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Des prêts plus ciblés, nouvelle stratégie de la Chine en Afrique

Vendredi 6 Septembre 2024

Les chefs d'Etat africains autour du Chinois Xi Jinping et du Sénégalais Bassirou Diomaye Faye au FOCAC 2024, le 5 septembre à Beijing
Les chefs d'Etat africains autour du Chinois Xi Jinping et du Sénégalais Bassirou Diomaye Faye au FOCAC 2024, le 5 septembre à Beijing

Vers la fin des grands et coûteux projets d'infrastructures de la Chine en Afrique? Aux prises avec une économie au ralenti, Pékin voit désormais plus petit pour éviter les partenaires potentiellement insolvables, selon des analystes.

 

Pendant des années, le géant asiatique a accordé des milliards d'euros de prêts pour la construction de trains, routes et ponts. Utiles au développement, ils ont aussi contribué à creuser la dette de pays qui parfois peinent à rembourser.

 

Une des solutions adoptées par Pékin: des crédits moins importants pour financer des projets plus modestes, d'après des experts.

"La Chine a ajusté sa stratégie de prêt en Afrique pour tenir compte de ses propres difficultés économiques et des problèmes d'endettement de l'Afrique", déclare Lucas Engel, analyste de données à l'université de Boston qui étudie le financement par la Chine du développement sur le continent africain.

 

"Cette prudence, nouvelle, et cette aversion au risque chez les prêteurs chinois visent à assurer que la Chine puisse continuer sa coopération avec l'Afrique d'une manière plus solide et durable", indique-t-il à l'AFP. "Les grands prêts d'infrastructure (...) sont devenus plus rares."

 

Lors du sommet Chine-Afrique cette semaine à Pékin, le président chinois Xi Jinping a promis quelque 46 milliards d'euros sur trois ans de financement aux pays africains. Mais si Pékin vante ses largesses à l'égard de l'Afrique, les données montrent que le financement chinois a chuté ces dernières années.

 

Selon l'université de Boston, les prêteurs chinois ont fourni l'année dernière un total de 4,6 milliards de dollars (4,1 milliards d'euros) à huit pays africains et deux institutions financières régionales.

 

- Ferme solaire -

 

Le principal changement concerne les bénéficiaires: plus de la moitié du montant total est allé à des banques multilatérales ou nationales - contre seulement 5% entre 2000 et 2022.

 

Si le montant des prêts accordés à l'Afrique l'année dernière était au plus haut depuis 2019, il a été divisé par six par rapport au sommet atteint en 2016 (29 milliards de dollars, soit 26 milliards d'euros).

 

"La réorientation des prêts vers des emprunteurs multilatéraux africains permet aux prêteurs chinois d'être liés avec des entités qui bénéficient d'une bonne cote de crédit" auprès des agences de notation et non avec des emprunteurs étatiques "en difficulté", note M. Engel.

 

Nombre d'articles de presse ont critiqué les grands projets chinois en Afrique, assurant que leur financement était opaque et les bénéfices pour la population locale limités.

 

Mais la Chine a changé sa stratégie ces dernières années, notent des analystes.

 

Selon l'université de Boston, Pékin dirige désormais davantage l'argent vers des chantiers plus modestes, d'une petite ferme solaire au Burkina Faso à un projet hydroélectrique à Madagascar.

 

Cela ne signifie pas que Pékin "réduit de manière permanente ses investissements et son financement du développement" en Afrique, déclare Zainab Usman, directrice du programme Afrique à la fondation américaine Carnegie Endowment for International Peace.

 

"Les flux de financement du développement, en particulier les prêts, commencent à augmenter à nouveau", souligne-t-elle.

Les dirigeants africains présents à Pékin cette semaine ont ainsi conclu des accords avec la Chine dans plusieurs domaines comme les infrastructures, l'agriculture, ou l'énergie.

 

- "Piège de la dette" -

 

Des voix critiques, notamment occidentales, accusent régulièrement le géant asiatique d'engluer les pays en développement dans une dette insoutenable, dans l'unique but de pouvoir exercer sur eux une pression diplomatique - voire de saisir leurs actifs.

 

Mais nombre de dirigeants africains et des recherches menées par des groupes de réflexion internationaux comme le centre de réflexion britannique Chatham House réfutent cette théorie du "piège de la dette".

 

"Je ne crois pas nécessairement à l'idée que lorsque la Chine investit, c'est avec l'intention de s'assurer que ces pays se retrouvent dans le piège de la dette", a encore déclaré jeudi le président sud-africain Cyril Ramaphosa à Pékin.

 

Pour de nombreux Africains, la Chine est "devenue synonyme" de routes, ponts et ports qui changent la vie et l'argument du piège de la dette ignore "l'impact positif" que Pékin a sur le développement des infrastructures, note Ovigwe Eguegu, analyste de Development Reimagined, cabinet spécialisé dans la coopération Chine-Afrique.

 

"La réalité, c'est que si certains pays (africains) ont eu du mal à rembourser leur dette, c'est en raison d'une multitude de facteurs", note-t-il.

 

Pour Lucas Engel, de l'université de Boston, cette théorie du "piège de la dette" suppose à tort que "la Chine n'a que des objectifs à court terme en Afrique".

 

Cela "sous-estime largement (sa) vision à long terme" qui est "de façonner un système de gouvernance mondiale qui sera favorable à son essor". [AFP]

 
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