Quelques évolutions récentes confirment que le sport est aujourd’hui partie intégrante de la vie économique et sociale et qu’il doit être traité comme tous les secteurs d’activités dans la société contemporaine. Il doit être organisé par et pour l’homme !
Au plan institutionnel, le modèle de gouvernance qui est en train de s’imposer et celui qui tend à l’inclusion totale avec une plus forte implication des sportifs qui sont de plus en plus placé au cœur de la décision. Dans plusieurs pays, l’évolution institutionnelle se réalise avec l’objectif de la « coconstruction » des politiques sportives au niveau aussi bien étatique que fédéral. Aujourd’hui, la France a préféré faire gérer son sport par une structure qui fait passer notre méthode de cogestion reposant sur la technique contractuelle de la délégation de pouvoirs comme une vieille relique. Il s’agit de la structure dénommée Agence Nationale du Sport qui, bien que n’ayant pas fait l’unanimité dans ce pays, ne me semble pas totalement étrangère aux excellents résultats organisationnels et sportifs de cette nation lors des JO de 2024. Dans cette structure, tout le volet « sport de haut niveau » est confié au coach français qui a gagné toutes les compétitions de sa discipline au niveau mondial, européen et national (Claude Onesta). Au final, la structure a permis de « garantir la collégialité nécessaire à la coconstruction d’une dynamique commune respectueuse des politiques de chacun des acteurs du sport : l’État, le mouvement sportif, les collectivités territoriales et le monde économique ».
Le sport devenu une activité économique à part entière dans la société, ses normes doivent être conformes au principe du vivre-ensemble.
Au plan normatif, on assiste de plus en plus à des évolutions qui permettent de réaliser un plus grand ancrage du sport comme une activité économique partie intégrante de la société. En conséquence, ses normes, malgré la spécificité de l’activité sportive, doivent se conformer aux valeurs cardinales de notre « vivre ensemble », notre vie en commun qui exige des valeurs et normes communes de base qui sont le socle de notre harmonie.
Je prends juste la dernière en date de ces évolutions relative à la décision de justice rendue par la Cour Européenne sur la désormais très célèbre affaire Lassana Diarra qui est sur les traces de la toute aussi célèbre affaire Bosman. Les travailleurs, dans l’activité économique qu’est le football professionnel, sont des êtres humains. Ils doivent donc bénéficier de toutes les garanties qu’offre le système juridique, en particulier la liberté d’aller, de venir, de travailler dans le pays de son choix et avec l’employeur de son choix … Malheureusement le mode de fonctionnement du sport contemporain a tendance à oublier l’humanité au profit du business.
"Le mode de fonctionnement du sport contemporain a tendance à oublier l’humanité au profit du business."
C’est le cas dans le football professionnel. Le système des transferts de la FIFA est fait de telle sorte qu’il devenait impossible de rompre son contrat de travail de footballeur. En tout cas, le footballeur Diarra, désireux de quitter un club (Lokomotiv Moscou), n’a pas pu se faire recruter par un club belge (Charleroi) qui craignant qu’on le condamne à payer la très importante indemnité pour rupture abusive mise sur la tête du joueur, a finalement renoncé au recrutement de Diarra, désormais condamné au chômage.
C’est ce système reposant sur la réglementation FIFA du transfert des joueurs qui a été considérée par la Cour de Justice de l’Europe (CJCE) « de nature à entraver la liberté de circulation des footballeurs professionnels », en faisant « peser sur ces joueurs et sur les clubs souhaitant les engager des risques juridiques importants, des risques financiers imprévisibles et potentiellement très élevés ainsi que des risques sportifs majeurs qui, pris ensemble, sont de nature à entraver le transfert international des joueurs ». La décision du juge repose sur le droit européen de la concurrence qui consacre par son Traité, la libre circulation des hommes et des biens.
La décision du juge européen repose sur le droit européen de la concurrence qui, par son traité, consacre la libre circulation des hommes et des biens.
La FIFA vient de prendre acte de la décision de justice et de modifier, avant le mercato d’hiver, son règlement sur les transferts internationaux de joueurs par une Circulaire n° 191 en date du 23 décembre 2024 instaurant un cadre temporaire qui « permettra à la FIFA de continuer à garantir l'application uniforme de règles partout dans le monde et à ce que les clubs du monde entier soient soumis à des normes réglementaires cohérentes en matière de composition des équipes, de stabilité contractuelle et de transferts internationaux de joueurs ».
Le syndicat des footballeurs français (UNFP) n’avalise pas du tout la totalité des mesures de la FIFA. Soulignant que la régulation du marché du travail ne peut à l’avenir résulter que d’une négociation collective entre les partenaires sociaux européens, il réclame une sorte de dialogue social à l’échelle européenne comme cela se fait dans les autres secteurs activités entre partenaires sociaux.
Phénomène mondial en mutations permanentes, le sport n'a pas fini de se construire son droit à lui.
Par la même occasion, ce syndicat semble remettre en cause le monopole du tribunal arbitral du sport (TAS) sur le règlement de la quasi-totalité des litiges du sport. Ce qui est une vieille revendication du mouvement sportif africain. Le sport comme phénomène économique et social n’ayant pas encore fini sa mutation, le droit du sport n’a pas encore fini de se construire !
Professeur Abdoulaye SAKHO
Directeur de l’Ecole de Droit Gestion et Economie (Institut EDGE).
Fondateur du Master Droit et Economie du Sport
NB : Les intertitres sont de la rédaction