Le premier puits de gaz du projet GTA (Grand Tortue Ahmeyim) a été ouvert. Il « marque le couronnement des opérations techniques et ouvre la voie au démarrage de la production du gaz prévue très prochainement », annonce un communiqué conjoint du Sénégal et de la Mauritanie en date du 31 décembre 2024 et publié le 1er janvier 2025.
« L’ouverture du puits est une étape historique pour le Sénégal. Elle traduit notre vision commune avec la Mauritanie de faire du projet GTA un modèle de collaboration énergétique réussi », se réjouit le ministre sénégalais de l’Energie, du Pétrole et des Mines, Birame Soulèye Diop dont les propos sont rapportés dans le communiqué cité ci-dessus.
Le projet Grand Tortue Ahmeyim, situé à la frontière maritime entre les deux pays, est une initiative commune des deux pays soutenue par un consortium technique composé de l’opérateur principal British Petroleum (BP), Kosmos Energy, la Société des pétroles du Sénégal (PETROSEN) et la Société mauritanienne des hydrocarbures (SMH).
« Ce partenariat exemplaire avec le Sénégal démontre la capacité de nos deux pays à atteindre ensemble des objectifs ambitieux et durables », souligne Mohamed Ould Khaled, ministre de l’Energie et du Pétrole de la Mauritanie. « L’avenir énergétique de notre région s’annonce prometteur », précise-t-il.
Le champ GTA est situé à 120 km au large de Saint-Louis à une profondeur de 2850 mètres, indique une note de British Petroleum. C’est « la plus profonde infrastructure sous-marine d’Afrique ». Il devrait produire 2,5 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié par an pour la phase 1 du projet, selon BP, et monter à 6 millions de tonnes à partir de 2027 et/ou 2028, affirme le mensuel Jeune Afrique d’octobre 2023.
Incertitudes chez BP
Découvert en 2015 grâce aux forages des puits Tortue 1 (Ahmeyim-1) du coté mauritanien, et Guembeul-1 du coté sénégalais, le gisement GTA est doté d’environ 20 TCF (Tri billion Cubic Feet) de gaz naturel, l’équivalent de 560 milliards de mètres cubes de gaz naturel, rapporte un document de la société PETROSEN exploité par IMPACT.SN.
Le projet GTA reste néanmoins parsemé d’embûches dans sa mise en oeuvre. Sa mise en exploitation, une première fois prévue pour 2022, puis pour 2023, n’a jamais respecté ces deux échéances. Ni une troisième en 2024. Au cours de sa déclaration de politique générale du 27 décembre 2024, le premier ministre sénégalais a situé la date de production du gaz pour le courant 2025.
Début juin 2024, le FPSO, navire flottant chargé du traitement et du stockage du gaz, avait commencé à être amarré aux infrastructures du projet. Il a été construit par les chantiers navals de l’entreprise publique chinoise Cosco (China ocean shipping company) à Qidong.
Une autre incertitude plane sur le projet. Le Sénégal et la Mauritanie sont présentement en contentieux avec British Petroleum. Les deux partenaires voisins contestent plusieurs volets des investissements financiers revendiqués par l’opérateur britannique et portant sur plusieurs centaines de millions de dollars. L’affaire est devant les tribunaux sénégalais.
En sus, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, arrivé au pouvoir en avril 2024, et son premier ministre Ousmane Sonko ont lancé une politique de renégociation des contrats pétroliers, gaziers et miniers signés par le régime précédent. Selon le bulletin Africa Intelligence (AI) du 4 décembre 2024, le cabinet d’audit et d’expertise comptable Mazars a jugé « surévalué » le coût de 4,1 milliards de dollars d’investissements divers dans GTA annoncé par BP.
« Intérêt national stratégique »
En juillet 2021, le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani et l’ex chef d’Etat sénégalais Macky Sall avaient conféré au GTA le statut de « Projet national d’intérêt stratégique » eu égard à « l’importance du projet pour les deux pays et pour la sous-région » à « la nécessité de se conformer aux délais fixés » pour sa concrétisation effective.
Si la décision finale d’investissement sur le projet GTA a été signée par le Sénégal en décembre 2018, elle a été précédée par la signature, en de la même année, d’un Accord de coopération internationale (ACI) entre Dakar et Nouakchott. Celui-ci a été validé par l’assemblée nationale du Sénégal en février 2018-21 et ratifié par le président sénégalais.
« Pour être opérationnel, l’ACI a été complété par un Accord d’Unitisation (UUOA), signé le 6 février 2019 à Nouakchott et le 7 février 2019 à Dakar entre les différents Contractants au niveau des deux Etats et approuvé par les Ministres en charge des hydrocarbures des deux pays », précise le document de Petrosen.