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« Pour qui nous prend-il, Serigne Mbacké Ndiaye ? »

Vendredi 27 Décembre 2024

Le chroniqueur Mody Niang
Le chroniqueur Mody Niang

Oui, pour qui nous prend-il ? Pour qui nous prend-t-il vraiment ce Serigne Mbacké Ndiaye ? On doit légitimement se poser cette question. Nous croit-il vraiment amnésiques au point de vouloir nous faire croire ce qu’il raconte à DND/TV ? Dans l’interview qu’il a accordée à ce média, interview  reprise par Senego, il évoque les efforts de médiation de Madiambal Diagne en faveur d’Ousmane Sonko. Médiation pour le sortir de  cette affaire dite de Sweet Beauty. Oui, le lecteur a bien lu. Je ne m’attarderai pas sur cette affaire de « viols répétés » et « menaces de mort » « avec armes à feux », donc avec au moins deux armes. Pour gagner du temps, écoutons Serigne Mbacké Ndiaye ou, plus exactement, lisons ces « révélations » (traduites) devant la journaliste du média : 

 

« J’ai la preuve que Madiambal Diagne faisait partie des hommes qui œuvraient pour que Ousmane n’ait aucun problème dans cette affaire, tout comme Macky Sall. Ils cherchaient à résoudre l’affaire Sweet Beauty à l’amiable. C’est dans cette salle que j’ai rencontré Ousmane Sonko. Avant son arrivée, j’ai appelé Madiambal, qui m’a assuré qu’il ferait tout pour régler ce problème rapidement. Il m’a aussi conseillé d’appeler le Président Macky Sall pour l’informer. J’ai suivi son conseil et Macky Sall m’a dit la même chose. Madiambal faisait partie des premiers à être informés de l’affaire d’Adji Sarr. » 

 

Et ce n’est pas tout. Il rappelle un autre appel important, celui en direction du Ministre de la justice de l’époque, Me Malick Sall. Et il précise, en ces termes : 

 

« Lors d’un conseil des ministres en vidéoconférence, Me Malick Sall a informé le Président de l’affaire. C’est à ce moment-là que Macky Sall a appris la nouvelle, alors que Madiambal en avait connaissance bien plus tôt et pensait à faire taire la rumeur. » 

 

Je ne me suis pas contenté de lire ces « révélations » écrites sur la page du site. J’ai préféré l’écouter directement parler, à partir d’une vidéo qui suivait le texte écrit. Voilà ce qu’il disait et que je traduis fidèlement :

 

« Pour rappel, l’affaire a eu lieu un mardi. On était en période de Covid. En ce moment, ils étaient en conseil de ministres, en vidéoconférence. Le Ministre de la Justice de l’époque, Malick Sall appelle le président de la République pour l’informer de la plainte. » Le Président arrête le Conseil, poursuit Serigne Mbacké Ndiaye, et lance en direction du ministre Sall : « Je vous avais dit d’enterrer cette affaire ! ». Cette affaire était un autre dossier, précisa toujours M. Ndiaye. Même précision que fit le ministre de la justice non sans ajouter, en direction du président-politicien, qu’il s’agit d’un tout nouveau dossier.

 

Serigne Mbacké Ndiaye poursuit ses « révélations » : « En ce moment, Madiambal était déjà au courant du dossier et faisait des démarches pour que le dossier n’aille pas plus loin. Donc celui-là, si on l’accuse de faire partie d’un complot, on lui porte terriblement préjudice. Macky Sall non plus, ne pouvait pas être en cause. Dès qu’il a été informé de l’affaire, il a instruit d’enterrer le dossier et donné la même instruction aux membres de son parti de ne pas en parler. ». Et, avec regret ou faisant semblant, il ajoute : « Donc, si on en arrive là où sont les relations entre Ousmane Sonko et Madiambal Diagne, cela me fait mal. »

 

Serigne Mbacké continue en laissant imaginer ce qu’on pourrait considérer comme ses véritables intentions. Ainsi rappelle-t-il : « Plus de dix fois, j’en ai parlé avec lui (Madiambal) et il connaît mes relations avec Sonko qui est mon petit-fils, sa mère étant ma nièce ». L’affaire devient plus claire. Et il insiste en répétant : « Je suis allé le voir à plusieurs reprises mais l’affaire continue d’occuper l’actualité (et) les gens de Pastef sont au courant, tu peux demander à Imam Dramé, je lui en ai parlé plusieurs fois » Et, malheureusement pour lui, regrette-t-il, les choses n’ont pas changé malgré ses efforts, ce qui lui fait mal, très mal.

