Jair Bolsonaro restait toujours muré dans le silence depuis l'annonce dimanche soir de la victoire sur le fil de l'icône de la gauche Lula (50,9% contre 49,1%). Mais la presse brésilienne bruissait d'informations non-confirmées sur une déclaration avant la fin de la journée.
Lancé la veille, le mouvement de protestation sur les axes routiers a fait tâche d'huile, des appels à les soutenir se sont multipliés sur les comptes pro-Bolsonaro sur Twitter et Telegram, a constaté l'équipe d'investigation numérique de l'AFP.
La police routière fédérale (PRF) rapportait à la mi-journée environ 267 barrages, totaux ou partiels, dans au moins 22 des 27 Etats du Brésil. Lundi soir, seulement une douzaine d'Etats étaient concernés.
Mais selon le directeur général Anderson Torres "quelque 200 barrages ont déjà été levés".
"C'est une opération complexe" avec "plus de 75.000 kilomètres de routes qui nécessite un grand nombre de personnel et de logistique", a-t-il dit lors d'une conférence de presse.
"Nous avons demandé le soutien de la police fédérale, de la police nationale et de la police militaire (...) afin de rétablir l'ordre le plus rapidement possible pour assurer le droit d'aller et venir des citoyens et la circulation des biens et des personnes", a-t-il ajouté.
- "Qu'ils débloquent" -
À Novo Hamburgo, près de Porto Alegre (sud), la police a fait usage de gaz lacrymogène pour disperser les manifestants, a constaté un photographe de l'AFP.
L'autoroute menant à l'aéroport international de Guarulhos de Sao Paulo a été rendue à la circulation après l'intervention de la police. Son blocage matinal a provoqué le retard ou l'annulation de certains vols.
Un convoi de poids lourds transportant du matériel de l'écurie de F1 Ferrari a été bloqué temporairement à la sortie de l'aéroport de Viracopos, à deux heures de Sao Paulo mais est arrivé "comme prévu à Interlagos" où débutent vendredi 11 les essais du GP du Brésil.
Lundi soir, un juge de la Cour suprême a ordonné le "déblocage immédiat des routes et des voies publiques" et demandé à la Police routière fédérale (PRF) de prendre "toutes les mesures nécessaires".
A Sao Paulo, Jeremias Costa dit manifester "en lien avec l'élection, en lien avec l'avenir du Brésil, avec celui de nos enfants". Il dit attendre "avec impatience une réaction de lui (Jair Bolsonaro), mais ce n'est pas pour Bolsonaro, c'est pour le Brésil, pour la Démocratie".
"Qu'ils débloquent les routes ! (... ) c'est inconcevable", rétorque Rosangela Senna, habitante de Rio de 62 ans qui attend un hypothétique départ d'autocar à la gare routière.
Santa Catarina (Sud), où Jair Bolsonaro a remporté près de 70% des voix, est l'Etat qui comptait le plus de routes bloquées.
La capitale Brasilia était calme après les restrictions "préventives" d'accès à la place des Trois pouvoirs, où se trouvent le Palais présidentiel, le Parlement et la Cour Suprême. Un appel à manifester intitulé "Le Brésil ne sera pas un Venezuela" a été lancé pour 15H00 (18H00 GMT).
A Sao Paulo, c'est un appel qui circulait à "la plus grande mobilisation de l'Histoire" mercredi sur l'Avenue Paulista, inondée dimanche soir par des centaines de milliers de sympathisants en liesse de Lula.
- "Capitole des camionneurs" -
Dans un éditorial mardi, le quotidien O Globo qualifiait ce mouvement de "Capitole des camionneurs", une allusion aux incidents de Washington en janvier 2021.
Le transport routier est essentiel au Brésil, pays aux dimensions continentales comptant peu de voix ferrées. En 2018, une grève de dix jours des camionneurs avait entraîné des problèmes d'approvisionnement.
Plusieurs dirigeants de ce mouvement se sont désolidarisés des camionneurs bolsonaristes.
"Ce n'est pas le moment de bloquer le pays. Il faut être unis pour défendre notre corps de métier et accepter le résultat (de l'élection). C'est ça la Démocratie", a déclaré lundi le président de l'association de chauffeurs routiers ABRAVA, Wallace Landim.
De nombreux chefs d'Etat étrangers ont félicité depuis dimanche soir Luiz Inacio Lula da Silva pour son troisième mandat à la tête du pays, après ceux de 2003 à 2010.
Lula doit prendra officiellement ses fonctions au 1er janvier, mais une transition du pouvoir devrait commencer dès maintenant, si le gouvernement sortant accepte de coopérer.
Lula a été invité mardi par l'Egypte à assister à la COP27 à Charm el-Cheikh. Un des ses porte-parole a affirmé qu'il "réfléchissait" mais "n'avait pas encore pris sa décision". (AFP)