Le Parlement algérien relance officiellement le processus devant aboutir à l’élaboration d’un projet de loi criminalisant le colonialisme français. En effet, le Président de l’Assemblée populaire nationale (APN), chambre basse du Parlement algérien, Brahim Boughali, a annoncé, ce dimanche, l’installation d’une commission qui se chargera de l’élaboration de ce projet.
Cette instance est composée de représentants des différents groupes parlementaires et ceux des commissions permanente de l’Assemblée. « Nous ne pouvons pas permettre que la vérité soit ignorée : La criminalisation du colonialisme n’est pas une option, mais un devoir national et moral envers nos martyrs et notre histoire », a estimé Brahim Boughali à cette occasion.
L’Assemblée algérienne a rappelé une série de crimes coloniaux reconnus tardivement par la France officielle, dont notamment la mort, sous la torture, de l’avocat Ali Boumendjel. Le président français Emmanuel Macron avait reconnu, rappelons-le, le 2 mars 2021, que la mort de l’avocat est la conséquence de la torture subie. Il ne s’était pas suicidé comme l’avait soutenu le récit colonial.
Outre ce crime, la chambre basse du Parlement algérien cite les « enfumades de Dahra (1845) où des centaines d’Algériens ont été brûlés vifs dans des grottes », « les crimes de Laghouat (1852) avec l’utilisation d'armes biologiques », « les « massacres du 8 mai 1945, qui ont fait plus de 45 000 martyrs », « les essais nucléaires dans le sud » et « la pose de millions de mines antipersonnel tout au long des frontières avec le Maroc à l’ouest et à la Tunisie à l’est ».
Rappelant la récente résolution adoptée par l’Union africaine qualifiant « le colonialisme et l’esclavage de crimes contre l’humanité », le Parlement algérien a estimé que la criminalisation du colonialisme français est une nécessité.
« Progresser vers la criminalisation du colonialisme est une responsabilité collective qui vise à protéger les droits des peuples et à garantir que de tels crimes ne se répètent pas à l’avenir », a indiqué Brahim Boughali.
Quand cette commission aura finalisé son projet de loi, il sera présenté au bureau de l’Assemblée, puis à la commission des affaires juridiques, avant d’être soumis au gouvernement pour approbation. L’idée d’élaborer un projet de loi criminalisant le colonialisme français remonte à 2005. Le Parlement algérien avait annoncé, son intention, d’élaborer ce texte en réaction à la loi française du 23 février 2005 mettant en avant « le rôle positif de la colonisation ».
Des parlementaires algériens ont, depuis, relancé l’idée à plusieurs reprises.
La relance de ce projet intervient dans un contexte marqué par une grave crise entre Alger et Paris. Pour rappel, les contentieux historiques entre l’Algérie et la France sont très profonds. En plus de la question des archives et la restitution des biens d’Algériens confisqués, l’Algérie réclame aussi des réparations sur les essais nucléaires français en Algérie et l’indemnisation des victimes.
L’Algérie réclame aussi la reconnaissance par la France officielle des crimes coloniaux. Les relations entre les deux pays se sont dégradées davantage, depuis l’été 2024, sur fond de reconnaissance par Paris de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.
En réaction, l’Algérie a retiré son ambassadeur à Paris et le président Tebboune a annulé un déplacement en France, prévu initialement en septembre 2024.
Plus récemment, l’affaire de l’emprisonnement de l’écrivain algéro-français, Boualem Sansal et le refoulement de migrants en situation irrégulière, dont l'influenceur algérien Doualemn, ont suscité la colère des autorités françaises qui menacent désormais de recourir au "rapport de force", selon les déclarations répétitives du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.
Côté algérien, le président Abdelmadjid Tebboune a pointé « des déclarations hostiles tous les jours de politiques français », qualifiant le dialogue avec le président Macron de « perte de temps » et mettant en garde contre « une séparation qui deviendrait irréparable ».
« Nous avions beaucoup d'espoirs de dépasser le contentieux mémoriel (...) Mais, plus rien nʼavance si ce nʼest les relations commerciales. Le dialogue politique est quasiment interrompu », a-t-il déploré. [AA]