 

La journaliste le suivait avec patience et attention et, quand il a fini, lui posa cette pertinente question : « Mais comment comprendre alors l’acharnement de Madiambal Diagne contre Ousmane Sonko ? Car, si on considère les publications de Madiambal, il ramène toujours l’affaire sur Adj Sarr. » Là, l’illustre médiateur a beaucoup hésité, avant de donner péniblement une réponse qui laissait la journaliste sur sa faim. Pouvait-il en être autrement ? La journaliste faisait allusion aux fameux « Lundis de Madiambal Diagne » sur lesquels je reviendrai.

 

Voilà donc, pour ce qui est de l’interview de Serigne Mbacké Ndiaye à DND/TV, interview qui soulève beaucoup de questions. Oui, beaucoup de questions.

 

Á quel titre jouait-t-il ce rôle de médiateur ? Qu’il ait eu des relations suivies avec un Madiambal Diagne, cela pourrait se comprendre. Mais, avec le président-politicien, cela pose problème. On aurait compris s’il avait une base politique, ou s’il était une personnalité avec une certaine influence sur des électeurs potentiels, ce sur quoi ne cracherait sûrement pas le président-politicien. Mais, était-ce vraiment le cas ? Je laisse le soin au lecteur et à la lectrice d’apprécier. Ce Madiambal fait partie, selon lui, des premiers à être informé de cette affaire dite de Sweet Beauty, bien avant le président-politicien comme son ministre Malick Sall. C’est Madiambal d’ailleurs qui lui a demandé d’appeler le président-politicien pour l’en informer. Ces deux-là devaient être vraiment proches de lui.

 

Le président-politicien présidait quand même un conseil de ministres en vidéoconférence, puisqu’on était en pleine période de la Covid19, avec ses nombreux morts et malades mal en point en traitement dans les différents hôpitaux et autres centres de santé. C’est ce moment particulièrement sensible que le ministre Malick Sall choisit pour l’appeler afin de l’informer de la fameuse plainte. Contre toute attente, il interrompt le conseil et interpelle Malick Sall en ces termes : « Je vous avais dit d’enterrer cette affaire ! ». Et le pauvre Malick Sall de répondre : « Mais, il s’agit d’un autre dossier ! » Je n’ai rien inventé, j’ai rapporté fidèlement les propos de Serigne Mbacké pendant la fameuse interview qui peut nous donner une idée de cette manière dont nous avons été gouvernés pendant douze longues années, avec ce président-politicien à la tête de notre pauvre pays.

 

Un président de la République qu’un citoyen ordinaire puis, plus gravement un ministre de la République appellent en plein conseil de ministres en vidéoconférence, pour l’informer d’une plainte opposant deux citoyens dans une affaire strictement privée ! Ce président qui interrompt ce conseil et qui s’étonne qu’une affaire dont il avait demandé l’enterrement revienne en surface ! Le ministre le rassure alors en lui précisant qu’il s’agit d’un autre dossier. D’abord, ce n’est pas la première fois qu’il décide de l’enterrement d’un dossier. Il en a enterré bien d’autres, sous le nez et la barbe des juges – si je peux me permettre de m’exprimer ainsi. Plus gravement, ici, il interrompt un important conseil de ministres pour une affaire strictement privée ! De quoi je me mêle ?

 

« Pour qui nous prend-il, Serigne Mbacké Ndiaye ? » Tel est le titre de ce texte que je n’ai pas choisi par hasard. Je rappelle un passage de son interview : En ce moment, Madiambal était déjà au courant du dossier et faisait des démarches pour que le dossier n’aille pas plus loin. Donc celui-là, si on l’accuse de faire partie d’un complot, on lui porte terriblement préjudice. Macky Sall non plus, ne pouvait pas être en cause. Dès qu’il a été informé de l’affaire, il a instruit d’enterrer le dossier et donné la même instruction à son parti de ne pas en parler ». Madiambal Diagne faire des démarches pour que le dossier de Sweet Beauty n’aille pas plus loin ! Macky Sall qui instruit de l’enterrer dès qu’il en a été informé et qui interdit aux membres de son parti de ne pas en parler !

