Article modifié le 7 janvier 2025 à 07:30 GMT
Le premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a jugé fausses les déclarations du président Emmanuel Macron concernant la fermeture annoncée des bases militaires françaises en territoire sénégalais. A la réunion annuelle des ambassadrices et ambassadeurs de France tenue le 6 janvier à Paris, le chef de l’Etat français a affirmé que c’est la France elle-même qui a « proposé aux chefs d’Etat africains de réorganiser » la présence militaire française. « Comme on est très polis, on leur a laissé la primauté de l’annonce. Mais ne vous y trompez pas, c’est nous qui l’avons… »
Mais selon Ousmane Sonko, la réalité est bien différente des propos du président français.
« Je tiens à dire que, dans le cas du Sénégal, cette affirmation est totalement erronée. Aucune discussion ou négociation n’a eu lieu à ce jour et la décision prise par le Sénégal découle de sa seule volonté, en tant que pays libre, indépendant et souverain », écrit le chef du gouvernement sur ses plateformes de communication dans la soirée du 6 janvier 2025.
Dans la foulée de ses propos ci-dessus rapportés, Emmanuel Macron s’est ensuite vanté d’avoir été un paratonnerre pour certains régimes africains auxquels il aurait évité le chaos et la disparition.
« Je le dis pour tous les gouvernants africains qui n’ont pas eu le courage vis-à-vis de leurs opinions publiques de le porter, aucun d’entre eux ne serait aujourd’hui un pays souverain si l’armée française ne s’était pas déployée dans cette région », soutient-il avec aplomb.
En réponse, Ousmane Sonko dit constater pour sa part que « La France n’a ni la capacité ni la légitimité pour assurer à l’Afrique sa sécurité et sa souveraineté. Bien au contraire, elle a souvent contribué à déstabiliser certains pays africains comme la Libye avec des conséquences désastreuses sur la stabilité et la sécurité au Sahel. »
A rebours des déclarations d’Emmanuel Macron, le premier sénégalais rappelle que « si les soldats Africains, quelquefois mobilisés de force, maltraités et finalement trahis, ne s’étaient pas déployés lors de la deuxième guerre mondiale pour défendre la France, celle-ci serait, peut être aujourd’hui encore, Allemande. »
Sur son compte X, le journaliste Edwy Plenel, fondateur de Mediapart, écrit le 7 janvier 2025 comme pour soutenir - en partie - le propos du premier ministre sénégalais :
« Au 31 juillet 1943, sur l'ensemble des Forces françaises libres, on comptait 66% de soldats coloniaux, pour l'essentiel d'Afrique de l'Ouest et du Nord. S'y ajoutaient 16% de légionnaires pour la plupart étrangers. La France libre, dans ses troupes, fut majoritairement africaine. »
Avec cette sortie du président Emmanuel Macron, les relations entre Paris et Dakar ne risquent pas de se réchauffer de sitôt. Le contentieux politique né avec le soutien inconditionnel de la France à l’ex régime de Macky Sall dans ses dérives autoritaires contre l’opposition et la société civile va certainement se consolider.
Le départ des troupes françaises des zones militaires occupées réclamé le 31 décembre 2024 par le président Bassirou Diomaye Faye, et la récupération des emprises par l’Etat sénégalais vont constituer la première grande rupture entre les deux pays dans leurs rapports post-coloniaux vieux de 64 ans.