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DEMOCRATIE REPRESENTATIVE : Un ex-modèle nommé Sénégal…

Mardi 26 Juillet 2016

Avec deux alternances en 2000 et en 2012, le Sénégal est cité en exemple sur le continent. Mais est-il encore vraiment un modèle pour l’Afrique ? Pour le professeur Alioune Badara Diop, agrégé de sciences politiques, notre pays, bien qu’il reste et demeure un Etat démocratique, a quasi cessé d’être un modèle depuis la fin des années 90.
 
Un régime politique, selon Alexis de Tocqueville, est un environnement où la démocratie est un Etat social dans lequel les citoyens sont égaux en soulignant qu’ils ne peuvent l’être au niveau économique ou social. Il différencie trois formes d’égalité : l’égalité devant la loi, l’égalité des chances, l’égalité de considération. Vu comme tel, le Sénégal peut être considéré une démocratie représentative d’un point de vue théorique. En effet, dans la pratique, en tenant compte du rôle dévolu aux Institutions, la sphère de décision semble être une ‘’propriété privée’’ de l’Exécutif. S’il est vrai que le législatif tout comme le judiciaire jouent pleinement leur rôle, il est également avéré que l’existence d’un régime ultra présidentialiste phagocyte littéralement certains acquis démocratiques.

De quoi se demander si, véritablement, le Sénégal est un modèle pour l’Afrique d’aujourd’hui ? A cette interrogation, le professeur Alioune Badara Diop, agrégé en Sciences politiques et enseignant à la Faculté des sciences juridiques et politiques (Fsjp) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) se veut prudent et assez nuancé. «Il faut beaucoup de précautions pour répondre à cette interrogation», a-t-il dit lors d’un panel sur le thème : «Démocratie participative : Enjeux, acteurs et limites du pouvoir politique.»

Interrogeant l’histoire récente de la politique sénégalaise, il a rappelé la concurrence mortelle qui existait dès 1960 entre Mamadou Dia, président du Conseil, et Léopold Sedar Senghor, Chef de l’Etat. Dans un régime parlementaire construit au premier jour des indépendances, Senghor qui n’était que l’ombre de lui-même a dû «créer» un coup d’Etat pour court-circuiter son grand rival – un homme d’Etat très fort, doublé d’une conscience politique très forte.

Ce qui avait conduit à la crise de 1962, suivi de l’arrestation et de la condamnation de Mamadou Dia. De quoi faire dire au professeur Alioune Badara Diop que le Président Senghor s’était par la suite taillé les habits d’un ultra présidentialiste avec une formation politique qui a régné sur le pays pendant quarante ans. Mais, s’empresse-t-il de dire : «A ce niveau, nous faisons face à un anti-modèle de démocratie.»
 
«L’exception sénégalaise n’est plus à l’ordre du jour»
Faisant remarquer au passage qu’il n’existe nulle part dans le monde «un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple», l’agrégé en sciences politiques n’a pas manqué de clamer que malgré tout, le Sénégal est resté un modèle de pure démocratie jusqu’au début des années 90. Cette période qui a coïncidé avec la fin d’un monde bipolaire (fin de la guerre froide avec la chute du mur de Berlin) avait déjà permis à notre pays de prendre les devants, contrairement à nombre d’Etats africains où certains dirigeants avaient imposé un système marxiste totalitaire. L’on rappelle qu’à partir de 1974, le Sénégal avait déjà reconnu l’existence de quatre courants politiques, suivi de l’ouverture du multipartisme intégral en 1983 et du Code électoral consensuel de 1992.

Sous ce rapport, Alioune Badara Diop signale qu’après la chute du mur de Berlin, les régimes totalitaires en Afrique avaient fini de revoir leur copie. «C’est le cas par exemple du Bénin qui était devenu une grande démocratie. Donc, l’exception sénégalaise n’était plus à l’ordre du jour.»
Une autre difficulté qui caractérise le système démocratique sénégalais, malgré deux alternances en 2000 et 2012, est l’existence d’un régime présidentiel très puissant. «Il y a une quasi-inexistence du législatif et du judiciaire sans parler de l’hypothèque religieuse confrérique et culturelle qui pèse sur la démocratie sénégalaise», a souligné le professeur Alioune Badara Diop.
ABDOULAYE MBOW
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