Depuis que le conseil constitutionnel a rendu publique la liste définitive des candidats aux élections présidentielles, Monsieur Karim WADE du PDS qui n’en fait pas partie, et certains membres de Benno Bokk Yaakaar, dit-on, qui l’appuient ouvertement et d’autres implicitement, grouillent dans le but de faire revoir à cette institution sa copie, bien sûr sans révéler leur intention réelle qui est d’aboutir à reporter la date des élections présidentielles programmées pour le 25 février 2024, depuis cinq ans, seul moyen de pouvoir rabattre les cartes. Afin d’y arriver, leur moyen principal consiste à pilonner cette institution, -qui le mériterait pour d’autres raisons-, allant jusqu’à accuser nommément d’indélicatesse, deux membres dudit conseil, sans préciser en quoi consiste les indélicatesses dont s’agit et sans préciser les relations de cause à effet qui existeraient entre les faits qui leur sont reprochés et l’empêchement à Karim de faire partie des prétendants à la candidature aux élections en vue.
Monsieur Karim WADE, son parti le PDS et ceux qui les soutiennent, il n’en manque pas effectivement, pour la bonne et simple raison qu’ayant saisi l’Assemblée Nationale de leurs prétentions contre le conseil constitutionnel, toute sa commission des lois à l’exception d’un seul de ses membres a approuvé la mise sur pied d’une séance plénière pour que suite soit donnée à l’affaire Karim WADE.
Autant je ne donnerais pas ma tête à couper, que ce qui est soupçonné comme indélicatesse qui serait commise au niveau du conseil constitutionnel, qui aurait empêché à Karim WADE de figurer dans la liste des candidats, serait sans fondement dans l’absolu, autant je ne crois pas devoir me tromper si j’affirme que les deux magistrats, Cheikh Tidiane KOULIBALY et Cheikh NDIAYE font partie des magistrats les plus propres de leur corporation, à en juger par ce que personnellement je crois savoir d’eux, et par les réactions déjà notées de ceux qui ont eu l’occasion de les pratiquer dans l’exercice de leur métier de juger leurs semblables.
C’est pourquoi il est judicieux de recommander à tout un chacun de faire des discernements et de ne pas mettre tous les magistrats dans le même sac à jeter dans la poubelle. Il est vrai qu’en convaincre des justiciables qui ont rencontré personnellement des cas concrets ne serait pas facile. Mais si difficile soit-il, il y a lieu d’émettre quelques réserves. Le cas des gens de mauvaise foi qui, quoi qu’il en soit, ne perdent jamais de procès si ce n’est à cause de la corruption, selon eux.
Pour la petite histoire, je raconte du vécu : au cours d’une réunion politique entre représentants de divers partis d’opposition, de syndicats et de la société civile, présidée par quelqu’un de haut placé à l’époque dans le landerneau de l’opposition, m’avait pris à partie, pour m’avoir entendu répliquer à un intervenant pour lequel les non corrompus dans la magistrature constituent une infime minorité.
C’était lorsqu’en terminant mon temps de parole, que j’avais osé affirmer, dans une assemblée d’enragés contre la corruption, que tous les magistrats ne sont pas corruptibles. Notre président de séance du jour, avec un sourire narquois, les yeux dans les yeux, ne partageant pas du tout mon point de vue me dit : « ça dépend de l’importance du dessous-de-table qu’on donne ». Une telle réaction de la part d’un homme politique dont nous étions convaincus qu’il deviendrait président de la République, qui l’était devenu d’ailleurs, m’avait fait sursauter.
Et quel a été son bilan une fois au pouvoir dans la lutte contre la corruption, au moment où il passait le témoin à son successeur, à la fin de son mandat qu’il avait fini par arracher de haute lutte, qu’il avait perdu à sa surprise, selon lui-même ?
Allez savoir, et n’oubliez surtout pas de voir du côté de la CREI et de certains autres corps de contrôle, dont les résultats des contrôles n’ont jamais servi qu’à des fins politiciennes et que pour des règlements de comptes. En tout état de cause, pour être efficace dans la lutte contre la corruption, il faut une détermination sans failles, incompatible avec la conviction qu’il n’existe pas d’incorruptible, que tout dépendrait de l’importance de la mise.
Pour en revenir à l’idée qui ne manque pas d’adeptes, en principe vouée à l’échec, de faire reculer la date constitutionnelle des présidentielles du 25 février 2024, appelons tous ceux qui tentent l’impossible de revenir à la raison. Comparons le jeu de dames aux subterfuges dans les astuces politiques. Par exemple, pour ceux qui s’y connaissent en matière de jeu de dames, c’est prendre des risques que de déplacer des pions aveuglément contre un adversaire, sans au préalable en évaluer les conséquences prévisibles. Se mettre à opérer des changements de dates d’évènements qui préoccupent tout le monde comme les élections présidentielles en vue, modifier des dispositions légales ou constitutionnelles à la légère pour arranger des cas spécifiques personnels, en foulant au pied des principes très importants à prendre en compte par tout législateur soucieux d’éviter les impasses juridiques, peut conduire à des situations regrettables, jamais rattrapables.
Le 31 janvier 2024
Me Wagane FAYE
* Mot wolof qui peut être compris comme « que complote-t-on »?