Les Israéliens en rigolent encore sous cape, après avoir majestueusement roulé dans la farine notre ministre des Affaires étrangères. En même temps, l’Etat Hébreux est conscient d’avoir réalisé un parfait et joli coup diplomatique sur le dos du Sénégal, l’un des plus anciens et constants soutiens de la cause du peuple de Palestine.
Ils n’en espéraient pas tant en regard de l’évolution dramatique de la question palestinienne depuis l’arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump à la tête d’une Administration foncièrement et ouvertement pro-sioniste. Le transfert pour bientôt de l’ambassade US de Tel-Aviv à Jérusalem est l’épicentre d’une vision totalement alignée sur la cause d’Israël, notamment sur sa politique d’annexion systématique de territoires spoliés aux Palestiniens. Pour Israël, l’«offrande» du chef de la diplomatie sénégalaise est une vraie bouffée d’oxygène dans un environnement international où l’Etat juif est comme un paria.
Devant la gravité d’une situation à la complexité exceptionnelle qui fait démissionner toutes les bonnes volontés et entrave toutes les initiatives et pistes de paix, il faut être soit d’une singulière naïveté, soit d’un cynisme implacable pour poser l’acte que Sidiki Kaba, ministre des Affaires étrangères de la République du Sénégal, a montré au monde entier. Le geste est irréfléchi car il ne participe en rien à une perspective de «paix» quelconque. Au contraire, nombreux sont les observateurs et les opinions publiques qui le regarderont comme un encouragement explicite apporté aux politiques sionistes qui défient, imperturbables, toutes les lois internationales depuis soixante dix ans exactement. Les Palestiniens en sont révoltés.
Que cherchait vraiment à prouver l’ancien président de la Fédération internationale des ligues de droits de l’homme (Fidh) en se faisant guider par des autorités et la police israéliennes dans les enceintes historiques de la Mosquée Al-Aqsa? Lui seul le sait, et peut-être ses «amis» qui lui ont conseillé cet acte ridicule qui met en colère les Palestiniens, crée l’émoi, ravit les Juifs. S'il voulait donner des gages aux Israéliens après la brouille née du vote par le Sénégal de la résolution des Nations Unies condamnant le changement du statut de Jérusalem en décembre 2016, c'est peut-être réussi. Mais cette affaire engage le Sénégal, ternit son image et brouille la spécificité positive dont notre pays pouvait se targuer au niveau international en ce qui concerne la gestion du problème palestinien.
Homme d’expérience, cultivé, intellectuel de talent, au fait des codes qui gouvernent le monde, monsieur le ministre sait mieux trop bien que la diplomatie publique allie exigences et contraintes, us et coutumes, théories et ses pratiques. C’est pourquoi l’œcuménisme inavouable qui a entouré son «pèlerinage» ne répond à aucune logique positive dans ce bout de monde où répressions et injustices sont devenues le quotidien d’enfer des Palestiniens soumis au grand étroit sur la terre de leurs ancêtres.
Alors, devant un geste si peu gratuit, on est en droit de se demander ou de croire que Sidiki Kaba, au nom du Sénégal, est venu ici pour faire allégeance à Israël et au moteur de son existence: le sionisme, suite au grand "malentendu" de décembre 2016.