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Cisjordanie occupée - À Jénine, la violence des soldats et colons israéliens détruit génération après génération

Mercredi 29 Novembre 2023

Cisjordanie occupée - À Jénine, la violence des soldats et colons israéliens détruit génération après génération

À Jénine en Cisjordanie occupée, Madleen Sabbagh, enceinte de sept mois, pleure son mari, l’une des dernières victimes en date de la violence entre Israël et Palestiniens, et craint désormais que celle-ci touche aussi ses enfants.

 

Elle est assise près d’une fenêtre trouée d’une balle, surplombant le camp de réfugiés surpeuplé de Jénine, celle-là même où se tenait son mari Mohammed, 30 ans, quand il a été abattu début novembre durant un raid des forces israéliennes.

 

« Mon mari a été tué sans raison, touché par une balle », raconte-t-elle à l’AFP, ajoutant ne plus manger depuis. 

 

« Désormais, ce qui nous inquiète n’est plus ce qui s’est passé, mais ce qui va se passer », dit-elle, les soldats israéliens « visent délibérément les jeunes hommes car ils sont l’âme de notre société ».

 

Le couple avait déjà trois enfants, avant celui à naître. « Évidemment, en tant que mère je m’inquiète pour leur sécurité », explique la veuve de 24 ans, « désormais je suis leur mère et leur père ».

 

Des centaines de Palestiniens – combattants, passants, enfants – ont péri cette année durant des raids israéliens, dont des dizaines à Jénine, considérée depuis longtemps comme un foyer de la « résistance » palestinienne.

 

Dans la foulée de l’attaque sans précédent menée le 7 octobre en Israël depuis la bande de Gaza par le mouvement islamiste Hamas, suivie de représailles israéliennes, la violence a flambé en Cisjordanie, fief du mouvement Fatah du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, occupée par Israël.

 

Les Sabbagh sont l’une des nombreuses familles ayant perdu des leurs. « Ce n’est pas une vie : les martyrs ont de la chance car ce sont les vivants qui sont véritablement morts », constate Imane Sabbagh, mère de Mohammed, assurant que son fils n’avait « rien à voir » avec la « résistance ».

 

« Les enfants hurlent »

 

Le camp de Jénine fut au début des années 2000 l’un des cœurs de la deuxième Intifada, le « soulèvement » contre l’occupant israélien.

 

En 2002, l’armée israélienne l’a assiégé plus d’un mois. Dans les affrontements, 52 Palestiniens et 23 soldats israéliens furent tués et des centaines de maisons rasées.

 

Des photos de jeunes Palestiniens victimes des forces israéliennes tapissent les murs du camp, criblés d’impacts.

 

Les enfants Sabbagh jouent, sans réagir aux rafales lâchées à l’occasion des funérailles d’un jeune de 21 ans, mortellement blessé lors d’un récent raid israélien.

 

De nombreux habitants de Jénine confirment à l’AFP les conséquences d’années de violence sur la société, particulièrement sur la santé mentale.

 

« La plupart des enfants n’arrivent pas à dormir la nuit et leurs mères restent éveillées aussi, les enfants hurlent dès que les sirènes se déclenchent », explique Majd Abu Salameh, employée d’un centre local pour les femmes.

 

« La plupart des “martyrs” étaient souvent l’unique soutien de famille », souligne-t-elle, « quand vous arpentez le camp, vous ne voyez que des enfants » et « des hommes âgés ».

 

Lit vide

 

Israël occupe la Cisjordanie depuis 56 ans et le processus de paix israélo-palestinien est moribond depuis des années.

 

Ceux qui prennent les armes contre les forces israéliennes sont parfois juste adolescents, comme Yamen Jarar, 16 ans, tué le 3 novembre. Des dizaines de photos du garçon – prénommé en mémoire d’un proche précédemment tué – s’étalent près de son lit vide.

 

« Alors que d’autres rêvent de voyager, par exemple, il a toujours souhaité devenir un martyr », explique sa mère Jihan Jarar. « Quand quelqu’un est ardemment attaché à sa terre, vous ne pouvez pas le retenir ».

 

Pendant que l’un de ses frères fixe les photos, les yeux humides, sa mère dit qu’elle ne veut pas d’un « autre martyr » dans sa progéniture.

 

Les difficultés économiques – qui rendent quasi-inabordables les frais scolaires ou l’argent de poche – et le chagrin de la famille se répercutent sur les enfants.

 

« Quand il n’y a pas d’école et rien pour s’occuper, que peuvent faire les jeunes ? », interroge Samiha Zoued, grand-mère de Yamen Jarar.

 

Peu après l’entretien de la famille avec l’AFP, les sirènes retentissent à Jénine, avertissant que les forces israéliennes approchent. Le son des tirs et explosions et le bourdonnement incessant des drones militaires emplissent la nuit.

 

Le lendemain, trois hommes sont enterrés. L’armée israélienne, elle, assure avoir fait cinq morts.

Madleen Sabbagh explique à l’AFP qu’elle « aura toujours peur ». « On ne sait pas ce qui peut arriver à nos enfants ». [Avec AFP]

 

 

 

 

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