MALI. « Une fois au pouvoir, je supprimerai le poste de Premier ministre parce qu'il n'est pas utile dans le système présidentialiste africain ». Cette assurance nous a été faite par Moussa Mara qui a été lui-même chef de gouvernement à 39 ans. Quant au chef de l'Etat malien, Ibrahim Boubacar Keïta (72 ans en janvier dernier), il a avoué ne voir en ses Premiers ministres que «des fusibles qui peuvent sauter à tout moment ».
Il a bien raison: en quatre ans de pouvoir, il en a déjà usé trois (Oumar Tatam Ly, Moussa Mara et Modibo Keïta) en attendant le sort qui pourrait être réservé au dernier venu, Abdoulaye Idrissa Maïga, nommé en avril dernier. Pour IBK, ils sont des «béquilles» qui sont contraints de devenir impopulaires. Des boucliers politiques dans un pays confronté à dix mille problèmes prioritaires.
Pourtant en théorie, la Constitution malienne (régime semi-présidentiel) dispose bien que «le Premier ministre détermine et conduit la politique de la Nation». Dans les faits, n'étant pas élu par le peuple comme l’est le chef de l’Etat, comment ce PM pourrait-il avoir la prétention de conduire la politique de la Nation ? Alors, il se contente d'exécuter la politique définie au préalable pour le président élu.
Ailleurs, la fonction n'a pas toujours été indispensable pour la bonne marche des institutions en Afrique.
BENIN. Le poste n'est pas prévu par la Constitution du 11 décembre 1990, puisqu'il a été aboli à l'issue de la Conférence nationale souveraine. L'article 54 précise que «le président de la République est le détenteur du pouvoir exécutif. Il est chef du gouvernement et à ce titre, il détermine et conduit la politique de la Nation». Premier des ministres, il est essentiellement chargé de la coordination de l'action gouvernementale.
Malgré tout, il fut un temps où Adrien Houngbédji (1996-1998) porta le titre sous Mathieu Kérékou. Treize ans plus tard, Yayi Boni consacra son retour en nommant Pascal Irenée Koupaki (2011-2013). Entre 2013 et 2015, il resta vacant. Plus tard, Lionel Zinsou, 62 ans, (2015-2016) monte au front afin de bien se positionner à la présidentielle. En somme, «un Pm pour que». Mais lorsqu'il sort victorieux face à Zinsou, Patrice Talon, 58 ans, revient à l'orthodoxie en supprimant la fonction primatoriale.
Mais ailleurs, il arrive que par un concours de circonstances, son poids soit significatif.
CÔTE D'IVOIRE. «Mon destin est formidable!», confiait Guillaume Soro en 2012 à l’hebdomadaire Jeune Afrique. Il est vrai que ministre d'Etat à 30 ans, Premier ministre à 34, président de l'Assemblée nationale à 39, relève d'un parcours fulgurant pour cet ancien dirigeant de lutte estudiantine, devenu plus tard chef rebelle.
Hélas, cinq ans après, le jusque-là dauphin constitutionnel doute. Présumé empêtré dans un scandale de cache d’armes survenu en pleine mutinerie d’ex-soldats rebelles, il pourrait être directement visé par l’enquête déclenchée à cet effet. Mais en amont et à son détriment, la nouvelle constitution adoptée par référendum en novembre 2016 fait du titulaire de la vice-présidence de la République le successeur d’Alassane Dramane Ouattara. En l’occurrence Daniel Kablan Duncan, ancien…Premier ministre.
Créé par Félix Houphouët-Boigny en 1990 dans un contexte économique morose, le titulaire du poste de Premier ministre devait répondre à un profil de technocrate, spécialiste des questions économiques et financières. Désigné pour administrer une thérapie de choc, ADO, 75 ans aujourd’hui, aura été un Pm fort. A côté d’un président âgé et malade, ses pouvoirs étaient exorbitants, suscitant par la même occasion l’agacement du dauphin constitutionnel qu’était alors le président de l’Assemblée nationale, Henri Konan Bédié.
