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EDITORIAL
Le «Lion» caché dans la gadoue !
Ousmane Sonko avait donc raison : un bourreau caché avait décidé de lui couper la tête. A tout prix. Qui instrumentalisait des institutions et des hommes pour s’acharner sur un adversaire politique extrêmement déterminé, sachant dire ce qu’il avait à dire, dans un timing parfaitement mis en scène, de manière percutante et ciblé.
 
Ousmane Sonko avait donc raison : son bourreau caché était l’autre. Le très courageux «autre». Celui qui s’était dissimulé (déjà) derrière des «sages» pour renier un fameux engagement dont les conséquences lui colleront éternellement à la peau. Ce très courageux «autre» dont on semble apercevoir la silhouette rondouillarde dans tous les grands coups tordus qui balafrent la gouvernance démocratique et transparente de l’Etat et de la République. Ce très courageux «autre» qui donne des coups en dessous de la ceinture – décret de révocation d’un autre qui agit à visage découvert - et qui s’en va finasser dans les cercles pompeux de la coopération internationale. Ce très courageux «autre» qui, sur place, va plaider pour la révision des législations pétrolières africaines alors que de très forts soupçons de délits d’initié entourent ladite question dans son propre pays… Mais il est peinard car d’autres fonctionnaires, plus pantins que patriotes traduisent sa volonté en acte : ils sont ses serviteurs. On est tombé dans la gadoue. Pour notre malheur.
 
Un lion, «l’autre» ? Tant mieux pour lui s’il croit l’être. Le problème ? On ignorait juste que le roi de la jungle se postait en queue de meute – en dormant – et observait ses «enfants» faire la chasse à sa place…
(Momar DIENG)
 

 

Loyauté et lucidité
«Il n’ya point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice.» (Montesquieu)
 
Quand il s’agit de protéger la République contre des intrusions pernicieuses qui visent son accaparement à des fins de domination et de patrimonialisation, il importe que cela se fasse de manière moins spectaculaire, moins hypocrite et plus en rapport avec l’intérêt général. Pour la «sécurité» de notre pays – quoique ce concept soit devenu tout à fait relatif aujourd’hui - il est impératif que les postulants à des fonctions suprêmes comme Président de la République présentent un certain profil à plusieurs niveaux.

A cet effet, il est salutaire que la Constitution ait déjà réglé la question de la nationalité en ce qui concerne le chef de l’Etat. Les complexités liées à la mondialisation et aux compétitions économiques transfrontalières qu’elle sécrète, aux nouveaux paradigmes qui sous-tendent l’espionnage à tous les niveaux, humains comme technologiques, commandent la mise en place de principes de précautions minima pour sauver ce qui peut l’être – eu égard à nos faiblesses.

Problème. Il n’est pas certain que ces éléments là soient le souci fondamental de nos dirigeants lorsqu’ils envisagent de fermer l’élection présidentielle à certains Sénégalais qui seraient «coupables» de posséder une ou plusieurs autres nationalités. Ils sont beaucoup moins ambitieux que cela ! La trame de fond de ce projet de loi contre les binationaux tel qu’il a été présenté n’est qu’une tentative politicienne de mettre hors-jeu des compatriotes dont on craindrait le comportement électoral.

On ne protège pas la République par des étincelles qui peuvent finir en giga-incendie, par une loi de circonstance qui – sait-on jamais  – peut réveiller des particularités dormantes capables, demain, de brûler nos diversités particulières si enrichissantes. C’est pourquoi cette initiative que le président de la République fait porter à l’Assemblée nationale ne peut être qu’un archaïsme porteur de dangers en plus de fragiliser l’ensemble national sur ses flancs.

Les hommes d’Etat conscients de leurs responsabilités ne s’engagent jamais dans ce type de projet sectaire. Et même après un premier pas, ils prennent le temps d’écouter plus leur peuple que les flagorneurs impénitents adeptes de la conflictualité permanente et des aventures ambiguës sans fin. La conservation du pouvoir n’a de sens que dans la mesure, la loyauté et la lucidité.
 
