Le Nouveau Front populaire, né dans l'urgence après la dissolution de l'Assemblée, a fait preuve d'une certaine efficacité en permettant à la gauche de devenir la deuxième force politique du pays, mais va être confronté au défi d'une unité toujours très friable, avec LFI en embuscade pour reprendre le leadership.
Sans réussir à menacer le score du RN, largement en tête, le Nouveau Front populaire obtient entre 28 et 29% des intentions de votes et pourrait avoir à l'issue du second tour dimanche prochain de 180 à 200 sièges selon l'Ifop, 125 à 165 selon Ipsos, entre 130 et 170 selon Opinionway ou 115 à 145 selon Elabe.
"C'est un score tout à fait important pour l'union de la gauche, mais cette union n'a pas réussi à se rapprocher du RN et donc ça ne permet pas de tutoyer l'étiage d'un groupe d'opposition très fort", note Martial Foucault, du Cevipof, même si les projections pourraient changer en fonction des désistements des macronistes entre les deux tours.
Autre politologue du Cévipof, Luc Rouban considère qu'"il y a eu un espoir à gauche en créant une union électorale mais c'est un échec". "La théorie d'une armée de réserve d'abstentionnistes était fausse. La gauche n'avait pas d'armée de réserve, elle est au taquet à 30%", ajoute-t-il.
Plusieurs députés ont été réélus dès le premier tour, comme le patron du PS Olivier Faure, son homologue insoumis Manuel Bompard, la cheffe des députés LFI Mathilde Panot ou encore l'écologiste Sandrine Rousseau.
Mais une figure emblématique de la gauche, le patron des communistes Fabien Roussel, a été éliminé dès le premier tour par le candidat RN dans la 20e circonscription du Nord.
Le député de la Somme François Ruffin, rouage essentiel de cette alliance, est devancé dans la Somme par une candidate RN mais devrait tirer parti du report des voix.
Après l'explosion de la Nupes, suite à plusieurs différends entre LFI et le Parti socialiste, notamment après l'attaque du 7 octobre en Israël, et après une campagne européenne particulièrement violente, refaire une alliance paraissait improbable.
- Quel Premier ministre -
Mais en quatre jours et quatre nuits, les Insoumis, les socialistes, les communistes et les Ecologistes ont réussi à surmonter la plupart de leurs divergences et à s'accorder sur un programme de gouvernement.
Non sans que l'alliance ne tangue parfois, notamment avec l'omniprésence du leader insoumis Jean-Luc Mélenchon, considéré comme repoussoir par les socialistes, les écologistes et les communistes.
Il risque de se produire une situation semblable à la précédente législature, remarque Martial Foucault, soulignant que la prise de parole de Jean-Luc Mélenchon dimanche soir "était quand même révélatrice d'un effet repoussoir". "L'hypothèse qu'il soit Premier ministre d'une coalition a pu rebuter un certain nombre d'électeurs de gauche", a ajouté l'expert.
Dimanche, les chefs de file des quatre partis de l'alliance se sont accordés sur un point: dans les triangulaires où le RN arrive en tête, les candidats du Nouveau Front populaire se retireront dans les circonscriptions où ils sont en troisième position pour faire barrage à l'extrême droite.
Et faire pression sur la macronie et Les Républicains, pour obtenir le même désistement républicain de leur part pour faire barrage au RN.
"Jean-Luc Mélenchon est allé aussi loin qu'il pouvait", note un socialiste. "Il aurait pu y avoir fracture ce soir, mais il est resté sur la position déterminée par les responsables de partis", se félicite le même.
Pourtant, "quand il arrive avec un air rigolard, avec Rima Hassan et son keffieh, ça aide pas", souligne-t-il à propos de l'eurodéputée, militante de la cause palestinienne, à ses côtés lorsqu'il a commenté les résultats de ce premier tour.
Et nul doute que les résultats définitifs des législatives dimanche prochain relanceront la bataille à gauche pour savoir qui détient le leadership de cette nouvelle alliance. Et la question du rôle des "purgés" de LFI, les anciens frondeurs comme Alexis Corbière ou Danielle Simonnet, reviendra vite aussi perturber l'avenir de la coalition.
En attendant, la gauche a joué l'unité dans la soirée de dimanche avec un meeting place de la République à Paris, où Olivier Faure, Marine Tondelier et Jean-Luc Mélenchon ont partagé la scène. [AFP]