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EDITORIAL
Imam Alioune Ndao, victime collatérale d’une terreur d’Etat obsessionnelle
Paix à l’âme de l’imam Alioune Ndao. Dieu a repris ce qu’il lui appartient. Qu’Il lui plaise de l’accueillir en Son Paradis Firdaws. Mais l’histoire retiendra que cet homme a été victime d’infâmes accusations fabriquées par des autorités mues par le désir obsessionnel de remplir à tout prix - et quoi qu’il en eût coûté - leur cave à « terroristes » pour être dans le sens d’un projet venu d’ailleurs.
 
Ceux qui ont comploté contre lui – l’Etat, ses bras sécuritaires et sa machinerie judiciaire - savaient et savent encore aujourd’hui que imam Ndao est innocent. Sinon, le tribunal qui l’a jugé l’aurait condamné. A l’épreuve du procès, tout ne fut que pipeau. Ceux qui ont assisté aux audiences du palais de justice Lat-Dior ont pu mesurer la vacuité gênante d’un dossier d’accusation dans lequel un procureur aussi zélé qu’aveugle a fini par se perdre. On ne triomphe jamais définitivement de la réalité.
 
Dieu a repris son dû. Mais les injustices infligées à un homme aussi peu perméable à la violence, son séjour en prison, sa moralité attaquée, son intelligence bafouée, son éloignement d’un milieu naturel qui contribuait fondamentalement à son équilibre psychique et à son épanouissement, n’ont pas manqué d’affaiblir un corps qui commençait à prendre de l’âge. Une détention préventive quasiment sans limite - permise par les nouvelles lois sur le terrorisme – un terrorisme psychologique et mental sans fin pour le faire craquer (en vain) et son agression finale par la maladie semblent l’avoir achevé.
 
Pour ceux qui ont « contribué » à sa mort et qui caressaient le rêve secret de le présenter vivant au monde entier comme le premier « trophée de guerre majeur » (un imam) du Sénégal dans l’embrouillamini de l’anti-terrorisme mondialisé, le citoyen Alioune Ndao ne sera jamais plus qu’une victime collatérale, un « djihadiste illuminé et fou furieux » dont l’emprisonnement à perpétuité visait à satisfaire l’appétence de courtiers anti-terroristes nationaux parrainés par des stratégistes de la tension permanente. Allah ne dort jamais. Mais aux yeux de ceux qui l’ont connu et de ses sympathisants, imam Alioune Ndao restera ce citoyen pacifique dont la générosité alla jusqu'à offrir une parcelle de terrain à l'Etat pour l'édification d'un complexe destiné à la scolarisation des enfants. Paix à son âme !

Avant les législatives, l’ancien président de l’Assemblée nationale a agité plusieurs dossiers symboles, selon lui, de la mal gouvernance instaurée par le président Macky Sall. Recruté en député VIP sauveur du camp présidentiel, il a dit adieu à ses velléités d’opposant.


Pape Diop, « sauveur de la République démocratique du Sénégal », enterre ses 7 chantiers
 
C’est avec fracas mais sans grande surprise que l’opposant Pape Diop, député élu à l’issue des élections législatives du 31 juillet 2022, a rejoint le groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar (BBY), lui assurant ainsi une majorité dans la nouvelle assemblée nationale sénégalaise. Un choix diversement apprécié.

Autant il vient opportunément au secours du président de la république Macky Sall menacé par une cohabitation inédite au cœur de la représentation national. Autant il a « déçu » l’inter-coalition d’opposition Yewwi-Wally qui espérait placer des grains de sable dans une machine automatique sans valeur ajoutée pour l’institution parlementaire.
 
Dans une majorité hétéroclite ou cohabitent depuis dix ans libéraux entrepreneurs, sociaux et plus ou moins conservateurs, socialistes de tendance socio-démocrate et progressiste, gauchistes anarcho-libertaires et politiciens inclassables ouverts à tous les vents du genre traficoteurs de numéraires et documents de voyage, Pape Diop, ci-devant président de l’assemblée nationale devra trouver sa place, lui homme d’affaires pragmatique converti à la politique à partir de sa rampe de lancement de la plage de Soumbédioune. Une place à partir de laquelle il pourrait racheter une once de crédibilité après ce qui a été considéré comme une trahison de tout ou partie de ses électeurs : son ralliement à la majorité présidentielle alors qu’il a fait campagne en opposant.
 