 

EDITORIAL République accaparée mais… !

Pas à pas. Brique par brique. Palier par palier. Cela va prendre du temps, mais il viendra un jour – si Dieu le veut – où les institutions de l’Etat seront en mesure de contraindre n’importe quel Président de la République en fonction à être un citoyen bénéficiant juste de privilèges et de prérogatives dus à son statut. Les prémisses de cette perspective qui rendent la démocratie agréable et salutaire pour tout un chacun sont sous nos yeux. Les combats du colonel de gendarmerie Aziz Ndao et du commissaire de police Cheikhouna Kéïta ne seront pas vains, ni ceux de Nafi Ngom et d’Ousmane Sonko.

Un jour ou l’autre, ils contribueront à sortir ce pays du conservatisme de gribouille sur lequel reposent les influences mafieuses qui maintiennent le Sénégal dans une botte de conneries et de pratiques préjudiciables à notre avenir à tous.
Il arrivera un jour où aucun Président de la République, Premier ministre ou ministre n’osera défendre l’indéfendable, ni dans le secret de sa conscience et de son cabinet, encore moins publiquement.

C’est l’espoir que nous percevons dans les désordres quotidiens et inimaginables qui jonchent les chemins escarpés de la gouvernance actuelle. Ce qui est étalé sous nos yeux n’est possible que parce qu’il y a, tapis dans les interstices de l’Etat et de la République, des forces rétrogrades dont le précepte doctrinaire fondamental est «Rien ne bouge». C’est cette volonté de puissance qui va déterminer, par exemple, l’exposition politicienne de la vie privée d’un homme politique qui a décidé d’aller à la conquête du pouvoir. C’est la même force puissante et tentaculaire qui va gentiment «conseiller» à Nafi Ngom de «laisser tranquille» un magistrat supposé ne pas être assujetti à la déclaration de patrimoine. La même qui fait passer à l’assemblée nationale une loi de circonstance scélérate sur la binationalité… la même qui…

La guerre des pouvoirs a lieu sous ces formes, entre chasse aux sorcières, inquisitions sous le couvert de la puissance publique et offres de recyclage dans le «système». Elle oppose ceux qui ont en main le monopole de la violence légitime aux serviteurs d’une res publica devenue objet d’accaparement et de patrimonialisation.

En 2012, c’était sans confession !
Macky Sall est-il autoritaire dans son style de gouvernance ? Serait-il plutôt victime de l’éternelle solitude qui frappe les chefs d’Etat au pouvoir, ainsi qu’il l’avait révélé lui-même au magazine panafricain «Pouvoirs» ? Où sommes-nous, plus simplement, en face d’un président de la république adepte par essence de l’exercice solitaire de ce pouvoir ? Ces questions sont loin d’être tranchées tant elles portent en elles-mêmes des montagnes de complexités qui trouvent leur fondement dans des structures mentales bien particulières.

Ce qui est par contre irréfutable, c’est que le chef de l’Etat, en plusieurs occasions, a choisi les voies de la confrontation avec ses adversaires et avec la frange de l’opinion publique qui ne se reconnaît pas dans sa gouvernance. Dans une démocratie pluraliste comme la nôtre, peut-on se permettre, pour ce qui est de la charte fondamentale du pays, de se lever un beau matin pour annoncer, qui plus est au détour d’un discours de reniement, la tenue d’un référendum sans la moindre esquisse de consultation avec les acteurs politiques et la société civile ?En vérité, le constat vu et revu est que Macky Sall met en œuvre une conception personnelle et même personnaliste du pouvoir.

