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EDITORIAL
Babacar Touré : des mérites et un héritage
D’avoir osé quitter les carcans de la presse gouvernementale pour s’offrir des horizons plus ambitieux, plus excitants et plus utiles pour le pays. D’avoir contribué à décloisonner les portes de l’enseignement du journalisme au Sénégal. D’avoir aidé à la dés-institutionnalisation de la pratique journalistique pour la rapprocher du vécu quotidien des Sénégalais. D’avoir entrouvert les chemins qui mènent au pluralisme de l’information et à la diversité politique, elles-mêmes propulseurs d’une démocratie ouverte.
 
Les mérites de Babacar Touré « BT » et de ses compagnons de route (Abdoulaye Ndiaga Sylla, Sidy Gaye, Abdou Latif Coulibaly, Ibrahima Bakhoum, El Hadj Kassé, Madior Fall et consorts) ne sont pas moindres. Ils sont mêmes grandioses si l’on tient compte du contexte dans lequel ils ont choisi de s’affranchir d’une tutelle politico-bureaucratique sans saveur pour oser « L’aventure SUD », géniteur de « L’Esprit SUD ». C’est ce culot là qui aura constitué, avec « L’esprit WALF » incarné par feu Sidy Lamine Niasse, les deux mamelles du réveil démocratique des Sénégalais par les médias.
 
A une époque où la toute-puissance de l’Etat-Parti bloquait artificiellement l’émergence de tout espace démocratique susceptible de remettre en cause l’impérium du pouvoir, la promotion d’un journalisme qui parle à la raison citoyenne et défend l’intérêt général était proprement révolutionnaire, sans arme autre que l’excellence dans le rendu et la mise en perspective de l’information. C’est en cela que le journalisme de qualité dans un contexte démocratique sain où chaque pouvoir joue le rôle que la loi lui attribue peut s’avérer mille fois plus dangereux pour des potentats que des manifestations publiques.
 
C’est cet héritage essentiel que Babacar Touré aura légué à plusieurs générations de journalistes. Celles-ci l’ont-elles fructifié ? C’est une toute autre histoire…
 
 
 
 

NDINGLER : Babacar Ngom, un capitaliste en quête effrénée de profits
Lors de sa « prise de parole » sur l’affaire l’opposant aux populations de Ndingler, l’homme d’affaires Babacar Ngom s’est prévalu de sa nouvelle posture de propriétaire exclusif et légal de terres qui seraient même situées dans le périmètre d’une localité voisine de…Ndingler. Là n’est pas la question fondamentale que cette polémique pose. A partir du moment où il y a litige sur une question aussi sensible que l’attribution de surfaces cultivables à des puissances d’argent, il devient urgent que l’Etat prenne la situation en main.
 
Les « arguments justificatifs » de sa propriété sur les terres « volées » aux populations de cette localité située en pays sérère ne font pas du fondateur de Sedima un propriétaire légitime. L’histoire a documenté des centaines ou milliers de cas où des personnes physiques et/ou morales, sénégalaises et étrangères, ont acquis « légalement » de grands espaces en milieu rural mais que la justice a fini par renvoyer dans les cordes pour vices ou violations volontaires de procédures à un moment ou à un autre du circuit administratif. Est-il dans ce registre ? Rien n’est moins sûr !
 
Son empressement à avaliser auprès des autorités une stratégie du fait accompli, son choix curieux (suggéré par l’Etat ?) de rémunérer la force publique de la gendarmerie nationale pour assurer la sécurité des lieux (8 millions de francs CFA toutes les deux semaines, selon lui), sa manœuvre consistant à identifier et à « communiquer » avec une presse et des journalistes a priori favorables à sa cause, discréditent une bonne partie de son argumentaire-propriétaire. Pourquoi refuser le contradictoire et la diversité des propos devant l’opinion publique si l’on est sûr et certain de son bon droit ?
 
Trafic d’influence ?
 