Opposant, Pape Diop l’a été durant une vie, celle de ses ressentiments contre la gouvernance de Macky Sall. « Depuis 2012, il s’est passé beaucoup de choses dans ce pays. Et si on ne fait rien, ce sera la catastrophe », disait-il dans l’émission « Autour du micro » sur le site Dakarmatin.
 
A l’appui de son courroux, sept dossiers emblématiques, selon lui, des pratiques non transparentes du régime Sall.
 
Dossier 1 : l’institution du visa d’entrée au Sénégal.
« A son arrivée, Macky Sall décide d’instituer le visa d’entrée pour les ressortissants étrangers. L’argent était versé dans les comptes d’un individu (…) Trois ans après, il abandonne le projet et dédommage ledit individu à hauteur de 12 milliards de francs CFA. Cette affaire doit être éclaircie. »

La personne mise en cause est Adama Bictogo, actuel président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire. Il était d’ailleurs à Dakar au mois de juin dernier pour délivrer un discours devant les députés sénégalais.
 
Dossier 2 : affaire Arcelor-Mittal
« Le président Abdoulaye Wade réclamait 2500 milliards de francs CFA à la multinationale indienne (pour rupture unilatérale de contrat). Macky Sall qui lui a succédé à la tête du pays a abandonné le contentieux judiciaire et obtenu 75 milliards de francs CFA. Vous vous rendez compte, de 2500 à 75 milliards !!! Encore que seuls 70 milliards de francs CFA sont entrés dans un premier temps (car) c’est bien après qu’ils ont fait une loi de finance rectificative pour intégrer les 5 autres milliards. Où étaient passés ces 5 milliards si on sait que les 75 milliards avaient été payés en intégralités ?
Cela doit être éclairci. »
 
Dossier 3 : Centre international de conférence Abdou Diouf (CICAD) de Diamniadio
« (Les autorités) disent l’avoir construit avec 60 milliards de francs CFA.
Il faut éclaircir ce dossier. »
 
Dossier 4 : Gaz et pétrole
« Dès 2012, son frère se retrouve dans une nouvelle société au capital social de 10 millions de francs CFA. On leur donne des blocs qui sont revendus.
Cela doit être éclairci. »
Il fait référence au business développé par Aliou Sall, frère cadet du président Macky Sall, avec l’homme d’affaires australo-roumain Frank Timis à partir des blocs pétroliers découverts au Sénégal.
 
Dossier 5 : La ville nouvelle de Diamniadio
« Il parait qu’un jeune est attributaire de l’assainissement (dans cette ville nouvelle de Diamniadio) à 150 milliards de francs CFA. Il aurait encaissé l’argent avant même d’avoir fait quelque chose…
Il faut qu’on en parle. »
 
Dossier 6 : AIBD
« Le coût de construction de l’Aéroport international Blaise Diagne (AIBD), c’était à moins de 500 milliards de francs CFA. Avec les avenants, on est monté à plus de 700 milliards de francs CFA.
Or, à l’arrivée de Macky Sall au pouvoir en mars 2012, l’aéroport était achevé à 80% et le président Wade devait l’inaugurer en décembre 2012.
Ils ont fait exprès de retarder son achèvement en enlevant Bin Laden Group pour placer les Turcs qui en sont les décideurs tout-puissants.
Cette affaire doit être éclaircie. »
(Ndlr : c’est le consortium turc Summa-Limak qui a fini l’aéroport ouvert en décembre 2017)
 
Dossier 7 : TER
« On nous a dit que le Train express régional (57 km) a coûté 728 milliards de francs CFA. Comment ce TER sénégalais (57 km) peut-il être plus cher que le TGV du Nigeria dont le 1er tronçon (187 km) a coûté 552 milliards de francs CFA ?
Les explications qui nous ont été données ont été si alambiquées qu’il y a nécessité d’éclaircir cette affaire. »
 
Dans sa posture d’opposant à Macky Sall, Pape Diop, doté d’une véritable expérience parlementaire à travers l’Assemblée nationale et le Sénat, aurait sans aucun doute appuyé les initiatives visant à instituer des commissions d’enquête parlementaire pour certains de ces dossiers qui lui tenaient à cœur il y a encore quelques mois.
 
Nouveau membre VIP du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar, Pape Diop pense désormais certainement à autre chose. Comme profiter de son nouveau statut de « sauveur de la république démocratique du Sénégal » offert par son mentor du palais de l’avenue Senghor, en attendant un fromage plus concret dans l’appareil de l’Assemblée nationale.
 