Dans les faits, cette fonction de PM peut rapidement créer un rapport intense au pouvoir. Elle est tout aussi gratifiante qu’ingrate. C'est pourquoi, beaucoup de Pm ne deviendront pas président, même s’il faut citer quelques exceptions: le Béninois Nicéphore Soglo, l’Ivoirien Alassane Ouattara, le Malien Ibrahim Boubacar Keïta, le Burkinabè Roch Marc Christian Kaboré et le Sénégalais Macky Sall, entre autres.
BURKINA FASO. Paul Kaba Thiéba, 57 ans, nommé en janvier 2016 est un technocrate discret et légèrement en retrait, il est un ancien camarade de classe du Président Roch Marc Christian Kaboré (60 ans). Six mois après sa nomination, il était pris en grippe par Salif Diallo, le Président de l'Assemblée nationale, qui déplorait son «manque d'audace», invitant le gouvernement à être «plus créatif et plus imaginatif» face à la forte demande sociale.
L’économiste Thiéba ne s’empêcha pas de lui répondre, indirectement: «le gouvernement n'a pas de solution miracle. Je ne suis pas un magicien». Coincé entre un chef d’exécutif tout puissant et un patron de législatif fort, le Pm ne fait que «coordonner». Un peu comme son homologue guinéen.
GUINEE. Durant tout son premier mandat, le Président Alpha Condé (79 ans) donnait l’impression d’avoir oublié jusqu’à l'existence de son chef de gouvernement, Mohamed Saïd Fofana. Le remplaçant de ce dernier, Mamady Youla (56 ans), est tout aussi resté discret. Des membres de l'entourage présidentiel le présentent présente comme un «Premier ministre malgré lui», du genre qui tente d'exister à côté d'un président «omniprésent».
Dans un tout autre registre, deux Pm ont renforcé leurs attributions dans ce qu’ils connaissent le mieux : l’économie et les finances. Le premier Daniel Kablan Duncan, 74 ans « un Premier ministre à vie ». L'économiste avait déjà occupé six ans durant, la fonction sous Henri Konan Bédié (1993-1999) et parfois cumulativement avec le portefeuille de l'Economie et des finances. Sous Ouattara, il a occupé la même station, pendant plus de six ans, jusqu’à la réforme constitutionnelle. Sans histoire et sans ambitions, «il ne dit jamais du mal de personne».
Le second est Augustin Matata Ponyo (53 ans), resté en fonctions jusqu’à la fin du mandat constitutionnel de Joseph Kabila, en décembre 2016. Lui aussi présente le même pedigree. En poste à partir de 2012, il semblait avoir été adoubé par la Banque mondiale et le Fmi. D’où sa grande marge de manœuvre dans le domaine économique notamment. Ancien ministre des finances, tout comme Kablan-Duncan, auprès de l’indéchiffrable Kabila, il a battu le record de longévité en tant que chef de l’équipe gouvernementale.
Ailleurs au Tchad, Idriss Déby Itno, 64 ans, détient un tout autre record.
TCHAD. Nommé en février 2016, Albert Pahmi Padacké est son 17e chef de gouvernement et la liste n'est pas clause. Déby a changé de Premiers ministres comme aucun de ses homologues africains. En 2014, par exemple, il a changé quatre fois de gouvernement en cinq mois. «J'ai été Premier ministre deux fois et 18 fois ministres», se souvient Delwa Kassiré Coumakoye.
CAMEROUN. Dans le choix de son chef de gouvernement, Paul Biya, 84 ans, est, lui, très soucieux du dosage géographique. C'est ainsi que, tour à tour, Peter Mafany Musonge (1996-2004), Ephraïm Inoni (2004-2009) et le magistrat et diplomate Philémon Yang, 69 ans et en poste depuis juin 2009, sont tous issus de la partie anglophone du Cameroun, où l’idée de sécession semble renaître ces derniers temps.