Pour sortir de cet enfer terrien, il n’y a que l’Etat pour le faire. Ce n’est pas à Babacar Ngom de décréter la fin de cette affaire même s’il a accumulé assez d’argent (et d’influence) pour perpétuer la présence des gendarmes dans ce territoire disputé. Il faut que l’Etat intervienne. Mais l’Etat est-il neutre dans ce dossier ? Ce n’est pas évident.
 
A cet égard, les propos tenus par M. Ngom sont interprétables comme un avertissement à ceux qui sont tentés de lui barrer les chemins de la « spoliation » en bonne et due forme. Lorsqu’il rappelle, hors contexte, que sa fille Anta Babacar Ngom, héritière gestionnaire de l’entreprise familiale, a soutenu le candidat Macky Sall à l’élection présidentielle de 2012, n’est-il pas dans le trafic d’influence actif et le chantage contre l’Etat et ses démembrements ? Ne voudrait-il pas rappeler au chef de l’Etat, publiquement, qu’il attend de lui un retour d’ascenseur qu’il ne voit pas venir ?
 
Les pratiques d’accaparement de terres ont fait assez de malheurs à travers le monde. A Mbane, au nord du pays, le Sénégal a échappé à de grosses tribulations lorsque le régime d’Abdoulaye Wade a multiplié les octrois de milliers d’hectares pour sa clientèle politicienne et pour des businessmen étrangers au mépris du droit essentiel des populations autochtones à disposer d’instruments de survie dans leur environnement immédiat.
 
Des millions d’hommes et de femmes savent cultiver la terre et en tirer leur subsistance, ce qu’ils font depuis Mathusalem d’ailleurs. Ce n’est donc pas leur rendre service que de les transformer en ouvriers agricoles en favorisant l’accaparement illégitime des terres par des entrepreneurs capitalistes lancés, comme des TGV détraqués, dans la recherche effrénée de perspectives et profits par tous les moyens. Que le pouvoir et ses démembrements opérationnels donnent enfin aux populations rurales les moyens de construire leur indépendance alimentaire à travers le soutien aux structures familiales du secteur primaire (agriculture, élevage, pêche, etc.)
 
Il ne serait pas de trop, déjà, de mettre en place une commission d’enquête indépendante de haut niveau qui regrouperait diverses compétences issues de l’Etat, des ONG intervenant dans le monde rural, des collectivités locales impliquées, du monde universitaire spécialisées sur les questions foncières, des mouvements paysans… L’objectif serait alors de déterminer dans quelles conditions (licites ou illicites) Babacar Ngom a pu décrocher 220 ha de terres au détriment des populations de Ndingler.
 
Du reste, l’histoire est curieuse. Bien des capitaines d’industries jurent de leur détermination à investir des dizaines de milliards de francs CFA dans des mégaprojets savamment vendus à des pouvoirs en place. Le fait est que, chez beaucoup d’entre eux, tout finit en « programme immobilier » sous forme de lopins de terre vendus au prix fort. Sous cet angle, l’Etat a-t-il la garantie que Babacar Ngom et la Sedima ne feraient pas idem ?
 
 
 

 Vrai décret et faux démenti : de la présidentialisation du mensonge d’Etat au Sénégal
Le mensonge est une calamité, au plan individuel comme à un niveau institutionnel. Quand des gens investis de pouvoirs prennent plaisir à le banaliser à partir des hautes sphères de la présidence de la République et finissent par s’en accommoder, il devient un giga indicateur fondamental du mode de gouvernance publique appliqué au Sénégal. Après, c’est le drame sans fin entre fuites en avant, silences bavards, dos rond intégral, jusqu’à la prochaine incartade publique. Difficile de s’extirper de ce piège sans fin qui devient abri provisoire pour des dépositaires et délégataires de politiques publiques. Cette posture là, inconfortable et déshonorante, des psychologues lui ont trouvé un nom : « la loi de l’emmerdement maximum ».
 
Le scandale du décret signé par le Président Macky Sall et instituant un système de prébendes politiciennes en faveur des « présidents honoraires du Conseil économique, social et environnemental du Sénégal » est un miroir fidèle des dérives classiques du régime. Il vient juste allonger une série noire d’actes incompatibles avec le serment du Président de la République.
 