L'opposant Ousmane Sonko reçu au palais par le président de la république Macky Sall. C'était le temps de la trêve anti-Covid.
L'opposant Ousmane Sonko reçu au palais par le président de la république Macky Sall. C'était le temps de la trêve anti-Covid.
La politique au Sénégal se normalisera quand les hypocrisies, les oublis volontaires et les calculs sordides des politiciens et autres entrepreneurs du ventre seront capables, tous, de respecter la ligne rouge qui nous sépare de l’abîme. Les propos d’Ousmane Sonko à Bignona ne sont qu’une continuation, qu’une réponse à l’instrumentalisation délirante, obsessionnelle et dangereuse de la question casamançaise à des fins vilement politiciennes.
 
La plupart de ceux qui s’en émeuvent subitement ont été muets sur des éléments du même acabit qui ont pourtant garni les feuilles de certains journaux sous forme de feuilleton ; filière terroriste et rebelle, stigmatisations de compatriotes originaires du Sud, infiltration de manifestations politiques à Dakar par des indépendantistes venus du même endroit, témoignage de Guy Marius Sagna, caravane de rebelles casamançais en route pour rejoindre Dakar, les inepties sur ce registres sont abracadabrantesques. ll y a quelques jours, un responsable politique en mal d’audience et de reconnaissance a dit publiquement : « Ousmane Sonko n’est pas Sénégalais…» Qui, parmi tous ceux qui enragent hypocritement ou sincèrement aujourd’hui, s’en était ému un tant soit peu ?
 
Faudrait-il attendre que le président de la république Macky Sall soit directement accusé d’être la tête de gondole d’une campagne de « stigmatisation » contre nos parents et compatriotes de la région méridionale pour qu’autant d’indignations et de condamnations à géométrie variable s’enchaînent ?
 
Dans l’intérêt de la paix civile et du noble principe du « bon vouloir de vie commune » partagé par l’écrasante majorité des Sénégalais, il est justement du devoir du chef de l’Etat - notre Président à tous sans exception - d’être le garant de cette entente nationale, d’en assumer les contraintes, sans faiblesse, d’en être digne, au-dessus de tous. Macky Sall remplit-il cette fonction, ce devoir, cette exigence politique et morale vis-à-vis de la nation ? Chacun peut y répondre au regard des éléments factuels disponibles à foison dans l’espace public.
 
Pour que la politique reste dans les limites de la civilité, il est indispensable que la classe politique sérieuse et compétente accepte définitivement qu’il y a des propos et des actes qui ne feront que l’affaire des entrepreneurs infatigables du chaos et du désordre social. Les oppositions ont une part de travail à entreprendre et à institutionnaliser dans leurs pratiques politiques, c’est indiscutable. Mais  il appartient fondamentalement au président de la république de commencer par donner le bon exemple – celui du père fouettard juste et équitable entre tous ses enfants - en neutralisant ses propres franges faussement radicalisées et dont l’avidité à gagner la considération du prince en accumulant les responsabilités et prébendes qui en feraient des leviers indéboulonnables du pouvoir, est sans limites.
 
Ne pas le faire, c’est laisser la porte ouverte à tous les embrasements au cœur de notre société car personne n’acceptera de se faire sacrifier sur l’autel des irresponsabilités sombres que chaque pouvoir politique est capable de promouvoir pour ses intérêts de clan et de survie.

Sénégal, la démocratie renversée !
 
Un jour, des historiens du quotidien raconteront sans doute avec moult détails l’odyssée rocambolesque d’un président de la république arrivé au pouvoir par le truchement d’un grand malentendu que le destin nous avait malicieusement caché. Il se pourrait même que ce mystérieux veinard grandi dans la misère sociale de son bled d’origine rapporte lui-même – quand sa conscience l’exigera de lui - les chroniques d’une ascension fulgurante strictement encadrée par des lobbies afro-élyséens spécialistes des parrainages fraternels qui perpétuent des intérêts politiques, économiques et stratégiques en Afrique francophone. Dans cette conquête effrénée de pouvoir et d’influence, figurent en bonne place l’étouffement de la presse et la maîtrise/orientation de ses centres d’intérêt vers les horizons du superflu. La corruption sera passée par là.
 
Hyperpuissance
 
Le Sénégal pouvait se prévaloir jusqu’à une époque récente d’être une des vitrines démocratiques que le continent pouvait encore offrir au monde. Sa démocratie pluraliste et apaisée s’appuyait surtout sur une presse de qualité animée par des personnalités fortes, indépendantes et conscientes de leurs missions au service de la société, des citoyens et des libertés fondamentales face à des pouvoirs tentaculaires et naturellement soucieux d’élargir sans cesse le spectre de leur hyperpuissance.
 