 

De quel Macky Sall, de quel Madiambal Diagne, de quel dossier est-il question ici ? On n’oublie quand même pas que très tôt, et sans gêne, que ce « sauveur » d’Ousmane Sonko a déclaré publiquement qu’il réduirait l’opposition à sa plus simple expression et ne tarda pas à mettre en application ce choix indigne de sa fonction pendant tout le temps que ses deux mandats ont duré. Khalifa Ababacar Sall et Karim Wade en ont fait les frais. Il a voulu en faire autant avec le très dangereux candidat potentiel Ousmane Sonko, en commençant par le radier de façon manifestement illégale de la Fonction publique. Malheureusement, cette fois, la tâche s’est avérée beaucoup plus rude. Il a alors, pendant trois ans au moins, au su et vu de tout le monde, mobilisé tout l’État du Sénégal, en s’appuyant sur ses forces de défense et de sécurité, certains de ses magistrats, ses autorités administratives et ses hauts fonctionnaires impliqués dans le processus électoral.  On connaît tout ce que ce choix nous a coûté. Il a quand même atteint partiellement son objectif : Ousmane Sonko a été éliminé, mais il lui a suffi de désigner un candidat, à une dizaine de jours de l’élection présidentielle, pour qu’il fût élu confortablement, et dès le premier tour.

 

Le président-politicien s’est appuyé aussi sur des gens comme Moustapha Diakhaté, Cheikh Yérim Seck et davantage sur Madiambal Diagne dont la haine sourde contre Ousmane Sonko n’échappe à personne, pas même à Serigne Mbacké Ndiaye qui veut pourtant nous faire croire que ce dernier a tout mis en œuvre pour enterrer l’affaire de Sweet Beauty. Pour qui nous prend-il celui-là ? Rappelons-lui que, sur un plateau de télévision, Madiambal Diagne a tenu des propos dont il ne mesurait certainement pas la gravité. Il a dit exactement qu’il compte d’excellentes relations parmi les kilifa de Touba et principalement, ceux d’entre eux qui sont le plus proches du Khalife général. C’était quelque temps après l’élection présidentielle du 25 février 2019. Il révèle avoir un entretien avec le porte-parole du Khalife, Serigne Bassirou Abdou Khadre. Ce dernier lui demande ce qu’il pense du Sénégal d’après cette élection. Voici ce qu’il répond, en parlant de son ennemi à mort, Ousmane Sonko qu’il traite d’abord de salafiste : « Xale bi dey, kuko bayi wul xel, bu yéenem age, da na nasaxal Tuuba. » Traduite en français, cette gravissime déclaration donne : « Nous devons prêter beaucoup d’attention à ce garçon car, si jamais il arrive à ses fins, c’est par Touba qu’il commencera ses destructions ». Sa haine le rend vraiment fou. Avec quels moyens Ousmane Sonko peut-il détruire Touba, la ville de Serigne Touba Khadim Rassoul ? Il serait alors bien plus fort que les colons français.

 

En réalité, son objectif connu, de lui comme de son acolyte Macky Sall, c’était d’éloigner de son ennemi – Ousmane Sonko mu sell mi –  les populations de Touba comme du reste du Pays. Malheureusement, eux et leurs autres acolytes se rendront rapidement compte que, malgré leurs sordides manœuvres, le garçon drainait de plus en plus de monde derrière lui. Il fallait penser alors à une autre manœuvre, à une autre stratégie. Ce sera la plainte pour « viols répétés avec armes à feux et menaces de mort ». Je rappelle que Serigne Mbacké Ndiaye avait « révélé » que le président-politicien avait donné pour instruction d’enterrer l’affaire et que les militants de son parti n’en parlent pas. Tout  le contraire de ce qui s’est passé. S’appuyant sur une certaine presse, les militants de l’APR comme de Bennoo Bokk Yaakaar traitaient Ousmane Sonko de tous les péchés d’Israël, pour montrer qu’il était loin d’être sell, d’être pur. Et cela, de façon quotidienne.