La « fabrication » d’un « Numéro spécial » du Journal officiel de la République du Sénégal en date du 29 avril dans lequel Macky Sall « revendique » la paternité du décret 2020-964 du 17 avril 2020 (instituant l’Honorariat pour les ex présidents du CESE) présidentialise le mensonge d’Etat et ringardise les auteurs du communiqué du pôle communication de cette même présidence qui traitait ce même décret de « faux » ! Le débat est clos car le mensonge s’est refermé sur des menteurs.
 
Cette pratique du mensonge au plus haut sommet de l’Etat, dans le périmètre qui abrite le bureau du secrétaire général de la présidence et l’antre « sacré » du Président de la République, ressemble à un attentat politique et institutionnel contre le peuple sénégalais, contre ses intérêts fondamentaux, contre les Sceaux et Symboles de l’Etat-République du Sénégal.
 
En vérité, rien dans cette affaire n’est conforme aux engagements constitutionnels du Président de la République. Sinon, il faudrait faire passer dans l’intelligence des Sénégalais la théorie selon laquelle laisser une amie politique du chef de l’Etat sans ressources dignes de son rang serait une menace pour la sécurité nationale ! On comprend dès lors pourquoi personne n’avait voulu porter le chapeau d’un « démenti » venu du cabinet du Président de la République et dépourvu de toute signature ou référence identifiable. Le temps des masques et de la distanciation physique et…morale, on y est assurément !
 
Samedi et dimanche, certains de ceux qui ont ourdi et mis en œuvre cette stratagème du mensonge non assumé auront prié peut-être chez eux, ou ailleurs, coronavirus oblige. Dans le silence de leurs conversations intimes avec Dieu, ils auront formulé le vœu de rester longtemps encore au pouvoir. C’est légitime sans doute, mais c’est surtout insensé au regard de leurs performances accumulées. Car à vrai dire, la priorité de leurs doléances face à leur Seigneur, ce serait de demander publiquement pardon au peuple sénégalais pour leur forfaiture noctambule du 15 mai 2020…  

En attendant, tout le monde reste en place, bien évidemment... Personne n'est coupable. En régime de transparence, cela se passe toujours ainsi. Pauvre démocratie !
 
 
 

COVID-19 : SAVOIR RAISON GARDER
L’actualité du Covid-19 est l’information la mieux ou la plus mal partagée en ces jours de pandémie mondiale. D’une part elle a presque l’exclusivité sur tous les supports de communication notamment les réseaux sociaux. D’autre part l’objectivité est le maillon faible de cette ébullition informationnelle, les acteurs actifs ou passifs sont plus attirés par le sensationnel. 
 
Les spécialistes de l’information ou les experts qui sont les acteurs actifs sont sur le tableau apocalyptique que l’on essaye de peindre avec les formes et les couleurs les plus laides possibles. Les lecteurs ou acteurs passifs ne se donnent pas la peine d’user de leur jugement critique pour faire la part des choses et deviennent eux-mêmes mi actifs en relayant les informations les plus saugrenues. 
 
Il est difficile sans le minimum de motivation de sortir indemne de cet étau. Autant au temps de la Chine, l’information factuelle sur les réalités de ce virus était inaccessible pour les spécialistes et encore moins pour les profanes comme nous. Cependant depuis que c’est devenu une réalité occidentale, les sources d’informations fiables sont presque à profusion. Donc il est difficilement concevable de part et d’autre de cet étau que les envolées incendiaires ne décroissent en rien.
 
Pour faire la part des choses ou des chiffres pour d’abord mon propre éveil, je vais essayer de développer la réalité quantitative de ce virus que nous vivons fortement en Europe. Malheureusement les spécialistes qui devaient sortir de leurs projections pour intégrer en temps réel les nouvelles données sont restés figés sur leurs schémas théoriques de propagation et de fatalité par rapport à ce virus. 
 
