvelle stratégie africaine pour les quatre ans à venir, déclinée depuis Paris en début de semaine.
Il avait prôné lundi dans son discours "l'humilité" et encouragé un nouveau partenariat "équilibré" et "responsable" avec les pays africains, ainsi qu'une réduction de la présence militaire française, concentrée depuis dix ans sur la lutte contre le jihadisme au Sahel.
Ces dernières années, la France s'est efforcée de rompre avec la "Françafrique", ses pratiques opaques et ses réseaux d'influence hérités du colonialisme. Mais sur le continent, on reproche toujours à Emmanuel Macron de poursuivre ses rencontres avec des dirigeants africains jugés autoritaires.
Il participe cet après-midi à des échanges avec des ONG, des scientifiques, et une dizaine de chefs d'états de la sous-région, réunit dans le cadre d'un événement baptisé One Forest Summit, et consacré à la protection des forêts tropicales. La journée se conclura par les discours du président français et de son homologue gabonais Ali Bongo Ondimba.
"On fait beaucoup de sommets souvent loin des pays les plus concernés où on dit tous qu'on va mettre des milliards d'euros. Je l'ai fait aussi ce sport, et quand on va dans les pays concernés on nous demande ou sont les millions d'euros qui ne sont toujours pas arrivés", a déclaré M. Macron dans son propos liminaire.
- Aires protégées -
Le chef de l'Etat français s'est rendu jeudi matin dans la forêt primaire de l'Arboretum Raponda Walker, l'une des aires protégées du littoral gabonais au nord de Libreville, où il a arpenté une forêt primaire et goûté au passage de la noix de cola.
"C'est comme de la caféine pour les étudiants", lui a raconté le ministre des Eaux et forêts
gabonais, Lee White, qui l'accompagnait.
"J'ai parfois le sentiment que les mentalités n'évoluent pas au même rythme que nous quand je lis, j'entends, je vois qu'on prête encore à la France des intentions qu'elle n'a pas, qu'elle n'a plus", a lancé M. Macron devant la communauté française du Gabon après sa visite en forêt.
Le One Forest Summit, qui a débuté mercredi, est destiné à trouver des "solutions concrètes" pour la conservation des forêts, la protection du climat et des espèces dans un contexte de dérèglement climatique. Une réunion qui n'aura "pas pour objectif de faire adopter de nouvelles déclarations politiques", ont souligné par avance les organisateurs.
Ils précisent qu'il aura vocation à appliquer les objectifs de l'Accord de Paris sur le climat (2015), qui vise la neutralité carbone en 2050, et de la COP15 de Montréal sur la biodiversité (2022) tendant à sanctuariser 30% de la planète d'ici à 2030 (terres, océans).
D'autres chefs d'Etats dont Denis Sassou-Nguesso (Congo-Brazzaville), Faustin Archange Touadéra (Centrafrique), Mahamat Idriss Déby Itno (Tchad) ou encore Teodoro Obiang Nguema Mbasogo (Guinée équatoriale) sont également présents.
- Influence décroissante -
La venue d'Emmanuel Macron a été décriée par une partie de l'opposition politique et de la société civile gabonaises, qui l'accusent de venir "adouber" Ali Bongo, réélu dans des conditions controversées en 2016 et qui sera probablement candidat à sa réélection cette année.
M. Bongo avait succédé à son père, Omar Bongo Ondimba, après la mort de ce pilier de la Françafrique qui avait dirigé le pays pendant 41 ans.
C'est le 18è déplacement d'Emmanuel Macron en Afrique depuis le début de son premier quinquennat en 2017, où l'influence et la présence française sont de plus en plus remises en question.
Depuis 2022, l'armée française a été poussée hors du Mali et du Burkina Faso par les juntes au pouvoir dans ces deux pays. Mardi, au lendemain du discours de M. Macron sur l'Afrique, le Burkina a également dénoncé un accord d'assistance militaire signé avec la France en 1961, l'année d'après l'indépendance du pays, auparavant colonie française.
Après le Gabon, le président français se rendra en Angola où il signera un accord visant à y développer la filière agricole. Il fera ensuite une brève escale à Brazzaville, où Denis Sassou Nguesso dirige d'une main de fer le Congo depuis près de 40 ans. Une rencontre qui risque là encore d'apparaître à contre-courant de son discours de lundi.
Il conclura cette tournée par un déplacement en République démocratique du Congo (RDC), ex-colonie belge mais aussi plus grand pays francophone du monde, où le président Félix Tshisekedi, au pouvoir depuis janvier 2019, se prépare à une échéance électorale cette année. (AFP)