Aujourd’hui, sa presse – une certaine presse - en arrive à célébrer les performances répressives de policiers et de gendarmes déchaînés contre des citoyens pourtant victimes des abus de pouvoir de l’autorité politique suprême ! Cette même presse – biberonnée par la magie sans traces du guichet automatique de billets – ne choisit pas seulement de reléguer au purgatoire de ses préoccupations professionnelles le meurtre ou l’assassinat de trois jeunes sénégalais à Dakar, Bignona et Ziguinchor. Oui, 3 jeunes gens sont tombés sous les tirs d’agents des forces de sécurité, dans l’indifférence totale de certains organes de presse.
 
Démocratie bananière
 
De manière cynique, cette même presse observe également un silence bavard sur les causes fondamentales et premières de cette furie mortelle des policiers et gendarmes : la violation flagrante et assumée par Jupiter et ses sbires de principes élémentaires qui font la démocratie et qui ont pour nom liberté de manifestation, liberté de marche, liberté de rassemblement, liberté d’expression, liberté de culte... C’est la mise entre parenthèse de ces valeurs sociétales indissociables de la démocratie pluraliste qui est factuellement, et jusqu’à preuve du contraire, la cause des désordres ayant cours sous nos yeux. Les atermoiements, justifications précaires et aveuglements n’y changeront rien.
 
Ce traitement particulier des événements du 17 juin 2022 n’est que le produit de l’offensive permanente du pouvoir visant à contrôler la presse et les journalistes au Sénégal. Cette posture de soumission aboutit à transformer en faits divers les drames de personnes désarmées et fauchées par des tirs de balles réelles – au détriment du bon sens qui doit commander toute doctrine de maintien de l’ordre - les arrestations musclées d’opposants, les bouclages militarisés des domiciles de certains d’entre eux…
 
Sans limites
 
Mais le pire de l’agenda de Jupiter avec lequel une certaine presse se rend complice, c’est sa désormais volonté absolue de fouler aux pieds les engagements légaux, politiques et moraux qu’il a pris devant le peuple sénégalais de faire 2 mandats et de partir. Tous les actes qu’il pose semblent converger dans ce sens, le dernier en date étant ce veto du Sénégal (en compagnie du Togo et de la Côte d’Ivoire) contre un amendement interdisant le dépassement de 2 mandats présidentiels dans le Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). La presse en fait-elle un objet pertinent de débat ? Pourquoi ne pas se poser de question sur la cohérence qu’il peut y avoir entre organiser en mars 2016 un référendum populaire dont l’un des pivots essentiels était la « sanctuarisation définitive » du principe des 2 mandats consécutifs dans la Constitution, et l’opposition du Sénégal à la formalisation de ce même principe dans les textes de la Cédéao ?
 
C’est la défense ouverte et assumée des engagements publics de la plus haute institution de notre pays qui aurait fait l’honneur et la crédibilité de la presse sénégalaise. Depuis son arrivée au pouvoir, Jupiter s‘est fait un devoir – et un plaisir malin - de balayer tous les obstacles susceptibles de contrecarrer des ambitions – longtemps enfouies ou nées en cours de route au gré des délices du pouvoir – et dont l’accomplissement renverserait techniquement et concrètement la démocratie dans notre pays. La machinerie est en marche, elle ne s’arrêtera pas en l’absence d’oppositions diverses.
 
Salut public
 
C’est à cette mission de salut public de première noblesse que les journalistes indépendants de notre pays peuvent être invités. Les prébendes et largesses de Jupiter sont certes alléchantes, mais que valent-elles face au changement de nature rampant de la démocratie pluraliste et représentative qui nous a sauvés de tant de soubresauts ? Que valent-elles face à l’égoïsme d’un Jupiter dont la morale se base sur « la fin justifie les moyens », un point un trait ?
 
Dans le confort institutionnel, administratif et judiciaire que lui garantissent ses relais corrompus dans une bureaucratie d’Etat noyautée au profit de sa volonté de puissance, seuls la presse et le peuple sont en mesure de le ramener à la RAISON garante de notre sécurité collective. Un dixième des « misères » que les journalistes ont infligé à Me Abdoulaye Wade suffirait pourtant à le remettre à sa place ! Mais le Sénégal a changé, sa presse avec !