Des certitudes mouvantes sur le virus
 
Il est important de préciser que le Covid-19 est un virus réel et qu’il tue tous les jours des milliers de personnes dans le monde, comme beaucoup d’autres maladies. Même les négationnistes les plus extrêmes ou les partisans du complotisme ne peuvent plus nier cette tragédie dans ce monde. Egalement, la  mort reste un phénomène auquel on ne peut s’habituer : chaque mort d’où qu’elle soit et quelle qu’elle soit est tragique.
 
Une chose qui s’est profilée au fil des jours est qu’il était impossible de suivre la logique des spécialistes parce que les certitudes vacillent au fils du temps. Cette inconsistance se comprend parce qu’ils ont décrété que ce virus était sans précédent, différent de tout ce que le monde a connu. Et donc ça va être l’hécatombe au niveau mondial. Pourtant c’est un virus respiratoire, il y en a toujours eu donc il devrait y avoir une expérience pouvant faire référence. C’est plus particulièrement un Coronavirus, il y ‘en a eu plusieurs dizaines dans le monde. Donc une source potentielle de référence aussi. Alors pourquoi celui-ci, ce Covid-19, serait-il si différent?
 
Pour mémoire, ce les sont les spécialistes qui nous ont déjà martelé à longueur de média, que:
 
1). il n’était pas nécessaire de porter des masques, aujourd'hui les masques sont essentiels ; 
 
2). les enfants ont un potentiel important de propagation du virus, raison pour laquelle les écoles ont été fermées avant même les mesures de confinement dans beaucoup de pays. Et c’est un paramètre qui a accéléré le confinement dans certains pays. Aujourd'hui les études tendent plus à dire que nos enfants sont plus des contaminés que des contaminants ;
 
3). il faudrait s’attendre à 100.000 morts en Grande Bretagne, 200.000 morts aux Etats-Unis, des chiffres aussi démesurés dans d’autres pays, aujourd'hui on tend plus à des chiffres trois à quatre fois moins importants...  
 
Devrait-on donc croire à l’hécatombe qui est prédit pour l’Afrique? 
 
C’est une question qui prend toute son importance lorsque l’on suit l’actualité africaine à travers les médias mais aussi dans le vécu quotidien de toutes les couches des sociétés africaines, notamment au Sénégal mon pays. C’est une psychose à la limite de l’hystérie qui s’est installée. Les gens s’attendent au pire. En attendant, on est captivé par l’évolution de l’hécatombe européenne. Ainsi, tous les Africains vivant en Europe sont confrontés à tous ces coups de fils de personnes proches ou lointaines vivant en Afrique, qui viennent s'enquérir de notre état de santé. Notamment de comment arrive-t-on à survivre encore dans cet enfer européen ?
 
Je vis présentement dans l’un des départements français, si l’on en croit les médias, parmi les plus touchés : la Seine-Saint-Denis. La force des choses fait que je travaille en ce moment avec une société qui est considérée comme stratégique. Je suis donc obligé de braver le confinement quotidiennement pour me rendre sur site, en métro 3 jours dans la semaine et en voiture les 2 jours restants.  
 
Je respecte les mesures barrières notamment le lavage régulier des mains au savon. Précision de taille : dès que je rentre dans un endroit clos (maison, bureau, etc.) je fais des efforts importants pour garder mes mains loin de mon visage. Par contre, je ne mets pas de masque, ni de gants. Non pas parce que j’aime braver le danger. Mais si on regarde toutes les règles pour bien les porter afin que ça soit efficace, d’abord ça ne protège pas celui ou celle qui les utilise mais plutôt les personnes qui sont autour. Ensuite pour que ça soit efficace, il faut les changer toutes les trois à quatre heures et continuer à garder les mains loin du visage. Ce n’est pas si simple.
 
Ma logique scientifique prend le dessus, d’abord comprendre la cohérence avant de faire, pas de mimétisation. Après plus deux mois au coeur de cette pandémie, je me porte bien ainsi que toute ma famille. Peut-être que l’on est passé dans la population des cas asymptomatiques mais on n’a rien senti d’anormal côté santé. Contrairement à ce que l’on peut croire lorsque l’on suit cette pandémie, à quelques milliers de kilomètres de loin, par médias interposés, les malades avec des symptômes plus ou moins sévères sont plus dans l’exception que dans la règle. En effet si on s’affranchit de la spéculation des spécialistes pour analyser les vrais chiffres, le tableau est totalement différent.
 
