Ousman Sonko, ancien ministre de l’Intérieur de la Gambie, a été condamné à 20 ans de prison pour crimes contre l’humanité. La sentence a été prononcée ce 15 mai 2024 par la Chambre pénale du Tribunal pénal fédéral suisse. Les chefs d’homicide volontaire, de torture et de séquestration ont été considérés chacun comme crime contre l’humanité. Cette peine privative de liberté est assortie d’une « expulsion judiciaire de 12 ans » du condamné du territoire suisse et d’un versement d’indemnité aux requérants « pour les souffrances morales qu’ils ont subies. » Toutefois, le temps passé en détention par Ousman Sonko sera pris en compte.
C’est le plus haut fonctionnaire du régime de l’ex-président Yahya Jammeh à avoir été traduit devant la justice et condamné sur la base de la compétence universelle, rapporte un communiqué de presse de l’institution judiciaire helvétique reçu par IMPACT.SN.
Selon le Parquet fédéral suisse, Ousman Sonko a commis « divers crimes graves, entre 2000 et 2016 » contre les populations civiles gambiennes. Dans certains cas, « il agissait (…) seul. » Toutefois, il opérait « le plus souvent en tant que membre d’un groupe d’auteurs comprenant le président de l’époque Yahya Jammeh, et des membres importants des forces de sécurité et des services pénitentiaires de Gambie. »
Militaire dans l’armée gambienne, Inspecteur général de la police puis ministre de l’Intérieur, Ousmane Sonko est accusé d’avoir « délibérément tué, torturé, violé et illégalement privé de liberté des personnes de manière grave. »
La Chambre criminelle du tribunal pénal suisse « constate qu'il est établi qu'en janvier 2000 à Banjul (Gambie), Ousman SONKO, en complicité avec d'autres, a tué intentionnellement un soldat soupçonné de coup d'État » contre le pouvoir de Jammeh.
En sus, « il a été prouvé que, en complicité avec d'autres, il a torturé des militaires, des hommes politiques et des journalistes et les a emprisonnés à tort dans le cadre d'une tentative de coup d'État manquée en mars 2006 à Banjul, et qu'il a assassiné un ancien membre du Parlement en octobre 2011 à Banjul. »
La juridiction criminelle considère également comme avérées les tortures exercées contre « plusieurs membres de l’opposition dans le cadre d’un rassemblement politique en avril 2016 à Banjul où l’un des organisateurs du rassemblement a été tué au cours des actes de torture. »
Pour établir son intime conviction, le tribunal pénal suisse souligne avoir procédé à de nombreux interrogatoires, obtenu des déclarations et informations de témoins, parlé avec des victimes venues en Suisse ou interrogées en procédure d’entraide judiciaire. Il s’est aussi basé sur des documents gambiens, en particulier le rapport définitif de la « Commission vérité, réconciliation et réparations » (TRRC) mise en place en Gambie pour faire la lumière sur les années noires du régime de Yahya Jammeh.
Agé de 55 ans, Ousman Sonko avait fui la Gambie en 2016 pour se réfugier en Suisse. Après avoir demandé l’asile politique, il est arrêté le 26 janvier 2017 pour « suspicion de crimes contre l’humanité » sur plainte de l’ONG Trial International de lutte contre l’impunité dans les crimes internationaux. La Chambre pénale du Tribunal pénal suisse s’est déclarée compétente pour juger l’ancien dignitaire gambien « sur la base du principe de la compétence universelle. »
« Même si certaines des accusations portent sur des faits remontant à l'année 2000, la Chambre pénale considère que les dispositions pénales sur les crimes contre l'humanité, entrées en vigueur le 1er janvier 2011, sont applicables, étant donné qu'à ce moment-là, les homicides intentionnels (dont deux meurtres), les actes de torture et les séquestrations n'étaient pas encore prescrits », rapporte le communiqué cité plus haut.
Le jugement du tribunal pénal fédéral suisse n’est pas encore entré. Les avocats d’Ousman Sonko peuvent faire appel de la sentence. sera pris en compte et ses avocats peuvent faire appel du jugement.