 

On se rappelle que Madiambal Diagne avait donné le ton, annoncé la couleur et sonné la charge dans son «Lundi » du 15 mars 2021. « L’ami », celui que l’on présentait comme le bras armé du couple présidentiel n’y avait pas ménagé la cible privilégiée, l’ennemi à abattre coûte que coûte et par tous les moyens, et l’avait alors copieusement chargé. On pouvait lire ainsi dans ce fameux «Lundi » : 

 

« (…) Des personnes sont arrêtées et détenues pour avoir participé aux actions subversives. Il semble moralement inacceptable que les exécutants paient seuls, alors que le commanditaire, l’instigateur, le donneur d’ordres, Ousmane Sonko, clairement identifié, soit épargné par le glaive de la justice. La seule chose qui pouvait arriver à Ousmane Sonko était d’être traduit en justice pour ces faits et de lui faire application de la rigueur de la loi pénale. Mais il semble acquis que rien ne lui arrivera de ce point de vue et qu’il pourra continuer à se calfeutrer dans sa maison, avec sa famille, et donner des mots d’ordre que vont exécuter à la lettre des hordes de militants. » 

 

On sent la haine, une haine sourde à travers tous ses mots et expressions. Ainsi donc pour lui, Ousmane Sonko est manifestement coupable et le glaive de la justice devrait lui tomber lourdement dessus. Mais il craignait que peut-être rien ne lui arrive et, pour le bras armé du couple présidentiel, il fallait alors envisager un autre moyen qui est tout trouvé dans le même « Lundi » du 15 mars 2021. Voici comment il développe le moyen, la stratégie : 

 

« (…) Au terme de son instruction, le juge Samba Sall pourrait décider d’un non-lieu, s’il trouvait les charges insuffisantes et une telle décision laisserait la latitude aux parties d’user de leurs droits de recours judiciaires. Á l’inverse, il pourrait décider du renvoi devant le Tribunal correctionnel. La perspective d’un procès public semble être fortement redoutée par Ousmane Sonko qui manifestement ne souhaiterait pas voir étaler sur la place publique le récit de ses contacts intimes avec la dame Adji Sarr dans cette sorte de lupanar qu’est le salon ’’Sweet Beauté’’. Aussi, certaines fuites dans la presse de l’audition par le juge d’instruction de la dame Adji Sarr révèlent des faits et actes sexuels qui ne manqueraient pas d’avoir un impact on ne peut plus négatif sur la moralité de Ousmane Sonko, qui a quelque part travaillé à asseoir une image immaculée de ‘’musulman modèle’’. On peut se demander si certaines révélations circonstanciées devant le public ne terniraient pas l’image de ce leader politique, plus que ne le ferait une condamnation pénale. Même s’il sortait d’un procès avec une relaxe, Ousmane Sonko n’y laisserait pas moins de grosses éclaboussures sur sa réputation ». 

 

Voilà l’objectif qu’il visait, lui comme le président-politicien et ses sbires qui, tous et toutes, souhaitaient éliminer Ousmane Sonko par tous les moyens, y compris des plus dégueulasses. Serigne Mbacké Ndiaye veut nous convaincre du contraire. S’il est sincère dans cet objectif, il est naïf et je ne crois pas qu’il le soit. Il ne l’est sûrement pas. Souhaite-t-il s’approcher d’Ousmane Sonko qu’il présente aujourd’hui comme son petit-fils ? En tout cas, pour ce qui me concerne, je comprends autre chose dans leur précipitation, Madiambal, Malick Sall et lui. Pourquoi cette précipitation à informer le président-politicien de la fameuse plainte, d’une affaire privée opposant deux citoyens sénégalais, pendant qu’il était en conseil des ministres en vidéoconférence, du fait de la Covid19 que nous vivions ? Tout cela pour protéger Ousmane Sonko ! Quand même ! Ma conviction est qu’ils étaient plutôt pressés de l’informer de l’affaire, comme possibilité trouvée d’en finir avec ce Ousmane Sonko qui les empêchait presque de dormir. Serigne Mbacké Ndiaye doit trouver un autre moyen de se rapprocher de son « petit-fils », celui utilisé ici se retournant plutôt contre eux.

Dakar, le 26 décembre 2024

Mody Niang

 
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