Seuls 4 pays concentrent 70% des décès du virus en Europe
 
Si nous prenons le cas de l’Europe, on croirait par les médias que toutes les régions de tous les pays croulent sous les morts de ce virus. La réalité des chiffres est que l’essentiel de la pandémie est concentrée dans quatre pays que sont: l’Italie, l’Espagne, la France et l’Angleterre. Ils concentrent plus de 70% des morts en Europe. C’est macabre, je le consens. Si je prends le cas de la France, mon pays, l’essentiel de la pandémie est confiné dans trois à quatre régions sur les 13 régions métropolitaines, donc principalement la quadrature Nord-Centre-Est. L’essentiel de la face Ouest est peu ou pas du tout touché. Il y a des départements qui n’ont presque pas connu des cas de morts de ce virus.         
     
Pour confirmer que les chiffres à l’absolu ne peuvent pas dire grand chose, en fait le pays le plus touché en Europe, toute proportion gardée, est la Belgique avec un taux de mortalité rapporté à sa population qui est de 64 morts pour 100.000 habitants en fin avril. Et les dizaines de pays les moins touchés en Europe ont moins d’un mort pour 100.000 habitants. Ces chiffres sont loin de l’ampleur apocalyptique que l’on distille quotidiennement dans l'ouïe des populations. Il faut savoir qu’en France tous les jours en moyenne, plus de 1.500 personnes meurent de cancer, de tabagisme, d’alcoolisme, de grippe, de pauvreté, de précarité et j’en passe. Donc la mort n’est pas une création du Coronavirus. Elle était là avant mais sera là encore après. Et parallèlement en Afrique, plus particulièrement au Sénégal il y a moyennement 300 personnes qui meurent tous les jours, de manque soins médicaux, de femmes en accouchant, de malnutrition, de pauvreté, de paludisme en passant sur tous les autres maladies chroniques.   
 
Toutes ces statistiques sont disponibles à tous sur des sites internet qui font référence, notamment celui d’ESRI en France et de l’université John Hopkins aux Etats Unis. Ils donnent une situation quotidienne quantitative de la situation du virus dans presque la totalité des pays du monde. Comme dit l’autre, l’information factuelle rassure en temps de crise.
 
Par les faits, en termes d’expansion du Virus dans tous les trois continents qui vivent effectivement la virulence du Covid-19, c’est plus ou moins le même tableau: un développement concentré dans quelques villes de quelques pays. Et peut-être que c’est cette caractéristique qui fait l’effet explosif parce que les projecteurs sont toujours sur les zones les plus touchées. D’autant si la France est sous les projecteurs, la France-Afrique, elle, c’est une relation quasi-ombilicale.
 
Peut-être l’explication de la réaction démesurée en Afrique notamment au Sénégal, les Covid-19 positifs sont plus que des pestiférés, pire que la honte familiale. Alors que comme certaines études l’ont précisé, presque 8 personnes sur 10 qui sont atteintes de ce virus ne ressentent aucun symptôme, pour dire plus longuement qu’ils sont asymptomatiques. La problématique n’est pas d’attraper le virus mais plutôt de  développer une forme sévère de la maladie. 
 
L’un des rares points d’unanimité au niveau mondial, est que les formes sévères sont à plus de 90% liées à un âge de plus de 80 ans et/ou la présence de pathologies sévères  liées à l’obésité, le diabète ou la tension. En France, l'âge médian des décès est de 80 ans. Tout décès est tragique. Mais là, est l’une des erreurs de l’Occident sur laquelle nous Africains devons apprendre, si un jour le virus arrive effectivement chez nous: concentrer l’effort sur les personnes vulnérables, au lieu de dissiper l’effort sur toute la population. 
 
