
Embalo dont le mandat présidentiel est expiré vient de prolonger illégalement sa présidence et renier sa promesse de ne pas candidater le 30 novembre 2025. Le même avait déjà prétexté un prétendu coup d'État pour suspendre l’Assemblée Nationale où le peuple avait donné la majorité de 54 députés au PAIGC et changé brutalement le gouvernement pour mettre ainsi arbitrairement par décret présidentiel fin à la cohabitation décidée par le vote populaire.
Le siège du PAIGC, qui fait face au palais présidentiel, avait été pris d’assaut par un détachement des forces de répression pour y effectuer en vain des fouilles sous le prétexte de rechercher des caches d’armes dans le quartier résidentiel qui abrite aussi le domicile privé de Domingos Pereira et de plusieurs autres responsables du PAIGC.
La dissolution arbitraire du parlement le 4 décembre 2023 a un rapport avec le fait que celui-ci s’apprêtait à voter une loi pour demander la fin et le départ immédiat des forces de la CEDEAO qui ne sont là que pour protéger Embalo intronisé dans un hôtel en présence du seul Macky Sall et non pour préserver la démocratie, l’état de droit. Une commission parlementaire avait aussi été mise en place pour élucider le dossier du « faux coup d’État » de février 2022 que le président Embalo aurait fomenté contre sa propre personne occasionnant des pertes en vies humaines et l’arrestation de plusieurs hauts officiers et des civils.
Il apparaît de plus en plus clairement que les perspectives de l’élection présidentielle sont à l’origine de ces coups d’Etat institutionnels d’Embalo qui avait été battu à plate couture lors des législatives du 4 juin 2023 par la coalition politique PAI – Terra Ranka, dirigée par son principal opposant, Domingos Simoes Pereira, leader du PAIGC.
Hanté par la perte prévisible du pouvoir, le président Embalo veut éliminer son principal adversaire Domingos Pereira. Ce qui rappelle les pratiques de l’État hors la loi de Macky/APR/BBY au Sénégal. Tous ces forfaits liberticides ont été réalisés dans un silence assourdissant du club néocolonial de la CEDEAO contre lequel des organisations communistes, panafricaines, anti-impérialistes et populaires ont fondé avec le PAIGC à Accra le 10 décembre 2022 WAPO/OPAO (Organisation des Peuples d’Afrique de l’ouest).
Le malheur de la Guinée Bissau est une conséquence de l’assassinat d’Amilcar Cabral
Le 20 janvier 1973 des traîtres infiltrés dans le PAIGC manipulés par le colonialisme fasciste portugais tuaient à bout portant le leader révolutionnaire des mouvements de libération armée des colonies portugaises d’Afrique, Amilcar Cabral. Le 24 septembre 1973, la Guinée Bissau et le Cap-Vert unis proclamèrent leur indépendance que le colonisateur portugais ne reconnut que le 10 septembre 1974 après la « révolution des œillets » qui renversa la dictature fasciste de Salazar comme l’avait prévu fort justement Amilcar Cabral.
Le 14 novembre 1980, le général Joao Bernardo Vieira, premier ministre, opérait un coup d'État ethniciste qui conduisit à la séparation entre la Guinée Bissau et le Cap-Vert. Commençait alors une longue période de pouvoirs successifs mafieux narcotrafiquants militarisés. Avant le coup d'État, l'unification était inscrite dans les constitutions des deux territoires dirigés par le PAIGC qui les définissait comme "deux corps avec un seul cœur" comme le voulait son fondateur Amilcar Cabral.
Les contradictions entre nationalités et l’irrésolution de la question nationale coloniale une fois l’indépendance obtenue sont une des causes de ce divorce fratricide. A ce facteur relevant du processus complexe de la formation des nations à partir d’une composante plurinationale que les anthropologues colonialistes appellent « ethnies » ou « tribus » en lieu et place de « nationalités », il faut ajouter celui de la primauté militariste bourgeoise sur le politique confirmant en cela la formule pertinente de Thomas Sankara : « un militaire sans conscience politique est un criminel en puissance ».
C’est une problématique qui a traversé toutes les expériences de guerre de libération nationale en Afrique et dans le monde. Comme l’écrit Eduardo Mondlane fondateur du FRELIMO au Mozambique « Beaucoup de ces nouveaux ‘’responsables’’ n’avaient jamais été à l’école avant d’entrer dans l’armée; ils étaient illettrés, n’avaient pas reçu d’éducation… lors de leur enrôlement avant le début de la guerre. Ils ont acquis la capacité de diriger grâce à leur expérience pratique du combat et du travail politique, ainsi que par le programme d’enseignement de l’armée… l’armée apporte son concours à l’élévation du niveau de l’enseignement… de même qu’à l’éveil d’une conscience politique. Les recrues apprennent… à lire, écrire… l’armée devient l’école du peuple, ainsi que son université. Dans la brousse, dans les montagnes et les champs avec le ciel comme seul toit ».
