Le président Emmanuel Macron a promis jeudi soir aux Français de nommer « dans les prochains jours » un nouveau premier ministre, alors que le pays se retrouve une nouvelle fois sans gouvernement, dans un contexte budgétaire alarmant et une atmosphère de crise politique.
Lors d’une allocution télévisée prononcée au lendemain d’une censure parlementaire historique qui a renversé le gouvernement de Michel Barnier, le chef de l’État a fustigé les oppositions qui ont voté la censure, en accusant la gauche radicale et l’extrême droite de s’être unies « dans un front antirépublicain » et de vouloir « créer le désordre ».
« Ils ne pensent pas à vous, à vos fins de mois, vos projets, ils ne pensent qu’à une seule chose, à l’élection présidentielle, pour la préparer, pour la précipiter, et cela avec le cynisme et un certain sens du chaos », a-t-il asséné.
La prochaine présidentielle est prévue en 2027, mais certains, particulièrement la gauche radicale, réclament la démission de M. Macron.
Il est « la cause du problème » et « s’en ira par la force des évènements », a d’ailleurs lancé le chef de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon sur une chaîne télévisée juste après l’allocution du président.
Mais M. Macron a balayé cette hypotèse, assurant qu’il accomplirait son mandat présidentiel « jusqu’à son terme » en 2027.
Dissolution « incomprise »
Mercredi, Michel Barnier est devenu le premier ministre le plus éphémère de la Ve République après avoir été censuré par une majorité de députés trois mois seulement après sa prise de fonction.
La France a déjà été sans gouvernement pendant plusieurs semaines cet été, après une dissolution et des législatives anticipées ayant abouti à une Assemblée fragmentée en trois blocs (alliance de gauche, macronistes et droite, extrême droite) sans majorité absolue. Le gouvernement démissionnaire avait expédié les affaires courantes jusqu’à la nomination, dans la douleur, de Michel Barnier début septembre.
Emmanuel Macron a reconnu jeudi soir que sa décision de dissoudre n’avait pas été « comprise », assumant « sa responsabilité ».
Selon le chef de l’État, le prochain gouvernement aura une « priorité » : le budget. Et si un nouveau budget devra être présenté en « tout début d’année prochaine », le président a affirmé qu’une « loi spéciale sera déposée avant la mi-décembre au Parlement », un texte qui permettra « la continuité des services publics et de la vie du pays ». Elle appliquera pour 2025 « les choix (budgétaires) de 2024 ».
La situation budgétaire de la deuxième économie de la zone euro requiert un exécutif rapidement. Attendu à 6,1 % du PIB en 2024, le déficit public ratera son objectif de 5 % en l’absence de budget.
La présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, qui a été reçue jeudi par Emmanuel Macron, a souhaité que le successeur de Michel Barnier soit nommé « rapidement » pour « ne pas laisser s’installer le flottement ».
« Flou », « impasse », « cercle vicieux » : du nord au sud du pays, l’inquiétude et la lassitude étaient manifeste chez les Français interrogés par l’AFP.
Selon un sondage Toluna Harris Interactive pour RTL, la situation laisse les Français partagés : 53 % approuvent la décision de censure des députés, mais 82 % sont inquiets de ses conséquences.
Les marchés restaient en revanche calmes : la Bourse de Paris était en légère hausse et le taux auquel la France emprunte sur les marchés était même orienté à la baisse. Mais l’agence Moody’s prévient que la chute du gouvernement « réduit la probabilité d’une consolidation » des finances publiques.
Casse-tête
L’équation de la formation d’un nouveau gouvernement s’annonce tout aussi complexe qu’elle l’a été pour nommer Michel Barnier.
Tant la gauche que le centre ou la droite paraissent désunis pour s’entendre sur un nouveau gouvernement de coalition.
Pour les centristes et la droite, travailler avec les socialistes et les écologistes implique que ces derniers se détachent du parti de la gauche radicale La France insoumise (LFI), avec qui ils forment le Nouveau Front populaire (NFP), la première force à l’Assemblée.
LFI de son côté a d’ores et déjà prévenu jeudi que sa formation censurerait tout premier ministre n’étant pas issu de l’alliance de gauche, mais réclame surtout la démission du chef de l’État et une « présidentielle anticipée ».
Socialistes et écologistes, eux, se disent prêts à des compromis avec le bloc central, qui s’engagerait en retour à ne pas censurer un gouvernement de gauche.
L’extrême droite, qui joue les rôles d’arbitre et a précipité la censure du gouvernement Barnier, assure qu’elle laissera « travailler » le futur chef du gouvernement pour « co-construire un budget acceptable pour tous ».
LFI de son côté a d’ores et déjà prévenu jeudi que sa formation censurerait tout premier ministre n’étant pas issu de l’alliance de gauche. Mais la gauche radicale réclame surtout la démission du chef de l’État et une « présidentielle anticipée ». [AFP]