Pour l’Afrique, le temps d’apprendre des erreurs des autres
 
Pour l’autre partie de la population, des bébés jusqu’aux cinquantaines et même soixantaines en bonne santé, la probabilité de mourir de ce virus n’est pas trop différente de celle de succomber d’un accident de la route, d’un accident de travail ou du paludisme. Et pourtant ces différents risques ne nous empêchent aucunement de mener notre vie sereinement comme si de rien n’était. La vie va avec le risque que nous acceptons d’assumer jusqu’à un certain niveau. Et donc une question pertinente que l’on peut poser à nos spécialistes africains est: objectivement comment ce risque Covid-19 est plus risqué que tous les risques de notre quotidien?    
 
Donc on a encore le temps d’apprendre des erreurs de l’Occident face à ce virus et de comparer effectivement les stratégies des différents pays pour organiser une riposte basée sur des données réelles et non une riposte à l'aveuglette trop tôt ou tard. L’une des erreurs fondamentales de l’Occident est de vouloir gérer un problème complexe par la seule œillère médicale qui dicte l’ensemble des décisions. Le problème est effectivement médical mais il est aussi économique et sociétal sinon il devient un raccourci à la limite simpliste. 
 
On ne parle pas beaucoup du facteur social mais c’est peut-être le détail qui cache le diable. L’Occident revendique son athéisme mais ne peut assumer la mort. C’est un phénomène extraordinaire. L’Afrique principalement religieuse, la mort n’est qu’un prolongement de la vie. Un phénomène normal ou même banal. Cette position évoluée face à la mort serait l'explication à cette surenchère face à la mort qui frise l’acharnement thérapeutique. L’Afrique ne peut pas avoir une réaction calquée sur l’Occident face à cette pandémie.  
 
Et si la fameuse deuxième vague était plutôt économique ?
 
Il s’y ajoute que la deuxième vague dont nous menace les spécialistes ne sera peut être donc pas médicale mais plutôt économique. En effet la nature de la riposte à mis à genou l’économie de l’Europe. Tout le monde est d’accord que le réveil va être très, très difficile. Même si on ne peut encore apprécier l’hécatombe économique mais les dégâts risquent d’être sans précédent. Les économies sont déjà complètement sous perfusion, ce qui me rappelle nos fameux programmes d’ajustement structurels en Afrique. Une chose que l’on apprend de ce virus est qu’il n’y a pas réellement de pays développés dans ce monde. Il y en a qui ont des moyens et d’autres pas assez. Sinon comment expliquer l’absence totale de capacité de résilience devant des phénomènes pas aussi extraordinaires ? 
 
En France rien que pour sauver la compagnie Air France, l’Etat a mis sur la table l’équivalent de 4000 milliards de FCFA, ce qui correspond au budget annuel de l’Etat du Sénégal. Au total, l’Etat français va injecter presque l’équivalent de cent mille milliards de FCFA pour essayer de relever l’économie, plus de 11 millions de travailleurs du privé sont en chômage partiel, payé à 85 % par l’Etat. Mais de l’avis de tous, ce ne sera pas suffisant. Donc il faut que nous Africains, nous soyons conscients que certaines thérapies ne vont même pas aux riches. Il ne faut surtout pas que le remède soit pire que la maladie comme le dit si bien l’autre. C’est le moment de trouver une stratégie ou Riposte Agile, qui prend en compte aussi notre contexte économique et social.     
 
En attendant il faut que le virus arrive effectivement en Afrique parce que pour le moment on y entretient plus un virus imaginaire, désolé pour tous mes compatriotes africains qui sont complètement tétanisés dans leurs peurs. Je ne peux l’apprécier que de cette manière lorsque je lis aujourd'hui comme tous les autres jours le point épidémiologique du Ministère de la Santé du Sénégal, qui nous renseigne que sur 1200 personnes testés, il y a eu une soixantaine de cas positifs. Sans préciser qu’ils sont presque tous des cas asymptomatiques. C’est presque narguer le quarté européen qui, au pic de l’épidémie, comptabilisait chacun le millier de morts quotidiennement. Et comme ils l’ont déjà dit, le problème n’a jamais été la positivité mais plutôt la sévérité.
 
