Article re-publié le 6 février 2024 à 13H22 GMT
Macky Sall déteste la démocratie et il n’a pas de scrupules pour le mettre en évidence. Quoi qu’il en coûte aux autres, à toutes les victimes de sa volonté de puissance ! Le cynisme avec lequel il déroule un phénomène unique de destruction des bases démocratiques et républicaines de l’Etat du Sénégal ressemble à l’aboutissement d’un projet crypto-personnel visant à le faire entrer dans ce qui serait le Panthéon de l’Histoire politique de notre pays. Cœur battant de la gouvernance publique du Sénégal pendant douze ans, il est à craindre malheureusement qu’il finisse comme un quelconque petit architecte de petites histoires tragiques qui auront coûté la vie à plusieurs dizaines de jeunes sénégalais.
Les dérives de ce président autoritaire - sans envergure autre que celle à laquelle donnent accès la maîtrise et la manipulation des institutions de répression et d’asservissement - sont honteuses et scandaleuses dans un pays qui se voyait dans le périmètre d’une démocratie émergente. Elles sont également et surtout tragiques au vu du lourd bilan humain engendré par une intolérance maladive qui fait sauter les barrières de l’humain au profit d’un enclos où les opposants et citoyens exprimant naturellement leur liberté d’expression deviennent des animaux en dressage. En cage. C’est l’une des conclusions à tirer du traitement infligé aux centaines de personnes – hommes, femmes, jeunes, etc. – dont l’écrasante majorité est embastillée pour avoir exercé leur droit dit de résistance et/ou émis des opinions qu’une certaine autorité a cru nécessaire de criminaliser en usant du droit de la force.
Loi bafouée
A ce niveau de dérives qui ont outrageusement défiguré la démocratie sénégalaise et balayé le principe fondamental de libre exercice des libertés individuelles et collectives, il faut interroger le rapport que Macky Sall entretient avec la…loi. C’est terrifiant car c’est ici qu’il faut chercher les origines du cataclysme qu’est devenu le Sénégal en l’espace d’une décennie. Rappelons-nous que le 12 mai 2002, déjà ministre, notre ex-futur président est allé voter aux élections régionales, municipales et rurales sans pièce d’identité, violant ainsi les dispositions du Code électoral sénégalais. L’illusion du pouvoir semble lui avoir fait croire très tôt qu’il pouvait tout se permettre ! A partir de 2012, passé président de la république avec les pouvoirs du décret et de l’argent, le rêve devient réalité pour lui, pour notre propre malheur.
Guerre non conventionnelle
En vérité, cet homme est un adversaire de la démocratie, il en a la haine et le mépris. D’où l’agressivité et la violence tenace qu’il exerce chaque jour depuis son arrivée au pouvoir sur les institutions qui devaient être représentatives de la diversité des opinions politiques qui traversent le champ public et sur les hommes et femmes de ce pays qui vont à l’encontre de ses désirs. De la nouvelle assemblée nationale voulue par les Sénégalais, il en a trahi le message sorti des urnes au soir des législatives du 31 juillet 2022. En lieu et place, ses partisans l’ont transformée en machin destiné à en cacher l’inanité. L’autoritarisme, en esprit et en acte, ne fait jamais bon ménage avec la liberté, c’est le conflit permanent.
La guerre totale et non conventionnelle qu’il mène contre son principal opposant Ousmane Sonko renseigne sur les « risques » qu’il est disposé à prendre pour « sécuriser » les territoires inviolables de son autorité. Il ne lui suffit pas d’être président de la république, il lui faut être l’ordonnateur principal du jeu électoral, le démiurge qui en balise le chemin, le génie qui en sélectionne les acteurs principaux avec un focus marqué contre ceux qui ne lui font pas allégeance. On a bien vu comment et pourquoi il a fini par se « réconcilier » avec Khalifa Sall et Karim Wade, deux adversaires potentiels qu’il aurait dû affronter à l’élection présidentielle de février 2019 mais contre qui il a instrumentalisé la justice pour les en écarter. La torpeur et la faiblesse politique des deux « K » lui ont certes facilité la tâche de liquidation.
Avec Ousmane Sonko, c’est une toute autre histoire qui se déroule sous nos yeux et sous ceux du monde entier.
Rapport de force perdu
C’est avec le leader de Pastef – parti administrativement dissout – et ses camarades que Macky Sall démontre sa capacité à aller au bout de tout tant qu’il dispose de l’autorité et de la disponibilité d’organes de répression qui, apparemment, ne lui refusent rien. Mais paradoxalement, c'est á l'épreuve de la bataille livrée aux responsables et militants de Pastef et de leurs alliés de la coalition Yewwi askan wi que l’on voit pour la première fois au Sénégal un président de la république déserter le terrain de la politique pour transformer son régime en pouvoir de répression.
Depuis les événements meurtriers de mars 2021, Macky Sall a perdu le rapport de force politique qui l’opposait à Ousmane Sonko. Il n’a plus la main de la légitimité qui permet à un président de la république d’être en phase avec son peuple, avec les populations, avec le réel. Il ne survit au choc avec Ousmane Sonko que grâce au secours vital des institutions de répression que sont la police, la gendarmerie et la justice. De guerre lasse, il s’est replié dans ses derniers retranchements, auprès de fidèles qui hésitent à lui signifier qu’il est allé trop loin. Mais ici au moins, il se sent à l’aise avec un glossaire communicationnel résumé au strict minimum martial et auquel il est habitué : traque, rafle, arrestation, audition, mise en scène, victimisation, terrorisme, attaque, insurrection, ‘’retour de parquet’’, mandat de dépôt, emprisonnement, grève de la faim, réanimation, liberté provisoire, contrôle judiciaire, etc.
La décadence brutale de notre démocratie ne se discute pas, sauf chez celles et ceux qui ont intérêt à en nier l’évidence ou qui ont reçu l’ordre de la considérer comme encore « debout ». La faute à Macky Sall et à sa gouvernance hégémonique que rien ne justifie.