Macky Sall : déni, délires et périls
Les soubresauts du chaos induit par la capture autoritaire du processus de validation des investitures et d’éliminations tous azimuts de listes d’opposition ne sont pas près de finir sous nos yeux. Les putschs opérés à la fois par le ministère de l’Intérieur et les 7 juges du Conseil constitutionnel, relevés et dénoncés par la plupart des juristes et experts électoraux – en dehors peut-être de ceux qui émargent dans les officines du pouvoir – ont manifestement accentué les balafres infligés à la démocratie sénégalaise par la détermination inconsciente du président Macky Sall à installer le Sénégal dans un purgatoire inédit. Le principe du silence qui aide autant à sacraliser les turpides des juges politiques qu’à soustraire ses membres à tout débat public est alors venu clore momentanément le scandale.
 
Sanctionnée par le duo des complices formé par le ministre de l’Intérieur Antoine Diome et le président du Conseil constitutionnel Papa Oumar Sakho, la coalition d’opposition Yewwi askan wi (YAW) a apporté une formidable réponse politique à l’exclusion de sa liste de candidats titulaires en organisant un gigantesque rassemblement populaire à la place de la nation. Un événement qui semble avoir donné le tournis au président de la république et installé la panique dans son camp. Mais aussitôt après, les discours démoniaques et décalés sont entrés en jeu, des boules puantes que des hauts responsables dévoués au chef de l’Etat se plaisent à déverser à longueur de journées sur un spectre étendu des réseaux sociaux.
 
Cette option des partisans du président Sall n’est pas neutre : c’est une fuite en avant dont l’objet consiste à dépolitiser une situation qui n’est pas loin d’être explosive et qui pourrait basculer le pays entier dans une situation de non retour. Le chef de l’Etat lui-même se complait dans ce jeu putride qui ne l’honore pas. Au moment où un député d’opposition croupit en prison au nom du bon vieux principe dit « offense au chef de l’Etat » (et chef de parti), le premier des Sénégalais s’affiche joyeusement avec un troubadour spécialisé en avanies sur les réseaux sociaux. Belle cohérence pour celui qui a fait de la régularisation des RS un cheval de bataille qui, pour l’instant, se résume à mettre au gnouf des opposants et à recycler des cas psycho-pathologiques comme celui avec lequel il entend flirter. Cette posture est indigne d’un président de la république.
 
C’est cette nonchalance qui donne du courage à ses subalternes, tout heureux de se relayer à grandes logorrhées dans les médias pour, non pas parler de politique, mais pour partager avec ceux qui les écoutent autant d’insanités que permettent leur imbécilité, arrogance et aveuglement. Le Sénégal est en danger mais le chef de l’Etat transmet à ses collaborateurs les ondes d’un déni absolu de la réalité, celle qui fédère patiemment les éléments d’une inévitable dégénérescence de son pouvoir. Mars 2021 a déjà été un avertissement mais la seule leçon que Macky Sall en a tirée n’est pas allée plus loin qu’un « ça ne se reproduira plus ». Une expression impertinente sans égard pour la quinzaine de jeunes sénégalais morts dans les rues et au sujet desquels aucune enquête n’a eu lieu. Sa seule stratégie demeure la répression comme moyen d’endiguement de toute menace potentielle contre son régime.
 
Aujourd’hui, la colère des Sénégalais a décuplé d’intensité sous les effets conjugués d’une exacerbation de l’autoritarisme d’Etat, des difficultés de survie des populations, de la montée en puissance des injustices, de la rupture d’égalité et d’équité entre citoyens…
 
A la manifestation du 8 juin dernier, des jeunes et des femmes résolus à défendre leurs droits constitutionnels et politiques ont pacifiquement délivré des signaux d’alerte à Macky Sall. Comme un adepte de la tactique de l’Autruche, il a insidieusement sous-entendu que les policiers et les gendarmes de la république défendront son projet les mois et années à venir. Cela reste à voir ! Mais il est encore grand temps que des personnalités dignes et crédibles fassent entendre raison au chef de l’Etat étant donné que juges et hauts fonctionnaires impliqués dans le processus électoral ont choisi d’être ses complices dans son funeste dessein.
 
Dans le contexte d’une campagne électorale qui arrive, les bases militantes de l’opposition sont capables de déborder ses leaders pour revendiquer à leur façon le rétablissement de droits qu’ils estiment bafoués par la volonté de puissance d’un politicien sans troupes et dont la survie ne repose que sur la police, la gendarmerie et, en recours désespéré, sur l’armée. Que pourraient faire des forces de l’ordre - même surarmées - à part ouvrir le feu sur les gens, en écraser certains avec leurs véhicules, en arrêter d’autres, constater les morts ? Le genre de scénario qui suffit pour faire vaciller ou balayer un pouvoir.
 
 

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