Factuellement, il n’y aura pas de généralisation de la pandémie en Afrique
 
Si on revient aux données factuelles, il n y a pas un élément objectif qui va dans le sens d’une généralisation de la pandémie dans toute l’Afrique. Si on s’en tient à sa tactique jusqu’à ce jour, au mieux ou au pire il s'installera dans quelques villes de quelques pays africains, sans aucune considération de niveau social ou de moyens. En Europe, ce sont les pays du G7 qui sont presque les plus touchés en dehors de l’exception allemande. Si encore, on parle du même virus, il y aura alors une particularité s’il visite tous les villages et villes africains.
 
Le virus est apparu en Europe entre fin janvier et fin février, Plus particulièrement en France le 24 janvier 2020 et en Hollande le 27 février 2020. Le cas de la Hollande est important analogiquement pour le Sénégal car on a à peu près une population de 17 millions et notre premier cas a été détecté dans la même période. Le premier cas du Sénégal a été précisé détecté le 2 mars 2020. 
 
Un mois après leurs premiers cas:
-- qui correspond au 24 février, la France était à 13 cas et 1 mort, 
-- qui correspond au 02 avril, le Sénégal était à 195 cas et 1 mort 
-- qui correspond au 24 mars, la Hollande était à 8000 cas et 550 morts. 
 
Ces données ont fait que certains spécialistes se sont posés la question si réellement les dates connues d’apparition correspondent effectivement au cas zéro.
 
Deux mois après leurs premier cas:
-- qui correspond au 24 mars, la France était à 22000 cas et 1100 morts,
-- qui correspond au 02 mai, le Sénégal était à 1100 cas et 10 morts,
-- qui correspond au 24 avril la Hollande était à 37000 cas et 4300 morts.
 
Ce sont des chiffres qui parlent d’eux-mêmes, sur lesquels les spécialistes devraient nous édifier du pourquoi d’autant de disparité: est-ce que c’est le même virus de part et d’autre ou bien existe-t-il réellement une exception africaine sur ce virus?  
 
Pour une fois l’Afrique…
 
Pour une fois qu’une calamité ne vient pas d’Afrique et que la force des choses pourrait faire qu’elle en soit exemptée ! Que les radars de virus sournois passent au dessus de notre continent ! Pourquoi les Africains tiennent coute que coute à recevoir leurs parts de cette calamité, alors que les faits et les chiffres vont plus dans le sens de l’absolution ?
 
N’en déplaise, nous devons plus être focalisés à combattre la  pauvreté et l’absence de plateau médical, que de mettre en place des programmes de milliers de milliards sur un virus qui a de fortes chances de nous poser un lapin. Le Sénégal est en train de mettre un millier de milliards de FCFA pour compenser un désordre créé de toute pièce. Si cette somme était mise dans le relèvement du plateau médical national, elle sauverait de loin tous les dégâts hypothétiques que pourrait engendrer ce virus. 
 
Ayons raison gardée en mettant plus de conditionnels dans ce que les spécialistes prédisent. On peut porter des masques, porter des gants, faire de la distanciation sociale lorsque c’est possible. Ça ne mange pas de pain. Mais levez-nous ce couvre-feu et ces restrictions sur les transports qui sont en train de tuer notre fragile tissu économique. Je parle en connaissance de cause.
 
J’ai une entreprise de transformation au Sénégal, nous avons déjà fermé pendant plusieurs semaines par le truchement des congés forcés pour tous les employés. Là on arrive au bout ! il faut reprendre ou fermer pour un moment ou à jamais. Peut-être que nos Etats ont pris les devants pour prévenir tout désordre venant de ce virus qui pourrait secouer leur fauteuil, mais attention à la seconde vague économique qui peut être d’un contrecoup terrible.  
 
