Il ne pouvait pas manquer ce petit bout d'Histoire politique. Jean-Luc Mélenchon était mercredi à l'Assemblée nationale pour voir de ses propres yeux la chute du gouvernement Barnier. Une étape, espère-t-il, qui mènera à la démission d'Emmanuel Macron.
Le départ du président, les Insoumis ne cessent de l'appeler de leurs voeux, en espérant que cette prophétie devienne autoréalisatrice.
"Ce n'est pas Michel Barnier qui a été censuré (...) c'est M. Macron qui a été censuré", a déclaré le tribun insoumis jeudi soir au journal télévisé de TF1, en réclamant de nouveau la démission de M. Macron.
"C'est lui qui fiche la pagaille c'est lui bloque tout et ne veut entendre personne", a-t-il estimé, en assurant que le chef de l'Etat finirait par s'en aller "par la force des événements".
Le principal intéressé a cependant évacué l'idée, plusieurs fois. Il accomplira son mandat "pleinement, jusqu'à son terme", a-t-il martelé jeudi lors de son allocution.
Si la procédure de destitution du chef de l'Etat, vouée à l'échec, a échoué en octobre à l'Assemblée avant même d'arriver au vote dans l'hémicycle, elle a fait émerger cette question dans les débats.
Et depuis, la démission du président a été évoquée par le maire LR de Cannes David Lisnard, celui de Meaux Jean-François Copé (LR) ou encore la figure du groupe Liot à l'Assemblée, Charles de Courson. Mais par aucun allié de LFI à gauche.
Les Insoumis "respectent la théorie lambertiste", un courant du trotskisme auquel Jean-Luc Mélenchon a appartenu dans sa jeunesse, croit savoir un cadre socialiste. "Si un événement ne se produit pas, il faut mettre la pression pour qu'il finisse par se produire".
Pour justifier ce changement par le haut, LFI s'appuie notamment sur un sondage Elabe publié la semaine dernière: 63% des Français souhaitaient la démission du président en cas de censure du gouvernement Barnier.
- Pas de temps à perdre -
Et les Insoumis ne s'en cachent pas: ils se préparent à partir seuls en cas de présidentielle anticipée. Derrière un candidat qui serait, naturellement, Jean-Luc Mélenchon.
"On n'a pas envie que sur les 30 jours qu'on aurait pour préparer une présidentielle on en perde sept à débattre d'une candidature d'Olivier Faure", dans le cadre unitaire du NFP, ironise un cadre insoumis.
Ce serait pour eux la consécration du "eux contre nous", l'affrontement avec l'extrême droite attendu depuis longtemps.
Et tant pis si la cote de popularité de M. Mélenchon est basse et si les sondages le donnent perdant au second tour d'une élection présidentielle face à Marine Le Pen.
"Mélenchon, c'est la campagne permanente", sourit le député Paul Vannier, cadre du mouvement de gauche radicale. Une idée théorisée de longue date par le patriarche de la gauche radicale, qui veut que les élections se préparent bien en amont des périodes officielles.
Avant la censure de M. Barnier, les Insoumis ont déjà envoyé un courrier à Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur, pour l'interpeller sur les modalités d'une éventuelle élection anticipée.
Et dans cette optique, ils ne négligent aucun aspect.
- "Que deux partis sont prêts" -
Traditionnellement, LFI, qui compte très peu d'élus locaux, met toujours un peu de temps à réunir les 500 signatures nécessaires pour se présenter à une présidentielle.
"C'est un point de vigilance pour nous", reconnaît auprès de l'AFP le coordinateur du parti Manuel Bompard.
"On a commencé le travail, en identifiant les maires qui ont signé la dernière fois", ajoute-t-il.
Une élection anticipée aurait pour eux l'avantage de couper l'herbe sous le pied des autres formations de gauche qui pour l'instant manquent d'incarnation ou d'orientation politique en vue d'une présidentielle.
"Il n'y a que deux partis qui sont prêts: le RN et LFI", estime ainsi une députée LR.
Une élection anticipée permettrait également à M. Mélenchon, 73 ans, de ne pas attendre l'échéance de 2027.
"Je pense qu'il se pose sincèrement la question pour 2027", estime un éléphant socialiste qui a bien connu l'ancien sénateur PS.
"L'envie ça compte beaucoup. Il l'a encore mais ce n'est pas sûr qu'il l'ait toujours" dans trois ans, estime-t-il. [AFP]