Et cela, les beaux discours convenus n’y peuvent rien car l’homme semble ainsi structuré, mentalement et politiquement. C’est un dirigiste, comme l’est Abdoulaye Wade. Aujourd’hui, son silence sur le scandale du deal qui a exfiltré Karim Wade de prison est une manifestation violente de ce caractère là. Hier, son célèbre «J’ai décidé… Un point un trait» en était une autre. Avant-hier, dans un bureau de vote de sa circonscription électorale de Fatick, il avait également usé de la force pour accomplir un devoir civique qui ne lui commandait point d’user de la force. On ne se refait pas toujours, et la nature ne ment pas systématiquement.

Il est vrai que le caractère sur-dominant du pouvoir exécutif, le sien, sur les autres démembrements institutionnels de la République est une tentation non négligeable pour tout locataire du palais de l’avenue Senghor de se faire passer pour un monarque, l’extrême contraire d’un républicain. Mais est-ce raisonnable pour quelqu’un qui, quatre ans auparavant, avait les allures d’un ange à qui des centaines de milliers de ses compatriotes avaient donné le bon Dieu sans confession ? 
 

QATAR-GATE: Naufrage et déchéance
Le charme avec les délinquants financiers, c’est qu’ils s’entendent très souvent pour régler leurs contradictions entre eux. S’ils n’y parviennent pas, il y a encore d’autres délinquants comme eux,  qui viennent leur imposer la trêve. Toute ressemblance avec une certaine réalité serait purement fortuite.

Où va le Sénégal quand son plus haut dirigeant est capable de parrainer, dans une opacité aussi extraordinaire que complice, une entreprise de dévastation de notre souveraineté nationale ? Où va le Sénégal quand le Ministre de la Justice d’un pays tiers, le Qatar, attend sagement à bord d’un Jet privé que lui soit remis en mains propres un citoyen sénégalais condamné à une peine de prison ferme et à une amende de 138 milliards de francs Cfa ? Dans quel Etat sommes-nous pour qu’un tel scénario soit possible, à des heures impossibles, qui plus est ?
Honte. Indignité. Impotence. Tous les superlatifs, en français et en arabe, ne seraient pas de trop pour traduire un sentiment national issu de ce deal international qui rend sa liberté à un prisonnier manifestement coupable de la plupart des faits qui ont justifié que le glaive de notre justice s’abatte sur lui et ses supplétifs escrocs.

Karim Wade ? Un affairiste parvenu aux cimes par la force du sang. Sans grande conviction que celle tournant autour de son égo. Incapable de rébellion, il a étalé, par sa soumission joyeuse aux «conditions» draconiennes de son exfiltration au Qatar, son statut de piètre politicien dépourvu d’envergure et d’ambition.

Le caractère grotesque et rocambolesque de cette affaire – un vrai navet avec des acteurs glacés par la lourdeur des ânonnements présentés comme justificatifs - est une insulte gratuite à l’intelligence de nos compatriotes, une atteinte au bon sens naturel qui nous est commun, presqu’un déni de notre statut d’humain, de roseau pensant, pour citer Pascal. On a même entendu le directeur de cabinet du chef de l’Etat dire sans ambages, tout en arrogance : «le Président n’a aucune explication à donner». S’il le dit, c’est peut-être vrai.

Invisible, inaudible, reclus dans son palais, le Président ne fait preuve de courage ni dans un sens, ni dans un autre, ne laissant paraître qu’un grand mépris pour tous ses compatriotes légitimement troublés par ce QatarGate plutôt gênant pour un adepte de la sobriété et de la vertu. Par son refus obstiné d’orienter sa gouvernance dans le sens de l’Histoire, il s’est forgé une belle réputation : abonné aux renoncements. Dans cette bataille «mortelle» qu’il s’est imposé face à un Karim Wade désormais exilé au Qatar, Churchill aurait pu être son mentor en stratégie. «On ne gagne pas des guerres avec évacuations.» C’était l’opération Dynamo à la bataille de Dunkerque, en juin 1940… Après le mandat chipé, la libération de Karim Wade, à quand le prochain renoncement du président Sall si tant est qu’il n’y a «jamais deux sans trois» ?
 

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