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Rima Hassan : la politique commune de l’Europe sur la Palestine est un échec

Dimanche 12 Mai 2024

Nous savons très bien que notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens”, dixit Nelson Mandela.

 

C’est à Tunis, - capitale de la parole désenchaînée pour ce qui est de la cause palestinienne -, en terrain conquis, que la juriste Franco-palestinienne, Rima Hassan a pris la parole dans le cadre d’une session extraordinaire du Forum social Maghreb-Machrek, intitulée : ‘’Palestine, notre avenir. La guerre contre Gaza est un défi aux valeurs humanitaires et démocratiques’’.

 

Cet événement organisé en signe de solidarité avec les Gazaouis, s’est tenu, samedi 11 mai 2024, au Palais des Congrès dans la capitale Tunis.

 

Dans son discours, Rima Hassan évoque la bataille de narratifs dans le contexte de « la Palestine est un sujet européen ». Elle affirme que l'Union européenne qui se définit comme une puissance normative à l'international, guidée par un ensemble de valeurs fondées sur le maintien de la paix, de la liberté, de la démocratie, de la souveraineté du droit et des droits humains dans sa politique étrangère commune, n’a pas réussi à manifester une position commune et cohérente quant à la cause palestinienne.

 

‘’Nous constatons actuellement une dissonance entre ce que l'Union européenne prétend être et ce qu'elle est réellement, en ce qui concerne la question palestinienne’’, a-t-elle affirmé.

 

L’experte en droit international expose l’échec de l’Europe dans sa politique étrangère commune et la qualifie de « fracturée » faisant référence à la position des pays membres de l’UE lors du vote sur la résolution sur Gaza lors de l’Assemblée générale des Nations unies du 27 octobre 2023. « L’Europe a été découpée en trois blocus, parmi les 27 membres de l’Union européenne, huit ont voté pour, quatre ont voté contre tandis que 15 Etats se sont abstenus. »

 

La militante propalestinienne a, en ce sens, appelé, à dépasser collectivement les fausses idées, et sortir de la rhétorique où les Européens sont systématiquement considérés comme la référence sur la question des droits humains.

 

Rima Hassan a également pointé trois cadres responsabilisant l’Europe de ce qui se passe actuellement à Gaza, à savoir, des cadres historiques, coloniaux et mémoriels.

 

« Le cadre colonial, appelé, souvent, en France et en Europe, plan de partage, qui est en réalité un plan d'annexion », a-t-elle expliqué avant de rappeler qu’ « en 1948, quand la division, la séparation de la Palestine mandataire a été proposée, ils l’ont appliquée sans consulter les sujets palestiniens et c'est d'ailleurs dans ce cadre que la Nakbah va s'opérer », a précisé la Franco-palestinienne.

 

Et de conclure : « Depuis, le Palestinien est considéré comme un sujet colonisé, un sujet dont la voix ne compte pas, un sujet à qui on peut imposer le découpage de sa propre terre, à qui on a laissé subir un nettoyage ethnique à sa population ».

« 532 villages ont été littéralement détruits, 800 mille Palestiniens expulsés sur 1,4 millions lors de la Nakbah, et c'est à ce titre qu'on parle de catastrophe pour le peuple palestinien », a-t-elle déploré.

 

C’est en évoquant la Shoah que l’experte en droit international signale la responsabilité mémorielle de l’Europe : « l'Union européenne est au cœur de la crispation mémorielle parce qu’elle est à la fois responsable de l'extermination des juifs - une dette mémorielle et un passif encore très vif pour cette population- et de la Nakbah palestinienne ».

 

« Les vivants et les survivants s'entremêlent, aujourd'hui, aux discours politiques concernant la position de l'UE quant à la question palestinienne », souligne Rima Hassan, avant d’ajouter : « la réalité c'est que les pays européens n'ont ni pensé ni réparé ces deux mémoires dans lesquelles ils sont fortement impliqués. »

 

Dans une interview accordée à Anadolu, la porte-voix de la question palestinienne sur la scène politique française a fait savoir que « la cause [palestinienne] a été abandonnée depuis plusieurs décennies dans le climat européen, qui se limitait à des discours politiques condamnant des événements violents dans les territoires palestiniens. »

 

« Là, aujourd'hui, nous avons une véritable réactualisation du sujet politique palestinien, mais comme ce sujet n'a pas été nourri ces dernières années en Europe, on voit bien qu’elle est complétement démunie en ce sens », note Rima Hassan.

 

Et de réaffirmer : « l’UE est fracturée, elle a du mal à structurer sa politique commune autour d'un discours unique, clair qui se réfère au droit international ».

 

Au micro d’Anadolu, la Franco-palestinienne a également cité des mesures concrètes que l'Europe pourrait réellement prendre : 

 

« La question de l'embargo sur les armes, la question de la fin de l'accord de l'association UE-Israël, qui fait de l'UE le premier partenaire d’Israël, avec 30% de ses échanges. Il s’agit de restituer la question de l’auto-détermination pour le peuple palestinien comme une priorité en termes de perspective politique. »

 

Rima Hassan a, par ailleurs, exigé la condamnation de la colonisation en tant que système et politique à part entière, plutôt que de se limiter à des sanctions mineures visant des cas individuels de colons en Cisjordanie. Elle a plaidé en faveur de l'imposition de sanctions économiques, diplomatiques et politiques, à l'instar de ce qui a été fait avec l'Afrique du Sud. Elle estime qu'il est temps pour l'UE de franchir cette étape. [AA]

 
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