L’exception éthiopienne
En effet, Haile Mariam Dessalegn (52 ans), successeur de Meles Zenawi, joue pleinement son rôle de chef de l'exécutif. Elu par le parlement pour un mandat de cinq ans, il est doté de réels pouvoirs. Son rôle et sa place s'apparentent à celui du Premier ministre de Grande Bretagne. Et pourtant à côté, tente d'exister un président de la République. Elu en 2013 au suffrage indirect pour un mandat de six ans, Mulatu Teshome dispose de peu de pouvoirs dont celui d’inaugurer les chrysanthèmes. Depuis l'adoption de la Constitution de 1994 qui consacre le régime parlementaire, le chef de l'Etat occupe un poste symbolique. (Moussa Touré & Momar Dieng)
Il a bien raison: en quatre ans de pouvoir, il en a déjà usé trois (Oumar Tatam Ly, Moussa Mara et Modibo Keïta) en attendant le sort qui pourrait être réservé au dernier venu, Abdoulaye Idrissa Maïga, nommé en avril dernier. Pour IBK, ils sont des «béquilles» qui sont contraints de devenir impopulaires. Des boucliers politiques dans un pays confronté à dix mille problèmes prioritaires.
Pourtant en théorie, la Constitution malienne (régime semi-présidentiel) dispose bien que «le Premier ministre détermine et conduit la politique de la Nation». Dans les faits, n'étant pas élu par le peuple comme l’est le chef de l’Etat, comment ce PM pourrait-il avoir la prétention de conduire la politique de la Nation ? Alors, il se contente d'exécuter la politique définie au préalable pour le président élu.
Ailleurs, la fonction n'a pas toujours été indispensable pour la bonne marche des institutions en Afrique.
BENIN. Le poste n'est pas prévu par la Constitution du 11 décembre 1990, puisqu'il a été aboli à l'issue de la Conférence nationale souveraine. L'article 54 précise que «le président de la République est le détenteur du pouvoir exécutif. Il est chef du gouvernement et à ce titre, il détermine et conduit la politique de la Nation». Premier des ministres, il est essentiellement chargé de la coordination de l'action gouvernementale.
Malgré tout, il fut un temps où Adrien Houngbédji (1996-1998) porta le titre sous Mathieu Kérékou. Treize ans plus tard, Yayi Boni consacra son retour en nommant Pascal Irenée Koupaki (2011-2013). Entre 2013 et 2015, il resta vacant. Plus tard, Lionel Zinsou, 62 ans, (2015-2016) monte au front afin de bien se positionner à la présidentielle. En somme, «un Pm pour que». Mais lorsqu'il sort victorieux face à Zinsou, Patrice Talon, 58 ans, revient à l'orthodoxie en supprimant la fonction primatoriale.
Mais ailleurs, il arrive que par un concours de circonstances, son poids soit significatif.
CÔTE D'IVOIRE. «Mon destin est formidable!», confiait Guillaume Soro en 2012 à l’hebdomadaire Jeune Afrique. Il est vrai que ministre d'Etat à 30 ans, Premier ministre à 34, président de l'Assemblée nationale à 39, relève d'un parcours fulgurant pour cet ancien dirigeant de lutte estudiantine, devenu plus tard chef rebelle.
Hélas, cinq ans après, le jusque-là dauphin constitutionnel doute. Présumé empêtré dans un scandale de cache d’armes survenu en pleine mutinerie d’ex-soldats rebelles, il pourrait être directement visé par l’enquête déclenchée à cet effet. Mais en amont et à son détriment, la nouvelle constitution adoptée par référendum en novembre 2016 fait du titulaire de la vice-présidence de la République le successeur d’Alassane Dramane Ouattara. En l’occurrence Daniel Kablan Duncan, ancien…Premier ministre.
Créé par Félix Houphouët-Boigny en 1990 dans un contexte économique morose, le titulaire du poste de Premier ministre devait répondre à un profil de technocrate, spécialiste des questions économiques et financières. Désigné pour administrer une thérapie de choc, ADO, 75 ans aujourd’hui, aura été un Pm fort. A côté d’un président âgé et malade, ses pouvoirs étaient exorbitants, suscitant par la même occasion l’agacement du dauphin constitutionnel qu’était alors le président de l’Assemblée nationale, Henri Konan Bédié.
Dans les faits, cette fonction de PM peut rapidement créer un rapport intense au pouvoir. Elle est tout aussi gratifiante qu’ingrate. C'est pourquoi, beaucoup de Pm ne deviendront pas président, même s’il faut citer quelques exceptions: le Béninois Nicéphore Soglo, l’Ivoirien Alassane Ouattara, le Malien Ibrahim Boubacar Keïta, le Burkinabè Roch Marc Christian Kaboré et le Sénégalais Macky Sall, entre autres.