Manifestement les expériences des luttes de libération nationale armée en Afrique ont montré de grandes prouesses populaires et fécondé des leaders et théoriciens révolutionnaires de gauche, voire communistes comme Cabral du PAIGC, Mondlane et Machel du FRELIMO, Neto et Lucio Lara du MPLA, Mulele et Laurent Kabila en RDC, Um Nyobe/Moumié/Osendé/Ouandié de l’UPC, Fred Rygiema du FPR Rwandais, mais qui, en raison de conditions objectives, ont souvent enseigné, mais n’ont pas eu le temps de former suffisamment les militants pour que le Parti commande au fusil, pour que la formation à la théorie révolutionnaire commande à la pratique combative armée.
Tous ces dirigeants et théoriciens des révolutions indépendantistes africaines ont exprimé la nécessité que la politique commande au fusil et non le contraire.
Eduardo Mondlane pensait pour empêcher que le fusil ne commande au parti qu’il était suffisant que « le Comité Central (soit) l’organe politique suprême du FRELIMO, il n’y a donc pas de contradictions, car les cadres militaires appartiennent au Comité Central, tandis que celui qui est à la tête du Comité Central préside aux réunions du Département de la Défense ». Ce précepte juste s'est révélé manifestement insuffisant.
Au Rwanda sous la direction de Kagame, en Angola sous Eduardo dos Santos, en Algérie après l’intermède Boumédiène, en Guinée Bissau sous Nino Vieira et ses successeurs, et dans bien d’autres pays, ce sont les militaristes qui, une fois l’indépendance politique obtenue, ont constitué une bourgeoisie bureaucratique d’État pour lancer ces pays, ayant arraché l’indépendance par la lutte armée populaire, dans la « mondialisation libérale » en se soumettant aux diktats libéraux du FMI et de la Banque Mondiale. Même s'ils ont plus d’acquis souverainistes que les colonies devenues néo-colonies par l'octroi calculé de l'indépendance, les régimes issus des luttes de libération nationale armée même convertis en régime civil ensuite se sont inféodés à la françafrique, l’eurafrique, l’usafrique à l’exception de Thomas Isidore Sankara.
Au contraire, en Asie, ce que les communistes révolutionnaires ont réalisé est ainsi résumé par le Maréchal Giap : « Le principe le plus fondamental de la construction de l’armée est de la mettre sous la direction du parti, et dans l’armée de consolider la direction du parti : le parti est le fondateur, l’organisateur et l’éducateur de l’armée ». Ce fut le cas en Chine avec Mao Tsé Toung, à Cuba avec Fidel Castro Ruz, en Corée du Nord avec Kim Il Sung, au Vietnam avec Hô Chi Ming.
En Guinée Bissau, le malheur a donc été le travail inachevé de formation idéologique et politique d’Amilcar Cabral. Il en est de même dans les cas de Mondlane au Mozambique, de Sankara au Burkina Faso, tous les deux assassinés.
Le putschiste Embalo et la CEDEAO
Qui n’a pas entendu l’autocrate va-t-en guerre de Bissau contre les « putschistes » (sic!) de Bamako, Ouagadougou, Niamey, bref l’AES, en écho à Ouattara de Côte d’Ivoire, Talon du Bénin, Macky du Sénégal et Tinubu du Nigeria au nom de la CEDEAO ?
Pris dans le piège de sa propre turpitude, le voilà qui expulse « la commission de 8 membres de la CEDEAO dirigée par l’ancien ministre des affaires étrangères du Nigeria pour rencontrer les leaders de l’opposition afin d'entamer des discussions au menu desquelles la recherche de solutions à cette crise politique lourde de dangers » comme on peut le lire dans la presse. Que va faire le club des chefs d’États néo-coloniaux devant l’humiliation infligée par un de ses pairs prétendument « anti-putschiste » d’hier ? Quel silence honteux de la CEDEAO ? Que vont faire les deux présidents souverainistes Sénégalais et Ghanéens encore membres de la CEDEAO pour ne pas désespérer le peuple frère Bissau-Guinéen ?
Difficile d'invalider pour le moment ces propos que nous lisons dans une presse africaine : « En organisant la signature des accords de cessez-le-feu définitif entre le gouvernement du Sénégal et le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) au même moment que l’opposition et la société civile bissau-guinéenne contestent ce report, Umaro Sissoko Emballo n’a-t-il pas voulu allumer un contre-feu ? Pour certains analystes, le Président bissau-guinéen sortant multiplie les initiatives dans le but seul d'éclipser la dynamique de l’opposition et de la société civile hostile à toute prorogation de son mandat. Avec cette signature, Embalo fait l’actualité dans son pays, joue la montre et fixe son chronogramme à maxima, non sans brandir sa force à travers sa garde présidentielle solidement armée à l’opposé de l’armée régulière sous-équipée ». On se souvient qu’en 1998, Nino Vieira avait aussi fait appel à notre armée nationale sous Abdou Diouf dans un conflit interne fratricide qui lui sera ensuite fatal.
