Le Washington Post ne soutiendra aucun candidat à l’élection présidentielle américaine, a annoncé vendredi son directeur général, tandis que le syndicat des journalistes du quotidien a accusé le propriétaire Jeff Bezos d’avoir bloqué un soutien à Kamala Harris.
William Lewis a fait savoir que le prestigieux journal, célèbre pour avoir révélé le Watergate, s’abstiendrait aussi d’appeler à voter pour un ou une candidate lors des scrutins futurs, dans un billet en ligne qui suscitait de nombreuses réactions, pour la plupart indignées, de lecteurs.
« Nous sommes conscients que cette décision donnera lieu à de nombreuses interprétations, qu’elle sera vue comme un soutien implicite à l’un des candidats, ou au rejet d’un autre, ou comme une fuite devant nos responsabilités », écrit-il, alors que les sondages ne parviennent pas jusqu’ici à départager la vice-présidente démocrate Kamala Harris et l’ancien président républicain Donald Trump.
Le syndicat des journalistes du Washington Post s’est dit « très préoccupé » par cette décision, « à 11 jours à peine d’une élection aux enjeux immenses », et s’inquiète d’une « ingérence » dans les décisions du comité éditorial.
« Selon nos journalistes et membres, un soutien à Harris avait déjà été rédigé, et le propriétaire du Post, Jeff Bezos, a pris la décision de ne pas le publier », poursuit l’organisation dans un communiqué publié sur X.
Le grand quotidien américain, propriété du fondateur d’Amazon depuis 2013, avait apporté son soutien aux candidats démocrates à la présidentielle en 2008, 2012, 2016 et 2020.
Jeff Bezos a signé ces dernières années de gros contrats avec le gouvernement américain, et notamment avec le Pentagone, dans le domaine du stockage de données (nuage).
« Lâcheté »
Le directeur général William Lewis a décrit la décision de vendredi comme un « retour aux sources », en faisant valoir que le Washington Post s’était par exemple abstenu d’appeler à voter pour l’un ou l’autre candidat en 1960, avant l’élection remportée par John F. Kennedy.
Il défend la décision de ne pas prendre parti comme « en accord avec les valeurs » du journal.
« Notre travail, en tant que quotidien de la capitale du plus important pays du monde, est d’être indépendant. C’est ce que nous sommes et que nous serons toujours. » (William Lewis, directeur général du Washington Post)
Son billet a suscité une avalanche de commentaires furieux d’internautes, dont la plupart promettaient de résilier leurs abonnements.
« Je ne vais pas donner d’argent à un organe de presse qui prospère dans la lâcheté », disait l’un.
« Nous allons tous mourir dans le noir et Jeff Bezos a éteint la lumière », écrit un autre, en référence à la célèbre devise du journal, « La démocratie meurt dans l’obscurité ».
Cette décision du Washington Post vient après que le propriétaire d’un autre grand quotidien américain, le Los Angeles Times, a bloqué la décision du comité éditorial du journal, qui voulait apporter son soutien à Kamala Harris.
Vendredi le New York Post, tabloïd ultraconservateur appartenant au magnat Rupert Murdoch, a appelé à voter pour Donald Trump.
Le 30 septembre, le comité de rédaction du prestigieux New York Times avait lui apporté son soutien à la candidate démocrate.
Ces annonces successives interviennent dans une campagne qui a vu les grands noms de la presse américaine perdre de leur influence, auprès des électeurs comme des candidats eux-mêmes, dont l’attention se porte de plus en plus sur d’autres supports tels que les balados ou TikTok. [AFP]