BURKINA FASO. Paul Kaba Thiéba, 57 ans, nommé en janvier 2016 est un technocrate discret et légèrement en retrait, il est un ancien camarade de classe du Président Roch Marc Christian Kaboré (60 ans). Six mois après sa nomination, il était pris en grippe par Salif Diallo, le Président de l'Assemblée nationale, qui déplorait son «manque d'audace», invitant le gouvernement à être «plus créatif et plus imaginatif» face à la forte demande sociale.
L’économiste Thiéba ne s’empêcha pas de lui répondre, indirectement: «le gouvernement n'a pas de solution miracle. Je ne suis pas un magicien». Coincé entre un chef d’exécutif tout puissant et un patron de législatif fort, le Pm ne fait que «coordonner». Un peu comme son homologue guinéen.
GUINEE. Durant tout son premier mandat, le Président Alpha Condé (79 ans) donnait l’impression d’avoir oublié jusqu’à l'existence de son chef de gouvernement, Mohamed Saïd Fofana. Le remplaçant de ce dernier, Mamady Youla (56 ans), est tout aussi resté discret. Des membres de l'entourage présidentiel le présentent présente comme un «Premier ministre malgré lui», du genre qui tente d'exister à côté d'un président «omniprésent».
Dans un tout autre registre, deux Pm ont renforcé leurs attributions dans ce qu’ils connaissent le mieux : l’économie et les finances. Le premier Daniel Kablan Duncan, 74 ans « un Premier ministre à vie ». L'économiste avait déjà occupé six ans durant, la fonction sous Henri Konan Bédié (1993-1999) et parfois cumulativement avec le portefeuille de l'Economie et des finances. Sous Ouattara, il a occupé la même station, pendant plus de six ans, jusqu’à la réforme constitutionnelle. Sans histoire et sans ambitions, «il ne dit jamais du mal de personne».
Le second est Augustin Matata Ponyo (53 ans), resté en fonctions jusqu’à la fin du mandat constitutionnel de Joseph Kabila, en décembre 2016. Lui aussi présente le même pedigree. En poste à partir de 2012, il semblait avoir été adoubé par la Banque mondiale et le Fmi. D’où sa grande marge de manœuvre dans le domaine économique notamment. Ancien ministre des finances, tout comme Kablan-Duncan, auprès de l’indéchiffrable Kabila, il a battu le record de longévité en tant que chef de l’équipe gouvernementale.
Ailleurs au Tchad, Idriss Déby Itno, 64 ans, détient un tout autre record.
TCHAD. Nommé en février 2016, Albert Pahmi Padacké est son 17e chef de gouvernement et la liste n'est pas clause. Déby a changé de Premiers ministres comme aucun de ses homologues africains. En 2014, par exemple, il a changé quatre fois de gouvernement en cinq mois. «J'ai été Premier ministre deux fois et 18 fois ministres», se souvient Delwa Kassiré Coumakoye.
CAMEROUN. Dans le choix de son chef de gouvernement, Paul Biya, 84 ans, est, lui, très soucieux du dosage géographique. C'est ainsi que, tour à tour, Peter Mafany Musonge (1996-2004), Ephraïm Inoni (2004-2009) et le magistrat et diplomate Philémon Yang, 69 ans et en poste depuis juin 2009, sont tous issus de la partie anglophone du Cameroun, où l’idée de sécession semble renaître ces derniers temps.
L’exception éthiopienne
En effet, Haile Mariam Dessalegn (52 ans), successeur de Meles Zenawi, joue pleinement son rôle de chef de l'exécutif. Elu par le parlement pour un mandat de cinq ans, il est doté de réels pouvoirs. Son rôle et sa place s'apparentent à celui du Premier ministre de Grande Bretagne. Et pourtant à côté, tente d'exister un président de la République. Elu en 2013 au suffrage indirect pour un mandat de six ans, Mulatu Teshome dispose de peu de pouvoirs dont celui d’inaugurer les chrysanthèmes. Depuis l'adoption de la Constitution de 1994 qui consacre le régime parlementaire, le chef de l'Etat occupe un poste symbolique. (Moussa Touré & Momar Dieng)