Les civils et militaristes françafricains, eurafricains, usafricains ont été reconvertis en politiques civils par les « conférences nationales » et les renégats de la gauche historique sont tout simplement passés de l'opposition radicale anti-impérialiste à l'intégration par le système des privilèges indus et de la corruption dans la gouvernance néocoloniale mondialiste pilotée par le FMI/BM/OMC. Ce faisant, cette impatience de la petite bourgeoisie dite de gauche a laissé un vide politique rempli par l'actuelle rébellion souverainiste de la jeunesse civile et militaire africaine contre le néocolonialisme servile à l'impérialisme prédateur de nos richesses nationales.
Le putschiste Embalo et l’AES
Deux formes caractérisent l’avènement de nouveaux pouvoirs souverainistes actuellement : d’une part la victoire électorale de l’offre politique du parti souverainiste comme c’est les cas au Sénégal et au Ghana et d’autre part dans un contexte d’insécurité armée djihado-terroriste et séparatiste, le parachèvement par un coup d’Etat des mobilisations populaires en raison de l’inexistence d’offre politique, notamment de la part des gauches devenus traîtres au souverainisme anti-impérialiste prôné jadis comme c’est le cas au Mali, Burkina, Niger.
Seuls la droite libérale et les socialistes libéraux, tous néo-coloniaux, agitent désespérément en écho à la propagande des impérialistes occidentaux le piège attrape-nigaud qui consiste à opposer ces deux formes de prise de pouvoir souverainiste.
Ces pouvoirs civils ou militaires souverainistes ont tous hérité d’un État néocolonial et d’une classe politique corrompue par plus de 60 années de continuité de la gouvernance néocoloniale civile ou militaire. Tous héritent d’un affaiblissement politique et syndical général des classes laborieuses et des forces démocratiques organisées anti-impérialistes et de la nécessité d’élever le niveau de conscience souverainiste du peuple.
Tous héritent aussi d’une économie néocoloniale extravertie dans laquelle les entreprises impérialistes contrôlent les secteurs clefs stratégiques surtout depuis la dévaluation du franc colonial CFA. Tous sont amenés à frayer la voie à la souveraineté nationale dans le contexte actuel d’hégémonie des impérialistes USA/UE/OTAN/Israël/G7 et de remise en cause de cette hégémonie prédatrice impérialiste par les BRICS et les pays socialistes résistants que sont la Chine populaire première puissance économique et technologique, la Corée du nord puissance nucléaire défensive, le Vietnam puissance économique en construction, Cuba puissance médicale et pharmaceutique.
Ils ont tous besoin d’un PARTI et/ou d’un FRONT souverainistes qui soutiennent les politiques de décolonisation de l’appareil d’État, de l’économie nationale, de la diplomatie et la défense nationale. Le PARTI et le FRONT doivent contrôler le gouvernement à travers les députés ou les représentants dans les institutions de la transition. Le PARTI et/ou le FRONT doivent dans une liaison indissoluble expliquer au peuple les mesures successives des étapes vers la décolonisation politique, économique et culturelle.
Il est donc fondamental d’étudier les expériences et étapes de la première phase de la lutte de libération africaine pour savoir d’où on vient, où en est-on et où aller en ne confondant pas changement d’homme ou de gouvernement et libération nationale de l’oppression néocoloniale.
Le parti souverainiste anti-néo-colonial et anti-impérialiste doit, à terme, commander au fusil et au leadership individuel et personnalisé pour garantir au maximum la continuité stratégique et opérer les ruptures tactiques conduisant et mobilisant le peuple sur le chemin ardu de la libération nationale.
La Guinée Bissau est plongée depuis des décennies dans le marais nauséabond du narcotrafic et de la corruption généralisée qui contaminent les hautes sphères de l’appareil d’État néocolonial dont le PAIGC veut sortir le pays. La nature mafieuse des régimes successifs depuis le coup d'État de 1980 est criante. La lutte de l’actuel pouvoir de gauche Colombien contre le narcotrafic alimente la crise interne des revenus tirés du narcotrafic au sein de la bourgeoisie politico-militaire en Guinée Bissau.
Le front politique mis en place par le PAIGC dont le candidat à la présidentielle est Domingos Simoes Pereira apparaît comme l’alternative à l’État mafieux hors la loi autocratique de Embalo/Madem, cette coalition néocoloniale libérale qui règne avec brutalité sur le pays d’Amilcar Cabral.
L’offre politique du PAIGC doit rassembler et unir toutes les forces vives patriotiques de Guinée Bissau pour chasser l’autocratie militaro-bourgeoise qui y sévit depuis le coup d'État anti-panafricain qui a fait éclater l’unité avec le Cap-Vert.
14/03/25
Diagne Fodé Roland