Les millions de personnes pauvres, qui bénéficiaient de cette aide, devront demander un «chèque d’inclusion», conçu pour être plus difficile à obtenir.
Le gouvernement italien a supprimé lundi le «revenu de citoyenneté», une aide bénéficiant à des millions de personnes pauvres, remplacé par un «chèque d’inclusion» au périmètre plus limité, une décision qualifiée de «provocation» par l’opposition et les syndicats.
L’exécutif ultra-conservateur dirigé par Giorgia Meloni a aussi voté un assouplissement des embauches en contrat à durée déterminée et l’exonération des cotisations patronales pendant un an pour les entreprises recrutant un allocataire du «chèque d’inclusion» en contrat à durée indéterminée ou en tant qu’apprenti.
L’objectif affiché est de stimuler l’emploi et d’inciter les jeunes à trouver du travail dans la 3e économie de la zone euro où le taux de chômage des 15-24 (22,4% en février) est près de trois fois supérieur à la moyenne nationale (8%).
5,4 milliards d’euros
Pour ses défenseurs, le «revenu de citoyenneté» est un amortisseur social qui a fait ses preuves dans les régions du Sud frappées par la précarité, tandis que pour le gouvernement il est onéreux (huit milliards d’euros en 2022) et maintient ses allocataires hors de la vie active.
Les services de Giorgia Meloni n’ont pas publié le texte définitif mais ses grandes lignes ont fuité dans la presse.
Dès le 1er janvier 2024, «le revenu de citoyenneté» sera remplacé par un «chèque d’inclusion» pour un coût de 5,4 milliards d’euros par an.
Alors que le «revenu de citoyenneté» était destiné à toute personne justifiant de revenus très modestes – y compris les jeunes -, le «chèque d’inclusion» sera réservé aux familles composées de personnes présentant un handicap, de mineurs ou de plus de 60 ans.
«Nous réformons le revenu de citoyenneté pour faire la différence entre ceux qui sont capables de travailler et ceux qui ne le sont pas», a justifié Mme Meloni.
Exonérations de charges
Le gouvernement fait néanmoins valoir qu’il propose des exonérations de charges pour l’embauche de moins de 30 ans.
Le «chèque d’inclusion» sera plafonné à 500 euros par mois (630 euros pour les foyers comptant des personnes de plus de 67 ans ou présentant un grave handicap), auxquels s’ajouteront 280 euros pour les foyers non-propriétaires de leur logement. D’une durée de 18 mois, il pourra être renouvelé pour un an après une carence d’un mois.
Le gouvernement a en outre annoncé la mise en place d’un «instrument d’accès à l’activité» professionnelle: pour les personnes aptes à l’emploi, la participation à des formations ou des «projets utiles à la collectivité» devient obligatoire à partir de septembre, moyennant une indemnité de 350 euros par mois maximum pendant un an. Le coût pour l’État est estimé à 2,1 milliards d’euros en 2024.
«Provocation»
Selon l’Institut italien de la statistique (Istat), le «revenu de citoyenneté» introduit en 2019 par le gouvernement Cinq Étoiles a permis de sortir un million de personnes de la pauvreté même si environ la moitié des personnes pauvres ne le perçoivent pas, soit parce qu’elles n’y sont pas éligibles (moins de 10 ans de résidence sur le territoire), soit parce qu’elles n’en ont pas fait la demande.
En 2022, il a bénéficié à 1,6 million de foyers représentant près de quatre millions de personnes, principalement dans le sud du pays, pour une allocation moyenne de 550 euros, selon l’organisme de sécurité sociale INPS.
Opposition et syndicats ont vertement critiqué le gouvernement pour avoir convoqué un Conseil des ministres sur ces sujets précisément un 1er mai, «une provocation», selon l’ancien président de la Chambre des députés Roberto Fico.
«Honorer les travailleurs»
«Un gouvernement sérieux ne se réunit par le 1er mai pour condamner les jeunes à la précarité à vie, annihilant leur rêve d’avoir un logement et des enfants. Il se réunit pour introduire un salaire minimum légal», a de son côté condamné l’ancien premier ministre Cinq Étoiles Giuseppe Conte.
Pour le journal La Repubblica, en «rompant avec le calendrier séculaire de la gauche, Giorgia Meloni a voulu démythifier, désacraliser le 1er mai» et «contester aux syndicats l’hégémonie sociale sur le monde du travail».
Mme Meloni a, elle, défendu dans un communiqué «au contraire un beau signal et un privilège d’honorer les travailleurs en ce jour de fête et d’apporter les réponses qu’ils attendent».
Des milliers de personnes ont manifesté dans tout le pays lundi, de Turin à Rome, où des œufs ont été lancés sur un édifice gouvernemental, tandis que la principale manifestation des grandes confédérations syndicales italiennes (Cgil, Cisl, Uil) s’est tenue à Potenza (Sud). (AFP)