Malgré que le virus est en déclin dans presque tous les pays du monde, il faut renforcer la surveillance épidémiologique, point sur lequel l’Occident a failli sur ce virus. Le contexte technologique de traitement en masse de données en temps réelle, d'intelligence artificielle ou de machine learning sont autant de leviers qui devraient permettre une riposte ou des actions proportionnelles basées sur les données quantitatives de l’évolution réelle et non sur des prédictions. Aujourd'hui les Etats africains doivent capitaliser sur les expériences chinoises, européennes et américaines tout en les confrontant à notre contexte social et économique. 
B. Khouma

Côte d’Ivoire : de la gouvernance du désespoir
 
La justice ivoirienne vient de condamner l’ex président de l’assemblée nationale Guillaume Soro à une triple peine : civile, pécuniaire, civique.
 
Ce verdict du tribunal correctionnel d’Abidjan est tombé juste après l’injonction adressée le 22 avril dernier par la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) à la Côte d’Ivoire de surseoir au mandat d’arrêt visant Guillaume Soro et de placer en liberté provisoire une vingtaine de ses proches dont cinq parlementaires, des militants et des parents, tous accusés de « complicités » dans la commission des actes visés par la justice ivoirienne. Il n’y a pas de hasard qui tienne lorsque la politique et la justice agissent en symbiose comme c’est le cas dans l’affaire que voilà. La décision sans appel de la CADHP à laquelle Abidjan avait répondu avec snobisme a directement précipité la fuite en avant des autorités ivoiriennes dans ce dossier.
 
L’idée n’est pas de soutenir l’innocence ou la culpabilité de l’ex-rebelle, mais le bon sens sait souvent orienter vers la bonne direction. Il nous dit par exemple que si Soro avait accepté de rejoindre la coalition du RHDP fabriquée de toutes pièces par Ouattara, il serait encore, aujourd’hui, à son perchoir du parlement. De 2012 à 2019, ce jeune professionnel de la politique a été président de l’assemblée nationale de Côte d’Ivoire après avoir été ministre de la Défense. En Afrique, ce n’est pas rien, surtout pour quelqu’un qui n’a pas encore 50 ans.
 
L’Afrique ! On en est encore là, 60 ans après les indépendances, entre machineries politiciennes, hypocrisies morbides, intolérances têtues, appétits voraces pour le pouvoir. Jusqu’au risque de miner avec une charge de C4 les fragiles équilibres socio-ethniques et claniques qui survivent dans l’ombre d’un Etat dit de droit lui-même rétif à toute évolution mentale. La Côte d’Ivoire, comme beaucoup d’autres pays africains, est malheureusement en phase parfaite avec ces caractéristiques apocalyptiques pour lesquelles elle n’a pas encore totalement fini de réparer les blessures profondes que l’inconscience dramatique de certaines de ses élites lui a infligées dans un passé récent.
 
Nul ne sait ce qui surviendra demain dans ce pays moteur de la construction et de l’intégration en Afrique de l’Ouest, à l’heure où les éléphants politiques – les mêmes qui sont au front depuis presque trente ans - fourbissent leurs armes en direction de l’élection présidentielle du 31 octobre 2020. Personne ne sait ce qui adviendra quand Guillaume Soro aura décidé de vendre chèrement sa peau – même si certains soutiennent qu’il s’est trop embourgeoisé et enrichi pour retourner dans le maquis, là où il a acquis ses premiers titres de noblesse. Nul ne sait ce qui proviendra d’une révolte intérieure si le rouleau compresseur des radicaux qui entourent Ouattara s’effondrai.
 
Finalement, pour la Côte d’Ivoire, au regard des fiançailles sans lendemain que les « chefs-éléphants » ont pris l’habitude de sceller entre eux, il n’y aura pas de salut en dehors d’un mariage raisonnable et assumé avec la modernité politique, celle qui laisse aux institutions républicaines l’arbitrage légal du jeu démocratique sous l’œil vigilant des citoyens. Cette option est d’autant plus incontournable que le président Ouattara ne sera plus, bientôt, le ciment qui fédère des clans et des ego pressés de toucher le Graal. En son absence, il n’est pas dit que Soro ne reviendra pas… C’est là tout le désespoir que procure aux Africains une démocratie qui désespère de ses élites.

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