Le fait qu’il y ait eu deux alternances au Sénégal en l’espace de douze ans fait sortir le pays de la catégorie des démocraties sans alternance. Ce phénomène banal dans les vieilles démocraties constituait en 2000 un fait historique. Il s’est répété en 2012 laissant transparaitre des signes évidents d’une vitalité démocratique. En instituant une Commission nationale de réforme des institutions –CNRI- chargée de « formuler toutes propositions visant à améliorer le fonctionnement des institutions, à consolider la démocratie, à approfondir l’Etat de droit et à moderniser le régime politique », le Président de la République semblait avoir bien perçu la nécessité de consolider les acquis de la démocratie sénégalaise. La Commission avait reçu mandat de prendre en charge, entre autres, les problématiques suivantes:
- La consolidation de l’Etat de droit ;
- L’équilibre des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire ;
- Le renforcement de l’indépendance de la justice ;
- L’approfondissement de la démocratie représentative et participative ;
- Le renforcement et la protection des libertés publiques ;
- La protection et la promotion des valeurs positives de notre société ;
- La promotion de la bonne gouvernance, de la transparence et de l’éthique dans la gestion des affaires publiques ainsi que la culture de l’imputabilité ;
C’est dire que le Président de la République n’a pas perdu de vue, en dépit des signes évidents d’avancées démocratiques, la nécessité de remédier aux dysfonctionnements notés dans l’aménagement du Pouvoir d’Etat et dans la vie des institutions. Le diagnostic de base établi par la CNRI dès le début de ses travaux, a été validé par les citoyens et les acteurs politiques et sociaux impliqués dans le processus. Il fait ressortir une séparation imparfaite et un équilibre factice des Pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, un Parlement qui n’exerce pas de contrôle efficient sur l’action du gouvernement, se bornant généralement à un soutien inconditionnel de celui-ci, un Pouvoir judiciaire, supposé indépendant mais qui n’est pas toujours en mesure d’assurer pleinement ses missions dans l’impartialité, l’équité et l’indépendance, une Administration de plus en plus déstabilisée par une politique d’externalisation, une gestion des élections, source de conflits récurrents et de menaces sur la paix sociale, des droits et libertés qui souffrent parfois d’ineffectivité, un dépérissement inquiétant des valeurs positives de notre société avec une floraison d’actes d’incivisme, d’indiscipline et de défiance vis-à-vis de l’autorité étatique..
Conformément aux dispositions du décret n°2013-730 du 28 mai 2013 l’instituant, la CNRI a mené« selon une méthode inclusive et participative, la concertation nationale sur la réforme des institutions». Elle a formulé des propositions consignées dans un rapport remis au Chef de l’Etat le 13 février 2014.
Le Forum Civil se félicite de l’annonce, dernièrement, de l’imminence du référendum qui annonce la mise en oeuvre des réformes mais constate que cela intervient près de deux ans après la remise du rapport de la CNRI au Président de la République.
Le Forum Civil estime que le statuquo institutionnel est de nature à affaiblir la citoyenneté et à renforcer la désaffection des citoyens par rapport à la chose politique du fait de multiples espoirs de rupture déçus.
Le Forum Civil demande au Gouvernement de mettre en débat les questions, objet du référendum en tenant compte du caractère obsolescent du système actuel de gouvernance et d’éviter d’enfermer les réformes institutionnelles dans la temporalité d’un mandat et de mettre les citoyens dans une position inconfortable au moment du choix.
Le Forum Civil invite le Gouvernement à mettre à profit les réformes institutionnelles pour bâtir des consensus forts s’inscrivant dans la durabilité. Pour cela, il est nécessaire de fonder les propositions de réforme sur les accords structurels constatés à travers les concertations citoyennes.
Le Forum Civil réaffirme la nécessaire articulation des réformes institutionnelles avec les chantiers de réforme en cours (Acte III de la décentralisation, réforme foncière, PSE...) avec pour préoccupation centrale le renforcement de la place du citoyen dans la gouvernance du pays.
Enfin, le Forum Civil demande au gouvernement de publier le plus rapidement ses propositions de réformes pour lancer le débat national.